La création féminine entre le 12e siècle et le 16e siècle

par

La Cité des Dames
Musique et femmes au Moyen-âge
CAPELLA DE MINISTRERS (Carles MAGRANER, director - Pilar ESTEBAN (soprano), Elisa FRANZETTI (soprano)
2014 – DDD – 50’37 + 52’47 – livret en espagnol et en anglais – CdM 1333

Le livre de la Cité des dames, écrit en 1405 par Christine de Pizan, a inspiré ces deux disques de la Capella de Ministrers, autour d’un répertoire presque exclusivement composé par d’illustres femmes d’antan, telles Hildegarde de Bingen, Claire d’Assise, Eléonore d’Aquitaine, Blanche de Castille ou Constance d’Aragon, pour ne citer que les plus célèbres d’entre elles. L’ouvrage de Christine de Pizan reprend les idées de raison, de droiture et de justice au sein d’une cité féminine, venant défendre la noblesse de l’esprit féminin, en réponse aux textes misogynes de ses contemporains. Mais ce livre du 15e siècle est aussi un des témoignages de la création artistique des femmes, dont l’activité à l’écart du monde masculin, demeurait essentiellement méditative pour les aristocrates ou contemplative pour les religieuses. Ces deux disques sont insérés dans un magnifique livre illustré par des iconographies de l’époque médiévale, comprenant un texte intéressant et instructif, en langues espagnole et anglaise (on regrette toutefois l’absence des traductions en langues allemande et française). A travers tout cet important répertoire, y sont dépeints les sentiments les plus profonds, dans un style dépourvu de tout voile de candeur ou de convention. Cette interprétation offre une magnifique version, par un précis respect des traditions d’exécution comme par de belles qualités d’enregistrement. C’est ainsi que la mélodie introductive de la harpe celtique du chant Triste suis de Marguerite d’Autriche sonne avec la plus pure clarté. La voix et l’instrument s’associent tantôt dans une harmonieuse complicité aux lignes entremêlées, ou s’affrontent tantôt avec vivacité osant même la dissonance, source de plainte expressive en musique. Les interprètes, fidèles aux récits des chants, restituent avec simplicité et intériorité le sens textuel et la juste expression musicale. Grandes narratrices, ces illustres femmes ont conté en musique des histoires portant sur des thèmes universaux, dans l’ombre des compositeurs de leur temps, en même temps qu’elles ont laissé à la postérité une histoire de la femme, mêlée à une vraie réflexion sur la condition  féminine. Une belle démarche de la part de la Capella de Ministrers de défendre avec tant d’émotion et de naturel ce type de répertoire.
Marie-Sophie Mosnier

Son 10 – Livret 8 – Répertoire 10 – Interprétation 10

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