La lyrique amoureuse de Francesco Rasi, déployée autour de son principal recueil poétique

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La Cetra di sette corde. Francesco Rasi (1574-1621) : madrigaux et arias. Giovanni De Macque (c1550-1614) : Canzona Seconda. Giovanni Battista Ferrini (c1600-1674) : Ballo di Mantova. Giovanni Giacomo Kaspberger (c1580-1651) : Toccata Seconda. Girolamo Frescobaldi (1583-1643) : Canzonetta detta La Trombocina. Ascanio Maione (c1570-1627) : Toccata Quarta. Anonymes : Aria di Fiorenza ; Aria di Romanesca. Riccardo Pisani, ténor. Ensemble Arte Musica. Chiara Granata, harpe. Giovanni Bellini, théorbe, guitare. Silvia De Maria, viole de gambe, lirone. Francesco Cera, clavecin et direction. Juillet 2020. Livret en anglais, français, italien ; paroles en italien et traduction bilingue. TT 68’27. Arcana A492

Le 30 novembre dernier marquait le quatre-centième anniversaire de la disparition de Francesco Rasi, actif dans les grandes cités italiennes (Florence, Rome, Turin, Venise) mais principalement à Mantoue, siège de la Cour des Gonzague. Chanteur célébré dans le rôle-titre de L’Orfeo de Monteverdi, et associé aux premières expérimentations de théâtre musical. Aussi compositeur, témoin de la transition entre la Renaissance et le premier Baroque, s’essayant au genre monodique accompagné de basse continue. On lui doit les deux compilations d’arias et madrigaux Vaghezze di Musica (1608) et Madrigali di diversi autori (1610), dont le langage et le contexte sont présentés avec érudition dans la notice du CD. Ces deux recueils en alimentent le programme, structuré en référence au cycle poétique La Cetra di sette corde dont l’auteur est Rasi lui-même, qui taquinait donc aussi le vers.

Cette « lyre à sept cordes » est originellement dédiée à sept influents personnages de l’époque. Par métaphore imaginée pour cet enregistrement, se déclinent ici sept tableaux qui vibrent en sympathie avec les émois amoureux : le regard, les affections, les désirs inconsolés, le chagrin, le dernier adieu, l'ancienne flamme, la sagesse des sentiments. Le parcours est précédé par une plainte d’Orphée pour Eurydice, et s’achève sur un épilogue heureux. Chacune des sept étapes est introduite par une pièce instrumentale, dont trois se réfèrent à des villes où s’honora Rasi.

Furio Zanasi (La Voce di Orfeo chez Naïve, 2009) et plus récemment Emiliano Gonzalez Toro dans son album Soleil noir capté en février 2019 chez le même éditeur, nous avaient déjà livré deux disques particulièrement aboutis : ils révélaient l’art suave de ce Rasi qui nonobstant fut banni par le Grand-Duc de Toscane pour avoir trucidé sa belle-mère et son intendant dont il convoitait l’épouse ! Ces deux récitals trouvent ici un digne concurrent, dont on salue l’intelligente perspective. L’éloquente harpe de Chiara Granata (Toccata Quarta de Maione), le délicat clavecin de Francesco Cera (Canzona Seconda), le galbe d’archet de Silvia De Maria dans la pièce de Frescobaldi : l’intimiste effectif de cordes, dans les intermèdes et en support du chant, tisse un idéal cocon autour de la voix de Riccardo Pisani. Plus que dans les quelques mélismes et vocalises virtuoses, c’est surtout dans l’art d’une déclamation naturelle que se distingue le ténor dont le timbre blanc et droit, la parole nuancée traduisent sobrement le mot. L’univers intérieur de ce voyage pétrarquiste vibre avec parcimonie, son lyrisme n’en résonne que plus authentiquement, nanti d’une courtoisie qui le renverrait presque aux archétypes du fin’amor troubadouresque.

Son : 8,5 – Livret : 9,5 – Répertoire : 9 – Interprétation : 9,5

Christophe Steyne

 

 

 

 

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