La meilleure version DVD actuelle des Vêpres siciliennes en français

par

Giuseppe VERDI (1813-1901)
Les Vêpres siciliennes
L. Haroutounian (Hélène), B. Hymel (Henri), M. Volle (Guy de Montfort), E. Schrott (Jean Procida), solistes, Royal Opera Chorus, Orchestra of the Royal Opera House, Covent Garden, dir.: Antonio PAPPANO, mise en scène : Stefan HERHEIM
2015-2 DVD-182'-Textes de présentation en anglais, français et allemand-chanté en français-sous-titres en anglais, français, allemand, espagnol et italien-Opus Arte 0825646164349

Durant l'ouverture, Herheim ne fait pas dans la dentelle : on y voit Montfort joyeusement violer une jeune Sicilienne, future mère d'Henri. Qui apparaît d'ailleurs, devant le gouverneur apeuré ? Une femme enceinte, puis une femme portant son bébé, puis un enfant de sept ans maniant une épée en bois, puis enfin Henri adulte. Pas mal comme début. La suite de la mise en scène sera moins frappante. L'action est transposée à l'époque de la création (1855). Très beaux costumes, décors fonctionnels. Par deux fois, on verra les loges de l’Opéra dupliquées à l'envers, idée souvent employée par ailleurs. Mais tout fonctionne. Deux incongruités cependant : la présence de ballerines durant l'ouverture, qui réapparaîtront ensuite à l'air de Procida, au finale du quatrième acte, puis à nouveau au cinquième. Je n'en vois pas la raison, d'autant plus que l'imposant ballet des Quatre Saisons est coupé, comme souvent. Deuxième étrangeté : Procida est costumé en femme lors du massacre final, qu'il inaugure en tuant choristes et figurants au moyen de la hampe du drapeau français. Passons. Car musicalement, la production est hautement jouissive. On le sait, Antonio Pappano est un immense chef de théâtre. Il dirige la partition complexe d'un Verdi confronté aux exigences du Grand Opéra Français avec un enthousiasme fou qui ralliera même les réfractaires au genre. Ainsi la première scène d'Hélène à l'acte un est magistralement conduite, tout comme le puissant concertato qui termine le III, ou les scènes dramatiques de l'acte IV avec ce duo si intense entre Henri et Hélène, que suit le quatuor "Adieu mon pays", l'une des perles de cette partition trop méconnue. La distribution est grandiose, à l'aune de l'oeuvre. Je placerais au premier rang l'Henri de Bryan Hymel, ténor héroïque splendide, qui vainc les difficultés d'un rôle très lourd avec une désarmante facilité. Il forme un couple idéal avec l'Hélène de Lianna Haroutounian, laquelle s'impose dès sa chanson initiale : velouté superbe, beauté du legato mais aussi présence théâtrale unique. Les deux duos d'amour figurent parmi les sommets du spectacle. Le personnage central, Guy de Montfort, est bien incarné par un Michael Volle en bonne voix, et excellent comédien : le rôle est en or, on le sait. Quant à Erwin Schrott, il campe un Procida moins grave que d'habitude (ce n'est pas une basse profonde), mais vocalement assuré, plus manipulateur que fanatique. Signalons, parmi les comprimari, l'excellent sire de Béthune de Jean Teitgen, le Robert imbibé de Jihoon Kim, et le preste couple d'amis Danieli-Ninetta (Nicholas Darmanin et Michelle Daly). Les deux bonus sont insignifiants (interviews-éclairs des chanteurs, et explications du chorégraphe). Malgré certaines incohérences scéniques et l'accent impossible de la plupart des chanteurs (sauf Bryan Hymel), cette production est digne de la brillante tradition verdienne du Royal Opera House. Elle impose sans peine la grandeur d'un opéra de toute haute maturité, digne de ses voisins immédiats (La Traviata et Simone Boccanegra).
Bruno Peeters

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