Une approche nouvelle de Méhul, et...  une première mondiale !

par

Etienne-Nicolas MEHUL (1763 - 1817)
Symphonies n° 3, 4 et 5 "inachevée"
Kapella 19, dir.: Eric JUTEAU
2014-DDD-61' 20''- Textes de présentation en allemand, anglais et français - Kapella 19

En pleine époque beethovenienne, où en était la symphonie en France ?  Le vieux Gossec avait fait paraître sa Symphonie à 17 parties  en 1809, le jeune Herold en écrira deux en 1813 et 1815, et le vénéré Cherubini une seule (1815), créée en 1824. Méhul se trouve donc un peu isolé dans ces années stériles, avec ses quatre  symphonies, composées entre 1808 et 1810.  En 1986, le Guide de la musique symphonique (Fayard) annoncait la publication des symphonies 3 à 5 aux USA (elles n'ont été découvertes qu'en 1979 par le musicoloque David Charlton), et en espérait l'enregistrement. Depuis, Minkowski a fait paraître les deux premières (Erato) et Swierczewski les quatre (Nimbus) dans le cadre du bicentenaire de la Révolution Française en 1989. Restait cette cinquième, dont il ne subsiste que le premier mouvement : en voici la première mondiale. Un allegro fougueux, fortement rythmé aux timbales, succède à une introduction lente. L'inspiration alterne entre charme et vigueur, caractéristique des toutes les symphonies de Méhul. Ces grandes pages instrumentales "ne sont pas les pièces légères d'un célèbre compositeur lyrique ayant voulu tourner brièvement le dos à sa spécialité" (Charlton). Il est en effet amusant de voir qu'actuellement - ironie de l'Histoire - Méhul est plus connu par ses symphonies que par ses opéras, un peu oubliés (La Légende de Joseph surtout, mais aussi Ariodant, Stratonice et Uthal, lequel - notons-le -  sera remonté à Versailles en juin prochain grâce au Palazzetto Bru Zane-Centre de musique romantique française). La troisième symphonie est en trois mouvements, omettant le scherzo. Très bien construite, elle est proche de Haydn et de Beethoven. On signalera l'andante, marche funèbre grandiose, et son excellente mise en place par l'orchestre Kapella 19. La quatrième symphonie est plus intéressante encore, par le traitement cyclique des thèmes (leitmotiv ?), et par des recherches rythmiques prononcées. Le solo de violoncelle qui ouvre le mouvement lent est admirable : voilà sans doute la page la plus curieuse et inventive de ce CD. Et quel beau développement !  Menuet et allegro final, comme soudés, témoignent de l'invention savante de Méhul, celle qui faisait l'admiration de Weber et de Beethoven. L'interprétation sur instruments d’époque est plus sèche que celle de Swierczewski, sans doute, mais n'ennuye pas une seconde par la nervosité de son approche, et la vivacité de sa lecture.
Bruno Peeters

Son 10 - Livret 10 - Répertoire 9 - Interprétation 9

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