La référence moderne de l'oeuvre pour violoncelle et piano de Beethoven

par

0126_JOKERLudwig van BEETHOVEN (1770-1827)
Intégrale des oeuvres pour violoncelle et piano
Jean-Guihen QUEYRAS (violoncelle), Alexander MELNIKOV (piano)
2014-DDD-2h18'40-Textes de présentation en français, anglais et allemand-Harmonia Mundi HMC 902183.84 (2 cd)
On ne compte plus les intégrales des oeuvres pour violoncelle et piano de Beethoven. Pourtant, la nouvelle venue parvient encore à nous surprendre et, tout d'abord, paradoxalement, par son classicisme et son caractère vraiment chambriste. Ces dernières années, en effet, ont vu se multiplier des approches de plus en plus diversifiées dans l'interprétation de ces partitions si atypiques, avec pour résultat un éloignement de plus en plus sensible de l'univers beethovénien, les musiciens se laissant parfois emporter par sa modernité, bien réelle mais qu'il convient de ne pas exagérer jusqu'à la caricature. Ou bien les deux instruments prenaient des dimensions orchestrales: un contresens absolu (à l'exception peut-être du premier mouvement de la 5ème sonate). Rien de tel dans cette somptueuse version où l'on est tout d'abord subjugué par ce violoncelle si poétique et chantant, aux sonorités pleines et chaudes et ce piano qui lui donne la réplique avec une fraîcheur et une mesure tout à fait remarquables. L'équilibre et la complicité sont en effet idéaux dans ce discours toujours relancé, toujours varié, où la virtuosité éblouissante des deux musiciens s'efface devant la simplicité, l'évidence, la pondération qui jamais n'oublie la passion, toujours perceptible. Et quelle délicatesse dans les phrasés, toujours idoines, toujours admirables! A entendre Jean-Guihen Queyras, on se souvient tantôt de l'élégance de Fournier, tantôt de la fougue de Casals, tantôt encore du respect de la tradition de Janigro ou de la chaleur toujours empreinte de rigueur de Starker, références dont il offre une sorte de synthèse particulièrement réussie. Des coups de coeur? Oh oui, presque partout: la variété quasi infinie de sentiments et de climats, ainsi que la construction sans faille du premier mouvement de la deuxième sonate, passionnant de bout en bout, le suprême raffinement de l'introduction de la troisième et la verve qui anime la suite de celle-ci, en particulier dans un 2ème mouvement particulièrement brillant, les trésors d'inventivité dans les trois séries de variations. Mais ce sont les deux dernières pages, celles de l'opus 102, qui hissent ces disques au sommet de la discographie, aux côtés des « grands ». Modernisme, certes, mais lyrisme avant tout, et engagement total, liberté d'expression, sens du suspense. Davantage peut-être que chez leurs prédécesseurs, Queyras et Melnikov soulignent l'achèvement, l'apothéose que représentent ces deux sublimes expressions du génie beethovénien, tout autant qu'ils réussissent à nous les faire entendre comme s'il s'agissait de la première fois. En bref, l'intégrale moderne à avoir, qui plus est servie par une prise de son absolument parfaite, naturelle, qui met bien en valeur les instruments sans les « grossir » artificiellement.
Bernard Postiau

Son: 10 Livret: 10 Répertoire: 10 Interprétation: 10

Les commentaires sont clos.