La vie courante au Staatsoper

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Un Ballo in Maschera
Cette saison, l’Opéra de Vienne propose cinq nouvelles productions : Macbeth (Verdi), Hänsel und Gretel (Humperdinck), Vec Makropoulos (Janacek), Tri Sestri (Eötvös) et Turandot (Puccini). Et un répertoire de 44 opéras (allemands, italiens, français, russes, tchèques et anglais) et l’obligatoire Fledermaus (pour les réveillons) dans des productions existantes qui ont parfois déjà pris bien des rides. C’était le cas pour Un Ballo in Maschera à l’affiche en ce mois de janvier 2016, dans une réalisation présentée pour la première fois en octobre 1986 ! C’était la 85e fois que cette mise en scène de Gianfranco de Bosio, dans des décors de Emanuele Luzzati et des costumes de Santuzza Cali, servait de cadre à l’opéra de Verdi : elle manquait de fraîcheur aussi bien dans les décors que dans les costumes. L’idée de présenter l’action comme du théâtre dans des coulisses anciennes était peut-être défendable à l’origine mais elle ne fonctionne plus et il ne reste qu’un décor poussiéreux, usé, et une direction d’acteurs (seconds rôles et chœurs) trop sommaire.
Il revenait donc aux protagonistes et au chef d’orchestre de faire vivre l’opéra et d’en oublier le cadre désuet. Jesus Lopez Cobos dirigeait l’orchestre du Wiener Staatsoper de main ferme et attentive, parfois un peu trop stricte comme dans le grand duo du deuxième acte qui aurait pu bénéficier d’un souffle plus large. Mais l’excellent orchestre répondait sans faille aux exigences de la partition avec de beaux moments solistes du violoncelle, de la flûte ou du cor anglais. La distribution vocale était de bon niveau et les chanteurs ont réussi à faire passer les émotions des personnages dans une interaction crédible. La palme vocale revient sans doute au baryton George Petean qui campe un Renato sobre et humain et chante d’une voix chaude, homogène, capable de nuances subtiles, culminant dans une admirable interprétation de son air «Eri tu». Ramon Vargas donne vie et désinvolture au Roi Gustavo, rôle qu’il aborde prudemment mais qu’il chante plus librement dès la scène chez Ulrica, avec une belle agilité vocale pour retrouver l’élan et l’émotion des grands moments de sa voix de ténor lumineux. Kristin Lewis fait une Amelia tourmentée et chante d’une voix sûre et ample, avec un long souffle et de très beaux pianissimi surtout dans «Morro, ma primo in grazia». Maria Nazarova campe un Oscar vraiment adorable qui évolue dans l’action comme un gosse malicieux, d’une grande spontanéité et offre une voix souple et fraiche. Monica Bohinec donne présence et voix sonore et expressive à Ulrica, et Manuel Walser est un marin de belle allure. Les conspirateurs ont la corpulence et les voix sombres d’Alexandru Moisiuc et Dan Paul Dumitrescu. Les chœurs manquent de direction scénique mais chantent bien.
Erna Metdepenninghen
Vienne, Wiener Staatsoper, le 12 Janvier 2016

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