Le Bach dansant de Pierre Hantaï

par

Johann Sebastian Bach (1685-1750)
Concerto Italien BWV 971 ; Suites anglaises n° 2 BWV 807 et n°6 BWV 811 ; Chorals « Wer nur den lieben Gott lässt walten » BWV 690 et 691, « Jesus, meine Zuversicht » BWV 728, « Liebster Jesu, wir sind hier » BWV 706 ; Fantaisie en la mineur BWV 944
Pierre Hantaï, clavecin
2014 – DDD – 74' – Livret en français, anglais, allemand – Mirare MIR 251

Si les six Suites anglaises de Bach ne sont pas des œuvres de jeunesse, il s'agit néanmoins de l'une des premières incursions du compositeur dans le domaine de la danse. Alors en poste à Weimar, c'est entre 1722 et 1724 que celui-ci se détourne du contrepoint rigoureux et de la musique liturgique pour écrire ces Sarabandes, Courantes et autres Gavottes. Ce faisant, il s'inspire des maîtres français du genre, au rang desquels François Couperin mais aussi Dieupart. Bach ayant sobrement intitulé son recueil « Six Suites avec leurs Préludes pour le clavecin », on doit l'appellation « Suites anglaises » à une note mystérieuse de son fils Johann Christian en tête de sa copie personnelle : « fait pour les Anglois ». Ces quatre mots en français, toujours inexplicables, donnent du fil à retordre aux musicologues depuis plus de deux siècles. De fait, les Suites de danses ne semblent pas caractéristiques d'un pays en particulier, mais correspondent à l'esprit de « Goûts réunis » qui avait conquis l'Europe à la fin du 17ème siècle. Le Concerto italien, également présent sur ce disque, en est un autre exemple. Quant aux chorals arrangés pour le clavier, bien que provenant directement du répertoire luthérien, ils doivent beaucoup, dans leur ornementation, à des styles plus « galants ». Oubliant les stéréotypes liés à son instrument, le claveciniste Pierre Hantaï attrape son clavier avec poigne, livrant un Bach franc et vigoureux. Il aime jouer avec les ornements et ne s'en prive pas, surtout dans les Suites anglaises qui se prêtent particulièrement à ce genre d'exercice. Les césures très marquées qui ponctuent le phrasé n'aident pas à la clarté de la construction, mais peut-on le reprocher quand le caractère dansant est présent dans chaque mouvement ? Le Concerto italien, en revanche, supporte moins bien ces libertés agogiques. Entre un premier et un troisième mouvements que des arrêts incessants rendent presque titubants, le second, orné à outrance, perd tout de sa simplicité. De plus, un toucher inégal est mis en évidence par la lenteur de ce mouvement. Dans les chorals ornés, en revanche, ces problèmes ne sont pas présents : la conduite des voix est bien suivie et le discours est allégé par les arpèges. Si en général on aurait aimé un peu plus de rigueur, voilà au moins un Bach qui ne manque pas de fraîcheur.
Quentin Mourier

Son 10 - Livret 9 - Répertoire 10 - Interprétation 8

 

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