Le chant du musicien errant

par

Franz LISZT (1811-1886)
The complete Songs -2

Angelika KIRCHSCHLAGER (mezzo-soprano), Julius DRAKE (piano)
2012-DDD-62'47-livret en anglais, français, allemand-textes en langue originale et anglais-chanté en allemand, français, italien-Hyperion CDA67934

Comme au fil d'un journal intime, Liszt a composé plus de 60 Lieder et mélodies entre 1839 et 1884. Majoritairement en allemand, il s'inspire également de poèmes en français, italiens, hongrois, anglais ou russe. Reflets successifs de ses états d'âme toujours contrastés, versatiles, fugaces, il n'hésite pas à en reprendre certains et à les remanier profondément. Ainsi des deux étonnantes versions du poème de Goethe Der du von Himmel bist, à 18 ans d'intervalle.
Après un volume 1 confié au ténor Matthiew Polenzani et Julius Drake, voici donc avec le même pianiste un volume 2, interprété cette fois par la mezzo-soprano autrichienne, Angelika Kirchschlager. On y trouve 4 poèmes de Goethe, 3 de Heine, une curiosité française - la Jeanne d'Arc d'Alexandre Dumas père- et les drei Zigeuner de Lenau avec leur fameuse philosophie : «Lorsque la vie nous est hostile, on la passe à fumer, à dormir, à jouer du violon et à la mépriser triplement»!
Si le texte de Jeanne d'Arc au bûcher souffre des élans emphatiques -pour ne pas dire pompiéristes, d'Alexandre Dumas père, elle est vaillamment défendue par Angelika Kirchschlager. Et reste plutôt un témoignage d'époque que l'ébauche d'un hypothétique opéra comme le suggère le livret.
D'une toute autre encre apparaissent les mélodies sur des poèmes de Goethe telles que Freudvoll und leidvoll (1849), surtout l'Über allen Gipfeln ist Ruh' (1859) et les deux versions (1842 et 1860) de l'admirable Der du von dem Himmel bist qui, fort intelligemment, encadrent ce beau récital. Si Musset reste un peu kitsch- en dépit de sa lugubre conclusion (le seul bien qui me reste au monde est d'avoir quelquefois pleuré) tout comme les poèmes de Müller ou Redwitz, en revanche, et une fois de plus, Heinrich Heine s'impose comme l'un des plus intenses poètes: ici, Vergiftet sind meine Lieder prend une allure fantomatique et donne le frisson..
Tout au long de ce récital, la mezzo se montre passionnée, l'ardeur compensant une voix parfois anguleuse. La sincérité de l'interprète convient à cette musique singulière, disparate, répartie sur tant d'années, admirablement mise en scène par le jeu expressif, toujours juste, du pianiste Julius Drake.
La comparaison avec l'intégrale Adda de ces seuls deux premiers disques est, d'ores et déjà, intéressante et devra être poursuivie. Enregistrée sur un piano Erard de 1850 avec (notamment) Donna Brown et Gabriele Schreckenbach, cette dernière vient d'être rééditée.

Bénédicte Palaux Simonnet
Son 9- Livret 9- Répertoire 9- Interprétation 9

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