Le dernier soir des demi-finales et les douze finalistes

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Dernière soirée de la demi-finale du Concours Reine Elisabeth consacré au chant cette année. Avant l'annonce des douze finalistes, quatre candidats partageaient encore la scène ce soir.
Yu Shao offre une meilleure prestation qu'au premier tour. Il commence par « Au cimetière » et « L'ïle inconnue » des Nuits d'été de Berlioz. Intonation correcte et une belle conception des deux œuvres. En revanche, la technique n'est pas toujours parfaite malgré un beau timbre et un sens musical naturel. Belle exploration des registres tant doux que sonores. « L'île inconnue », plus rapide, manque de clarté au niveau texte. Dans Schumann (Sehnsucht nach der Waldgegend), on perçoit une belle intonation, une sincérité évidente mais le timbre tend parfois à s'effacer comme si le candidat ne maîtrisait plus l’œuvre. Bonne construction des phrases et une conduite fine. De Mozart (« Wenn der freude Tränen fliessen », L'enlèvement au sérail, Mozart), il propose une lecture extrêmement simple avec des aigus peu réussis, souvent durs. Chanteur touchant, il termine par « Confort ye my people – Ev'ry valley shall be exalted », Messiah, Haendel). Bonne exécution générale mais le ton est relativement monotone. La technique, un peu faible par endroit, empêche le chanteur de se libérer complètement. Des aigus ne passent pas mais la partie rapide est davantage intéressante. C'est Daniel Blumenthal qui accompagne le candidat avec une écoute attentive.
Levente Pall offre une prestation exceptionnelle. Il débute par Aus Goethe's Faust op.75/3 ironiquement. Dynamiques appuyées, du poids dans le corps, technique redoutable, un maintien idéal et un travail sur la respiration admirable. Mêmes remarques dans Die beiden Grenadiere de Schumann avec de la rondeur et un sens inné de la phrase. Tout lui semble facile dans Odins Meeresritt de Carl Loewe. Dans cette belle partition, on apprécie la construction générale et une présence superbe. Très bonne énergie pour « Why do the nations so furiously rage together » (Messiah, Haendel). Le candidat possède une puissance naturelle sans pour autant attaquer le son par de la dureté. Il revient à Beethoven avec un extrait de Fidelio (« Hat man nicht auch Gold beineben »).Rien à dire en dehors d'un style parfait et une maturité évidente. Son Rossini est sans doute l'un des plus réussi de la compétition (« La calunnia e un venticello », Il Barbiere di Siviglia). De l'humour, sans exagération, pour un rôle qui semble avoir été écrit pour lui. On y trouve un grand lot de contrastes et dynamiques rendant l’œuvre passionnante. Le caractère plus dramatique de Puccini (« Vecchia zimarra senti, La Bohème) lui convient également. Une finesse de ton avant de terminer sa prestation par une magnifique lecture par Verdi (« Studia il passo – Come dal Ciel precipita, Macbeth). Accompagné par Nino Pavlenichvili, le candidat a proposé un large répertoire d’œuvres qu'il maîtrise à la perfection.
Programme construit et réfléchit pour Daniela Gerstenmeyer en l'organisant comme une symphonie. Premier mouvement : Mozart (Ah, le previdi). Technique aboutie, du beau Mozart, simple sans complications. Structure des phrases compréhensible, vibrato souple et une parfaite maîtrise de la respiration et du souffle, le tout dans un timbre exquis. Second mouvement : Has gesagt – bleibt's nicht dabei de Richard Strauss. Candidate d'une extrême précision, chaque syllabe nous semble claire et intelligible. L’œuvre est entraînante et extravertie où se côtoient une multitude de dynamiques. Troisième mouvement : la lenteur de Schubert (Nacht und Träume). Choix logique, on apprécie la pureté de la soprano ainsi que la manière dont elle captive l'auditeur. C'est joli, sans aucune vulgarisation, le tout conduit avec finesse et intelligence. Quatrième mouvement : Bizet (« C'est des contrebandiers – Je dis que rien ne m'épouvante », Carmen). Feu d'artifices ici avec une intonation parfaite, une conduite irréprochable et de belles respirations. Son jeu scénique, très simple, contribue à la beauté de la pièce dans sa linéarité. C'est à nouveau Nino Pavlenichvili qui accompagne la candidate avec passion et finesse.
Dernière candidate de la soirée et de la demi-finale, Susanna Hurrell offre une prestation peu convaincante. Elle débute par une lecture trop ronde de « Si, mi chiamano Mimi » (La Bohème, Puccini). Elle ne semble pas avoir compris le personnage : une jeune fille âgée de 16 ans et souffrante... Trop de noblesse dans le ton et un côté presque trop mature malgré de beaux aigus et une maîtrise des nuances. Brahms lui convient mieux (Meine Liebe ist grün). Belle énergie avec un allemand plus précis que l'italien. On apprécie aussi son énergie et son maintien. Malheureusement, Mozart ne colle pas à son style de voix (« Quando avran fine omai – Padre, germani, addio », Idomeneo). Trop romantique mais musicale, la candidate construit pourtant son discours avec intelligence. Elle se rattrape dans Most holy night de Ivor Gurney. Plus calme, elle propose de belles longues phrases sans a coups. Si elle émet ici de beaux registres contrastés, ce ne sera pas le cas dans Korngold ou tout est chanté sur le même ton avec des aigus un peu durs (Was Du mir bist?). Elle termine avec « Moi caro bene » (Rodelinda, Haendel) où elle affiche une bonne technique vocale générale et un style plus précis. Le vibrato n'est pas toujours contrôlé et est parfois omniprésent. Accompagné par l'excellent Thomas Hoppe, cette candidate n'a pas su démontrer l'étendue de ses capacités, se limitant à un unique style.

En finale : sept Européens et cinq Asiatiques
En fin de soirée et devant la Reine Mathilde, Arie Van Lysebeth annonce les douze candidats retenus pour la finale. Un choix logique et pertinent qui reflète bien le niveau général du concours :
Emoke Barath (soprano, Hongrie, 28 ans), Jodie Devos (soprano, Belgique 25 ans), Daniela Gerstenmeyer (soprano, Allemagne 29 ans), Sumi Hwang (soprano, Corée, 28 ans), Seung Jick Kim (ténor, Corée, 25 ans), Sarah Laulan (mezzo, France, 29 ans), Levente Pall (basse, Hongrie, 29 ans), Hyesang Park (soprano, Corée, 25 ans), Yu Shao (ténor, Chine, 28 ans), Chiara Skerath (soprano, Suisse, 26 ans), Sheva Tehoval (soprano, Belgique, 23 ans), Hansung Yoo (baryton, Corée). 

Ayrton Desimpelaere
Bruxelles, Flagey, le 20 mai 2014

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