Concours Reine Elisabeth, mercredi après-midi

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29e candidate à se présenter à la neuvième session chant du Concours Reine Elisabeth, la mezzo-soprano française Heloïse Mas (30 ans) proposait Strauss et Berlioz. Dans le rôle d'Octavian, elle impose le timbre straussien dont elle joue le rôle qui la captive. Plus contralto que mezzo, elle crée des atmosphères de sa voix profonde et fruitée dont la puissance naturelle s'étend  à l'aise du piano au triple forte. Très touchante du haut de ses 22 ans, la très jeune soprano allemande Carina Schmieger a choisi Mozart et Bizet. Une Pamina au tempo lent dont elle souligne tous les détails, un propos sincère qu'elle investit jusqu'au bout avant de s'engager dans la virtuosité de La jolie fille de Perth de Bizet qui la dépasse encore un peu. Vient ensuite la soprano française Ada Elodie Tuca (26 ans) qui a travaillé à Lausanne avec Valentina Vaduva. Elle a du caractère et du tempérament. Elle entre en matière avec un Ravel spectaculaire (Je réchauffe les bons) où elle voyage à l'aise dans les vocalises malgré des aigus un peu criards. Comédienne sans ostentation, le public la suit avec plaisir. Dans l'Aria de Salieri, la soprano laisse malheureusement peu de place au ressenti émotionnel. La soprano coréenne Heejin Park (26 ans) lui succède avec un extrait des Mörike-Lieder de Hugo Wolff qu'elle donne d'une voix puissante et rayonnante avant une Suzanna de Mozart mature, tendre, sereine, d'un beau balancement rythmique mais parfois un peu direct. Le ténor russe Anron Kuzenok (26 ans) se présente ensuite avec sa pianiste. Un beau timbre dans le medium qui se tord dans l'aigu dans le Liszt proposé, et le Kuda Kuda de Tchaïkovski nous laisse sur notre faim par sa lecture au premier degré. Disciple de José Van Dam depuis 2016, le ténor français Fabien Hyon (29 ans) montre assurance, vitalité, conviction, tout ce que lui permettent sa voix parfaitement maîtrisée et sa diction impeccable. Détresse de Caplet est tout simplement bouleversant dans ses demi-teintes et ses nuances. Le baryton américain Alex DeSocio (30 ans) est comédien et il l'assume. Il se met en scène dans le Barbier de Rossini et, dans le Moby Dick de Jake Heggie, il mène la conversation à laquelle il nous fait participer. La parfaite maîtrise vocale dans tous les registres d'intensité et toute la tessiture se double d'une diction impeccable et gère l'ensemble de la prestation. Après un Haydn qui laisse perplexe, la basse cubaine Antoin Herrera Lopez (30 ans) investissait à fond l'exploration du son proposée par Outis de Luciano Berio.

Après la pause, la Franco-Belge Deborah Salazar (23 ans) proposait Milhaud et Donizetti. La voix est belle, l'attitude naturelle, l'instrument bien en place, mais toutes ces belles qualités ont encore à mûrir. Coquine et charmante, la soprano japonaise Yuko Hayashi (29 ans) ne manque pas d'atouts. Cette petite bombe d'énergie pour qui la voix n'est plus un problème -si ce n'est que quelques écarts de justesse- prolonge son chant de ses longs bras généreusement ouverts dans Massenet et Verdi. Le baryton ukrainien Yuriy Hadzetskyy (26 ans) adopte dans l'air de Rinaldo de Haendel un tempo très rapide qui semble résulter d'une nervosité mal maîtrisée qui entache la respiration malgré un très beau timbre ; et l'air d'Igor Kushpler, de caractère populaire, est chanté comme l'était Haendel. On put ensuite apprécier les qualités vocales de la deuxième Belge de l'après-midi, la soprano Cécile Lastchenko (28 ans). C'est dans Britten puis Debussy que l'on put apprécier son expression sensible, sa diction impeccable, le sens de la scène créatrice d'atmosphère, un timbre pur, une puissance vocale naturelle qui témoignent d'un solide métier. La soprano française Axelle Fanio (29 ans) débutait sa prestation avec Le Paon de Ravel. La voix est ductile, la diction fort bonne, mais cela reste au premier degré, comme le Britten qui suit et qui lui convient pourtant mieux (Albert Herring) mais où le côté spectaculaire n'arrive pourtant pas à emporter l'adhésion. La Française Marjolaine Horreaux (31 ans) formée au Québec dispose d'une petite voix peu assurée qui semble ne pas lui permettre l'expression qu'elle tente de développer dans Mozart et Debussy. Pourtant, la structure de la voix est en place et la diction impeccable. La soprano chinoise Chen Wang (23 ans) y va sympathiquement au culot. Elle chante, elle chante, elle roucoule, elle s'amuse, n'arrive pas vraiment aux super aigus, mais surtout, on n'y comprend rien. Heureusement, il y a beaucoup de "Ah!" dans Mignon d'Ambroise Thomas. Et on ne sait trop où est Mozart dans l'Aria K. 578 parfois criard. La dernière Belge de l'après-midi, la soprano Charlotte Wajnberg (28 ans) propose un extrait des Knaben Wunderhorn de Mahler suivi de Non, Monsieur mon mari de Francis Poulenc. La voix est ronde et bien maîtrisée mais l'expression trop univoque dans une présentation générale bourrée de clichés d'antan. La soprano française Dania El Zein (28 ans) clôturait l'après-midi avec Massenet et Richard Strauss. De grandes facilités vocales, une large tessiture, mais ici aussi la prestation pêche par son uniformité stylistique que l'on a malheureusement trop souvent déploré cet après-midi.
Bernadette Beyne et Michelle Debra
Bruxelles, Flagey, Studio 4, mercredi 2 mai 2018  

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