Le Letton Pēteris Barisons, un symphoniste résolument romantique

Pēteris Barisons (1904-1947) : Trois Préludes. Symphonie n°2 « Romantique ». Orchestre Symphonique de Liepāja, direction Gintaras Rinkevičius. 2021. Notice en anglais et en letton. 57.38. Skani 132.

La courte existence du compositeur, chef d’orchestre et pédagogue Pēteris Barisons ne l’a pas empêché d’imprimer sa marque musicale dans son pays natal où ses pièces vocales, en particulier ses chansons, sont devenues des classiques. La notice ne nous apprend que peu de choses sur la biographie de ce créateur inconnu chez nous. Il a étudié à Riga où, après sa formation, il a été chargé de cours pendant une courte période. Il a été très actif dans les années 1930 en tant qu’organisateur de concerts et producteur d’opéras. Appelé au Conservatoire National de Lettonie, il s’y est forgé une réputation de pédagogue de qualité. Voilà l’essentiel sur Barisons, qui a laissé un catalogue où voisinent quelques pages orchestrales (trois symphonies, dont une inachevée) et concertantes, de la musique de chambre, des pièces pour piano, des œuvres pour voix (avec orchestre, orgue ou piano) et des pages vocales, essentiellement pour chœurs.

Résolument romantique, le programme qui est ici proposé est représentatif d’une inspiration lyrique, bien développée dans la forme, au langage harmonique équilibré, avec une orchestration fluide. Les Trois Préludes pour orchestre, écrits en 1935, sont à considérer comme un cycle de miniatures à caractère émotionnel. Un Allegro molto rêveur dessine de tendres inflexions qui s’estompent dans une sorte de torpeur. L’Andantino qui suit adopte un climat mystérieux, un peu plus dynamique, avant de s’évaporer dans un nouvel effacement des instruments. L’Andante feroce final adopte un ton chatoyant et progressivement plus dramatique. 

La Symphonie n° 2, en quatre mouvements, a été composée en 1939 et se fait l’écho de la mélodie opus 5 n° 3, Jeg elslker dig ! (Je t’aime) d’Edvard Grieg qui, dédiée à Hans Christian Andersen et écrite en 1864, faisait fureur en Lettonie dans les années 1930, après sa traduction dans la langue nationale. Elle est utilisée dans la conclusion du premier et du quatrième mouvement, mais elle nourrit toute la symphonie de sa richesse lyrique. L’œuvre entière est un hymne à l’amour, comme l’indiquent les sous-titres attribués à chaque partie : Eveil de l’amour, Plaisir, Erotica et Mort de l’amour. Le second mouvement est enrichi par un intense solo de violon dont les effusions sentimentales se dispersent à travers tous les pupitres dans un climat quelque peu extatique. Un bonheur sans mélange s’inscrit dans le troisième mouvement, intitulé Erotica, un Allegro con affetto aux chaudes couleurs. Il se présente comme un prologue chaleureux à l’Andante sostenuto final, dans lequel, curieusement, la Mort de l’amour annoncée semble plutôt porteuse d’un bonheur ponctué par cette chanson de Grieg qui s’installe lentement, avec une infinie douceur, dans le silence. On ressent à l’audition la sensation d’une fusion avec un être chéri indéfinissable, baignée dans un romantisme assumé qui conduit à un état presque hypnotique, servi par une orchestration globalement chatoyante. 

L’Orchestre Symphonique de Liepāja, cité côtière de 80 000 habitants située à environ deux cent kilomètres de Riga, a été fondé en 1881. Il était le premier dans les états baltes mais n’a cependant acquis un statut professionnel que depuis 1986. Le Lituanien Gintaras Rinkevičius (°1960), qui s’est formé aux Conservatoires de Saint-Pétersbourg et de Moscou, en est le directeur musical depuis 2017. Il insuffle aux partitions de Barisons une ferveur et une chaleur qui servent une inspiration sans doute anachronique, mais dont la qualité lyrique et émotionnelle n’est pas à négliger.

Son : 9  Notice : 7  Répertoire : 7,5  Interprétation : 9

Jean Lacroix