Le Padre Martini : bouffon sous son habit franciscain

par

Giovanni Battista MARTINI (1706 - 1784)
Don Chisciotte
Mélodrame

Production Kaleidos – Teatro Communale di Bologna - Federico FERRI e Daniele PRONI, directeurs artistiques
Giovanni OLIVA, consultant artistique
Accademia degli Astrusi
Federico FERRI, chef d’orchestre
Laura POLVERELLI, Olimpino/Nerina
Aldo CAPUTO, Tamburlano/ Don Chisciotte
Matteo BELLI, Sancho Panza
Gabriele MARCHESINI, régie/producteur
Dario FO, metteur en scène
Stefano IANNETTA, scénographe
Claudia PERNIGOTTI, costumes
Daniele NALDI, lumières
2012 – DVD : 1’46 – sous-titres : italien et anglais – Livret en italien, anglais, allemand, français – SONY MUSIC – deutsche harmonia mundi
Ce DVD met à l’honneur une œuvre méconnue du Père Martini, son dernier opéra : Don Quichotte. Grand maître de composition, le Père Martini, vénéré par toute l’Europe, eut parmi ses élèves W.A. Mozart, J.C. Bach, N. Jommelli, pour ne citer que les plus célèbres. Certes, il était cloîtré dans son couvent, toutefois cela ne l’empêchait pas, sous sa robe franciscaine, de connaître les nombreux mécanismes des parodies ou farces musicales de son temps et de les mettre à profit avec tout le savoir compositionnel qu’il possédait. Don Quichotte, son dernier opéra (cinq nous sont parvenus), est une parodie du drame sérieux, usant d’une panoplie des procédés connus et typiques. La production deutsche harmonia mundi, offre une interprétation pétillante et amusante, se rapprochant de très près de l’âme bouffonne qui animait le Père Martini, réputé sage et grave. Magnifiques costumes et décors encadrent une mise en scène drôle, à mi-chemin du mélodrame ou de l’intermède avec des élans bouffes de part et d’autre. La partie orchestrale, fort dense dans les introductions ou les codas, est servie avec précision et légèreté, sous la baguette du chef d’orchestre. Les chanteurs, fort bien guidés par le metteur en scène, font preuve d’une justesse de ton. En effet, la singularité des timbres choisis par le compositeur : ténor et contralto à la place du couple classique basse-soprano est une jolie trouvaille venant parodier le drame sérieux par le grain même des voix. Les interprètes utilisent les procédés d’écriture les alliant à une vraie gestuelle scénographique : les intervalles saugrenus, les fioritures innombrables, la virtuosité mécanique de certains passages comiques abordés comme des traits de caractère. Tantôt, l’une est agressive et belliqueuse, tantôt, l’autre est faible et vulnérable. La mise en scène ne sombre à aucun moment vers le convenu facile ou vers la farce grasse. Elle s’attache à souligner les codes d’écriture tels l’homorythmie du chant, les dialogues francs, les ripostes du tac au tac ainsi que les éléments caractérisant les personnages (faiblesse ou violence des tempéraments).
Mélodrame de brève dimension (1’47), la gageure du divertissement est hautement relevée par une production fine et unie, associant les talents de tous. On ne peut que féliciter une telle entreprise qui révèle au public un visage caché du grand maître italien du 18ème siècle. Ce moine franciscain, qui fut le premier à écrire en langue italienne la première histoire de la musique (1757-1781), nous apparaît sous un angle méconnu : celui du religieux bouffon, qui appréciait autant le sérieux que l’amusement.
Marie-Sophie Mosnier
Son 8 – Livret 8 – Répertoire 8 – Interprétation 9

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