Le temple de l'opérette

par
Volksoper

Bien que le programme du Volksoper, la seconde grande maison d’art lyrique de Vienne, combine opéra, opérette, musical et ballet, c’est quand même surtout l’opérette (viennoise) qui est son atout majeur puisque c’est un genre menacé qu’elle défend avec amour et virtuosité. Et ce ne sont pas exclusivement les titres les plus connus qui sont à l’affiche. Cette saison le Volksoper propose une nouvelle production de "Die Zirkusprinzessin" (La princesse de cirque) de Emmerich Kalman, créé à Vienne (au Theater an der Wien) en 1926 et au répertoire du Volksoper depuis 1962.

« Die Zirkusprinzessin » n’est pas aussi populaire que « Die Czardasfürstin » ou « Gräfin Maritza » mais une opérette dans le même genre et avec la même structure qui raconte les tribulations amoureuses de la princesse Fedora Palinska, riche veuve et de Fedia Palinski le neveu déshérité de son défunt mari qui comme Mister X est devenu la principale attraction du Cirque Stanislavski de Saint-Petersbourg. Comme dans la majorité des opérettes tout finit bien aussi bien pour Fedora et Fedia que pour le couple « comique » Toni et Mabel tandis que le « méchant » de l’histoire le prince Sergius doit accepter sa défaite. Si l’opérette est moins connue, les mélodies de « Wieder hinaus ins strahlende Licht » ou « Zwei Märchenaugen » ont été enregistrées par bien des ténors célèbres. L‘évocation du monde du cirque donne plein de couleurs à l’oeuvre et est confronté avec les manières de la noblesse russe pour finir dans l’atmosphère chaleureuse d'un hôtel viennois, l'« Archiduc Karl », dont Toni Schlumberger est « le fils ». Ce qui donne un amusant quiproquo. Le metteur en scène Thomas Enzinger avec Peter Notz (décor) et Sven Bindseil (costumes) a bien su évoquer ce monde pittoresque et cette légèreté d’avant- guerre et la chorégraphie de Bohdana Szivacs a donné au spectacle une dynamique supplémentaire. L’ensemble expérimenté du Volksoper s’y connaît et sous la direction de Alfred Eschwé chœur et orchestre soutiennent l’action avec élan. Szabolcs Brickner, le ténor hongrois, premier prix du Concours Reine Elisabeth 2008, qui fait partie de l’ensemble du Volksoper, était un Mister X mystérieux et séduisant au chant ferme. Astrid Kessler donnait de l’élégance à la princesse Fedora mais son soprano me paraissait un peu léger pour le rôle. Le Prince Sergius de Kurt Schreibmayer avait allure et autorité. Otto Jaus était excellent en Toni Schlumberger et formait avec sa partenaire Juliette Khalil (Miss Mabel) un couple jeune et dynamique aux voix fraîches. Gerhard Ernst (le directeur de cirque Stanislawski), Elisabeth Flechl (Carla Schlumberger) et Herbert Steinböck (Pelikan) présentaient des personnages pittoresques et l’ensemble était homogène.

"Der Kongress Tanzt" (Le Congrès danse) est une comédie musicale en trois actes d’après le film du même nom de Erik Charell avec une musique de Richard Heymann et des arrangements musicaux de Christian Kolonovits. Apparemment c’était surtout la musique du compositeur juif allemand Werner Richard Heymann (1896-1961) qui a inspiré Robert Meyer, le directeur artistique du Volksoper, qui voulait absolument la faire entendre dans une opérette. Heymann s’était fait un nom comme compositeur pour le théâtre, le cabaret et surtout le film, plus spécialement la « Tonfilmoperette », très populaire à partir de 1929 avant qu’il dut quitter son pays en 1933. Il a continué sa carrière à Hollywood et a entre autres écrit la musique pour « Ninotschka » avec Greta Garbo et « To Be or Not to Be » de Ernst Lubitsch. Du film « Der Kongress tanzt » de Erik Charell, Michael Quast et Rainer Dachselt on fait une comédie en trois actes. Le cadre est le Congrès de Vienne de 1814/15. L’aventure amoureuse du Tsar russe Alexandre I avec une jolie gantière viennoise Christel et les manigances du Chancelier Metternich contre le Tsar constituent l’intrigue principale. Pour pouvoir passer du temps avec Christel, le tsar envoie son sosie Uralsky (un benêt qui ne voit pas très clair) au conférences mais arrive lui-même au moment décisif pour déjouer les desseins de Metternich. Mais quand on annonce que Napoléon a débarqué en France, le Tsar doit partir sur le champ et Christel réalise que « c’était trop beau pour être vrai ». L’histoire est développée en 21 tableaux, présentés sur une scène tournante (mise en scène de Robert Meyer, décor de Eva-Maria Schwenkel, costumes Gertrude Rindler-Schantl) qui permet une succession rapide mais en même temps plus ou moins brise chaque fois la tension. Il n’y a pas en effet de grand élan musical pour envelopper le tout mais des numéros séparés alternant avec beaucoup de dialogues parlés. Les scènes des conférences avec Wellington, Talleyrand et les diplomates des différents pays, présidées par Metternich sont souvent amusantes, les têtes à têtes du Tsar et de Christel ont du charme, les gaffes d' Uralsky font rire mais finalement cela ne suffit pas. Rien à reprocher aux artistes qui s’engagent à fond et chantent avec élan et parlent avec une bonne projection du texte. Anita Götz est une charmante Christel avec tempérament et Boris Eder alterne les personnages du Tsar et de Uralsky avec virtuosité. Rober Meyer est un Metternich parfait et Marco Di Sapia se fait remarquer en Talleyrand. Mais tout l’ensemble mérite des éloges ainsi que l’orchestre du Volksoper adaptés aux exigences de la partition et dirigés avec une main ferme par Christian Kolonovits.
Erna Metdepenninghen
Vienne, Volksoper, les 13 et 14 février 2017

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