Le triomphe d’un chef d’orchestre, Frédéric Chaslin

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Qui aurait imaginé que l’un de ces mastodontes de la fin du XIXème, présenté en concert, pût remporter un tel triomphe! Sigurd d'Ernest Reyer est l’exemple de ces œuvres dont on parle mais que l’on ne voit jamais. Dès les premières mesures grandioses, l’on se laisse emporter par la baguette énergique de Frédéric Chaslin qui croit farouchement en la valeur de cette musique, tributaire de Berlioz et de Gounod, en nous faisant oublier scories et longueurs, galvanisant le Chœur du Grand-Théâtre et l’Orchestre de la Suisse Romande qui, depuis longtemps, n’ont pas touché à ces sommets. Le rôle-titre démolirait n’importe quel chanteur du moment; mais le ténor Andrea Carè en a l’endurance et les aigus de stentor, sans le moindre fléchissement, grâce à une musicalité irrépréhensible et une diction française tout aussi convaincante. En Brunehild, Anna Caterina Antonacci, tout aussi remarquable, trouve l’héroïne émouvante qui serait l’écho de sa Cassandre des Troyens. Anne Sophie Duprels s’investit totalement dans une Hilda qui malmène ses moyens, alors que lui fait face Marie-Ange Todorovitch, usant de son timbre cuivré pour lui servir de mère compatissante. Le baryton Boris Pinkhasovich et la basse Tilj Faveyts auraient le métal de Gunther et de Hagen, si la prosodie française ne mettaient pas à mal leur engagement dramatique. Mais qu’importe! grâce à un chef, on a redécouvert une œuvre !
Paul-André Demierre
Genève, Victoria Hall, le 6 octobre 2013

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