Le violon en Arménie

par

Arno BABADJANIAN(1921-1983) / Edouard BAGDASSARIAN (1922- 1985)
Arno BABADJANIAN
Trio pour violon, violoncelle et piano
Cécile Guillou (violoncelle) Hitomi Nishioka (piano)
Concerto pour violon (version originale pour violon et piano)
Hitomi Nishioka (piano)

Edouard BAGDASSARIAN
Rhapsodie pour violon et piano
Héloïse Bertrand-Oleari (piano)
Christophe Boulier (violon) et L'AJS
2013 - CD P1308 - 63' - Notice en français - Stickmusic

Il suffit de jeter un rapide coup d'oeil sur la discographie du violoniste français Christophe Boulier pour se rendre compte que sa curiosité pour le répertoire de son instrument est sans limites. Ce disque en est une preuve de plus. Il est rare qu'un violoniste consacre tout un disque à deux compositeurs arméniens. Mis à part le Trio pour violon, violoncelle et piano de Babadjanian et quelques oeuvres de Khatchaturian ainsi que Komitas, les compositeurs arméniens restent assez peu connus et joués. L'Arménie a été jusqu'en 1991 comme de nombreux autres pays une république soviétique soumise à l' URSS ; par conséquent, tout ce qui se créait en matière artistique, littéraire et autre était contrôlé, régulé voire censuré. Aussi, un musicien qui désirait rester dans son pays et gagner sa vie était obligé de se soumettre à un art relativement officiel afin de ne pas trop choquer les autorités. Ce fut le cas pour ces deux compositeurs représentés ici : Arno Babadjanian et Edouard Baghdassarian. Tous deux furent de très bons pianistes et essayèrent de composer une musique nourrie du folklore arménien tout en évitant de franchir les limites d'une musique plus avant-gardiste comme en France ou en Allemagne. Leur langage est un savant mélange entre le post-romantisme russe incarné par des Rachmaninov Medtner ou autre, un certain modernisme dans l'expression comme chez Chostakovitch et beaucoup de terroir arménien comme on en trouve de temps en temps chez Khatchaturian et surtout chez Komitas. Les jeunes musiciens sélectionnés par Christophe Boulier ont tous un excellent niveau et ne font pas défaut au talent du violoniste. Dans le Trio de Babadjanian les musiciens parviennent à installer de belles atmosphères ; le jeu de Boulier est d'un grand lyrisme, très contrôlé et très touchant. Dans le mouvement lent la jeune violoncelliste Cécile Guillon nous offre un jeu très dépouillé, sincère et d'une grande chaleur. Le violon de Boulier est quant à lui d'une sensibilité à fleur de peau. Pour le Concerto pour violon de Babadjanian, la version originale avec piano plutôt que celle avec orchestre a été retenue. Peu importe, car la pianiste japonaise Hitomi Nishioka obtient tout ce qu'elle veut de son instrument : tendresse et énergie sont les deux mots à retenir pour désigner son jeu. Ce concerto dédié à Khatchaturian n'est pas sans rappeler celui-même de Khatchaturian ; d'un lyrisme intense, virtuose et très nostalgique. Cette oeuvre mérite amplement d'être plus connue et jouée par les violonistes qui en ont les moyens. Le disque se termine par une très belle Rhapsodie pour violon et piano de Baghdassarian très influencée par le folklore arménien et le style de Komitas. Oeuvre ne manquant pas de charme, toujours bien défendue par Christophe décidément très à l'aise dans cette musique exigeante techniquement et musicalement. Disque à connaître.
François Mardirossian

Son 8 - Livret 8 - Répertoire 9 - Interprétation 9

 

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