Les concertos de Benoît Mernier

par

Benoît MERNIER
(° 1964)
La Grâce exilée
Lorenzo GATTO (violon), David LIVELY (piano), Orchestre national de Belgique, dir. : Andrey BOREYKO ; Orchestre philharmonique royal de Liège, dir. : Paul DANIEL ; Orchestre national de Montpellier Langeudoc-Roussillon, dir. : Ernest Martinez IZQUIERDO
2016-DDD–61’ 24’’–Texte de présentation en français et en anglais–Cypres CYP4644

Chose curieuse, le titre générique donné à cet album, La Grâce exilée, est celui du second mouvement du Concerto pour violon et orchestre achevé par Benoît Mernier en 2015, le premier mouvement s’intitulant, lui, Entends la terre véhémente – des termes extraits du recueil Lueurs des tirs de Guillaume Apollinaire. Qu’est-ce qui justifie ce choix ? Difficile à dire. Et ce n’est pas le texte de présentation de Joachim Thôme, le réalisateur de S’enfuir en 2014, le remarquable long métrage documentaire sur Albert Huybrechts, qui est de nature à apporter une réponse éclairante à la question. Ce texte est du reste assez ampoulé, alors même que la musique de Benoît Mernier ne l’est pas du tout et que ce Concerto, précisément, est l’œuvre d’un authentique créateur, d’un explorateur intransigeant de l’âme humaine. Sur toutes les photos qu’on voit de lui, Benoît Mernier est souriant, presque jovial, et semble d’une sérénité absolue. Mais dès qu’on entend son violon et ses longs sanglots, on sent l’écorché qu’il est, on sent des tourments et des déchirures, et ce sont bien ceux-ci qui traversent les deux superbes mouvements de son Concerto, que Lorenzo Gatto, deuxième Prix et Prix du public du Concours international reine Élisabeth en 2009, joue à la perfection.
Sur ce disque, on trouve aussi, outre une agréable et entraînante ouverture pour orchestre, Vi(v)a !, dédiée à l’Orchestre Philharmonique Royal de Liège pour son cinquantième anniversaire, le Concerto pour piano et orchestre du compositeur belge natif de Bastogne, dont on rappellera qu’il a travaillé avec Henri Pousseur et qu’il est également organiste (Jean Ferrard et Bernard Foccroulle ont été ses maîtres). De facture plutôt classique, ce Concerto date de 2008 et a donc été écrit juste après Frühlings Erwachen, son premier opéra, d’après le drame de Frank Wedekind. Il ne manque pas de séduction et, avec ses accents ravéliens, tisse à tout moment de subtils dialogues entre le piano et l’orchestre, sans jamais tomber dans les chassés-croisés virtuoses. L’interprétation de David Lively (qui a été un des rares élèves de Claudio Arrau) est fort bonne et confirme que ce talentueux pianiste d’origine américaine est toujours très à l’aise quand il s’attaque au répertoire contemporain (il a notamment joué des œuvres de Toru Takemitsu, Philippe Boesmans et Kaija Saariaho).
Jean-Baptiste Baronian

Son 8 – Livret 6 – Répertoire 8 – Interprétation 9

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