Les Concertos du Concours : le n°26 K. 537 de Mozart - Guide d'écoute
Je ne sais plus qui disait que l’on appréciait toujours plus ce que l’on connaissait mieux…
C’est dans cette optique que nous allons passer en revue les concertos que nous entendrons au cours de cette « session piano » du Concours Reine Elisabeth.
Et nous commençons par les Concertos de Mozart que nous aurons l’occasion d’écouter à 24 reprises au cours des demi-finales, avec une nette préférence des candidats pour les Concertos K. 466 (choisi par 32 candidats sur 76) et K. 467 (choisi 20 fois) devant les K. 503et 537. Ce sont les quatre concertos qui ont été sélectionnés par le Concours.
Des problèmes de droit nous empêchent bien sûr de proposer l’écoute entière des enregistrements de ces concertos. Nous en avons donc extrait les éléments qui illustrent le propos. Par ailleurs, en cliquant sur l’intitulé de chaque mouvement, vous serez dirigés par le mouvement entier sur YouTube, de préférence par les mêmes interprètes que ceux qui illustrent les propos sur notre site.
La rubrique a été testée par des personnes de différents niveaux de connaissances musicales pour s’assurer qu’elle est « accessible » pour le plus grand nombre.
Petit mode d’emploi
Nous vous conseillons de commencer par lire l’article, écouter les extraits et lire éventuellement les extraits de partitions, mais ce n’est pas indispensable.
Ensuite, vous posez un enregistrement du concerto sur votre lecteur (ou vous cliquez sur l’intitulé du mouvement qui vous conduira sur YouTube) vous suivez l’écoute en re-lisant l’article. Pour que vous puissiez vous appuyer sur les repères courants, nous vous donnons les indications de minutage (écoute) et les n° des mesures (partitions), ainsi qu’une ligne du temps.
Vous n’y arrivez pas tout de suite ? Pas de souci, vous n’êtes pas une exception ! Vous reprenez l’exercice une fois, deux fois,… et vous appréhenderez toujours mieux ce que les jeunes pianistes vont vous proposer la semaine prochaine.
Bonne écoute !
Le Concerto pour piano n°26 K. 537 en Ré Majeur de Mozart dit "du Couronnement"
Le 26e, ou avant-dernier Concerto de Mozart fut achevé le 24 février 1788. Il tient son nom de "Concerto du Couronnement" au fait que Mozart le joua à Francfort en 1790 lors des fêtes du sacre de Leopold II. Toutefois, il l'avait déjà joué l'année précédente à Leipzig et à Dresde.
Beaucoup de mozartiens ont critiqué et critiquent encore ce concerto qu'ils estiment du sous-Mozart, certains y voient un retour au style "galant" devenu archaïque. Il est vrai que par rapport à la profondeur des concertos précédents, celui-ci accuse une virtuosité plus superficielle, un moindre ton d'intimité. On n'y trouve plus les merveilleux dialogues avec les bois qui participaient à la chaleur de l'ensemble, on y trouve beaucoup moins le dialogue orchestre-soliste, ce dernier préférant caracoler sur le clavier. Toutefois la magie mozartienne est toujours présente et quelques remises en contexte peuvent expliquer un changement dans la conception de ce 26e Concerto. Mozart est dans la misère; les Viennois ne le suivent plus; le genre concerto ne suscite plus l'enthousiasme; son éditeur lui demande de "faire populaire". Sans doute se fie-t-il à cette injonction pour reconquérir son public. Par ailleurs, la partie manuscrite est fort lacunaire. La partie de soliste est seulement esquissée, très souvent, le texte de la main gauche est totalement absent. Il n'est pas exclu que son éditeur ait complété lui-même des parties lors de la publication du concerto en 1794, soit trois ans après la mort du compositeur. Toujours est-il que, lors de son injonction, l'éditeur voyait peut-être clair car, durant tout le 19e siècle qui oublia totalement Mozart (incompréhensible !), seuls ce concerto et le ré mineur K. 466 ont continué à être joué, avec une préférence pour le premier.
Mais ne boudons pas notre plaisir et découvrons les merveilles qui se cachent dans le 26e Concerto en Ré Majeur K. 537 de Wolfgang Amadeus Mozart.
Effectif orchestral : 1 Flûte, 2 Hautbois, 2 bassons, 2 cors en ré, 2 trompettes en ré, timbales, quatuor à cordes (pas de clarinettes). Durée : env. 32 '
Interprétation choisie pour les extraits et pour l'écoute sur YouTube : Le London Symphony Orchestra dirigé par Istvan Kertész. Pianiste : Clifford Curzon. Decca 478 4544
Exposition
Après le K. 503 cet allegro est le plus long des allegros de Mozart (423 mesures en 4/4).
La découpe du mouvement est un peu compliquée.
Le 1er Thème est composé de 3 Sujets distincts, tous dans le ton principal de Ré Majeur. La suite est plus traditionnelle : Thème 2 à la dominante, etc....
1er Thème - 1er Sujet
C'est par une phrase mystérieuse que commence ce concerto: une phrase au rythme varié aux violons sur une batterie des basses. Une oeuvre sombre ? Voyons la suite... une réponse adoucie au quatuor.
Cet énoncé du 1er Thème est suivi du 1er Tutti d'orchestre dans la nuance forte dont des petits motifs reviendront dans la suite du mouvement.
Une courte Transition va nous mener au Thème 1 - 2e Sujet (Mes. 32)
Enoncé aux premiers violons, ce Sujet mélodique va être repris avec des appoggiatures et se conclure sur un petit motifs qui sera lui aussi réutilisé dans le mouvement. On le reconnaîtra par les accents induits par la notation mf p f p ff :
Et ceci nous conduit au Thème 1 - 3e Sujet (Mes. 59)
Toujours dans le ton principal.
La flûte va reprendre le thème, doublant les violons (comme on le disait au début, les bois sont moins chaleureusement exploités que dans les précédents concertos et, la plupart du temps, on verra qu'ils ont peu de parties autonomes et ont pour principale fonction de doubler les cordes). Ce 3e Sujet, marquant la fin du 1er Thème, va se conclure par une série d'accords forte du Tutti et une petite formule bien affirmative qui formera la matière du Développement et clôturera le mouvement. Nous y reviendrons.
Mes. 81. Le piano entre en reprenant le 1er Thème - 1er Sujet
qu'il accompagnera d'une Basse d'Alberti remplaçant les batteries des basses que l'on avait entendues à l'entrée du mouvement. et il le fera suivre d'une ritournelle en traits de doubles croches (un peu le pendant de la 3e période originelle). Le piano devient ici le centre de gravité que l'orchestre voudra reprendre par (Mes. 100) le petit motif que nous appellerons mf p f p ff :
Le piano n'est pas d'accord. Il reprend ses droits par un flot de traits de virtuosité : des gammes ascendantes à la main gauche, descendantes à la main droite, des gammes en mouvements parallèles à l'intervalle de dixièmes,... qu'accompagne discrètement le quatuor. Plus encore, le piano va affirmer un nouveau thème, son propre thème qui ne sera jamais repris par l'orchestre, en La majeur. Voici, enfin, le 2e Thème
qu'il va développer en le modulant vers ré mineur pendant 25 mesures avant de poursuivre par ses traits de gammes en doubles croches avec l'accompagnement discret des cordes et aboutir au 2e Sujet qu'il va reprendre à son compte dans la tonalité de la dominante, La Majeur
avec accompagnement d'une basse d'Alberti, comme il l'avait déjà fait en reprenant le 1er Thème du Tutti ouvrant le mouvement. Ce second Sujet du 1er Thème sera repris par le quatuor avec ici, fait rare dans ce concerto, une collaboration du piano qui va orner le propos avant de développer sur ce sujet un passage contrapuntique et modulant dans ses chromatismes, également inattendu ici; le soliste n'est pas seulement virtuose mais peut aussi se prêter au contrepoint. Tout accompagnement cesse ici; le piano est à nu. De l'excellent Mozart !
Mes. 176
Et puis, nous repartons dans de longs traits de doubles croches.
Mes. 211. Le Tutti du début conclut l'exposition.
auquel il ajouter le petit motif en accords
que reprend le piano et qui va constituer la matière du
Développement
Il est repris par l'orchestre et puis encore par le piano qui va à nouveau s'embarquer dans une série de traits de doubles croches accompagnés par le motif par les différents membres du quatuor. Le quatuor cesse son commentaire ; le piano interrompt son élan par une phrase expressive et modulante, toute imprévue et toute en méandres en si mineur
et puis repart dans ses inépuisables traits tandis que les cordes tentent timidement de reproduire cette phrase dont il n'a retenu que l'idée. Et ceci nous ramène à la Réexposition au ton principal de Ré Majeur.
Réexposition
Mes. 292. Retour du 1er Thème - 1er Sujet
L'intervention du Tutti d'orchestre qui suivait l'exposé du Thème est supprimée et laisse la place au piano qui l'interrompt pour reprendre le long trait de croches qui avait suivi sa présentation de la même musique en soliste et nous conduit au 2e Thème, celui propre au piano, dans la tonalité de Ré Majeur cette fois, puisqu'on est dans la Réexposition.
A nouveau, comme dans l'Exposition, succession de traits rapides conclus sur un trille avant d'entamer le 2e sujet du Thème I
développant ensuite sur ce sujet le passage contrapuntique et modulant dans ses chromatismes comme le faisait entendre l'Exposition, suivi de traits de doubles croches et d'octaves brisées. Les cordes reprennent leur place pour développer le 3e Sujet du 1er Thème que va venir orner le piano en rare dialogue.
Et puis soudain, une explosion, un déchaînement de passion démoniaque. Girdlestone qui n'appréciait pas ce Concerto interprète ce court passage "comme une vengeance de Mozart pour la contrainte imposée par son maître". Ensuite, tout se calme, comme s'il ne s'était rien passé. Retour des gammes, des arpèges, en doubles croches, en triolets aboutissant sur un trille et laissant la place au Tutti qui reprend la conclusion de son Tutti d'entrée.
Cadence
On ne connaît pas de cadence écrite de Mozart pour ce concerto. Dans la mesure, où, déjà, les parties de piano étaient lacunaire dans le manuscrit... De plus, Mozart improvisait ses cadences. Mais, curieusement, alors que le compositeur a écrit des cadences pour presque tous ses concertos, il ne l'a pas fait pour ses concertos les plus célèbres (n°20, 21, 22, 24, 25, 26).
Coda
Très courte (7 mesures), assez conventionnelle et se terminant sur la formule rythmique qui avait constitué la matière du Développement
II. LARGHETTO
"Une politesse de l'Au-delà" ou encore "Seul, un enfant racontant un conte de fée peut avoir cette délicatesse". Ce Larghetto est encore un des joyaux mozartiens. Une atmosphère d'une irréalité diaphane, très proche de la musique vocale. Le même état d'âme que dans l'air de Belmont dans Die Entführung auf dem Serail ("O wie ängslich o wie geurig") composé six ans plus tôt. Une pure beauté chantée dans la simplicité d'une forme ABA, A se composant de 3 périodes.
Un chant tout en douceur teinté de mélancolie, comme chuchoté, où l'accompagnement s'entrelace à la mélodie. Le Tutti le reprend dans la nuance forte. Et puis le piano poursuit son chant
Ab, 2e Période
Aa, 1ère Période au piano seul.
L'orchestre apporte une conclusion à ce premier volet par une petite Coda d'une nostalgie très mozartienne.
Une Cantilène assez proche de celle que l'on retrouve dans la Romanza di K. 466. Ne chante que la mélodie à la main droite du piano; la main gauche ne la ponctuant que par une noire aux premiers temps de la mesure, l'ensemble sur une simple batterie de croches du quatuor d'une extrême discrétion. Ce chant fera entendre de sensibles modulations (Mi Majeur, si mineur, la mineur) qui nous mèneront dans la tonalité d'Ut Majeur repassant encore par la mineur avant deux grands points d'orgue sur la dominante du ton, points d'orgues que va broder le soliste.
Le piano reprend seul la 1ère Période qu'il enchaîne directement à la 2e (sans l'intervention du Tutti). Le quatuor le rejoindra pour la 3e Période de A où les premiers violons doubleront le chant du piano. Le quatuor et les bassons concluent et, ici, s'ajoute une petite réplique du piano en octaves brisées et arpège.
Coda Petite coda de 5 mesures sur de légers traits de piano soutenus par des batteries des cordes.
III. ALLEGRETTO
De par la légèreté de son propos, ce Finale du Concerto K. 537 se rapproche du style galant dont s'était depuis longtemps séparé Mozart. Il est en mesure 2/4, en Ré Majeur, et de Forme Rondo dont voici la structure
Comme on peut le voir, la structure est assez simple : 3 Thèmes, chacun étant suivi d'un Intermède virtuose mettant en valeur le soliste.
Thème A
C'est le piano qui ouvre le mouvement, suivi par l'orchestre qui le prolonge donnant l'occasion au piano de poursuivre avec son Premier Intermède.
suivi du Second Intermède dans lequel le piano fait assaut de virtuosité. Cet Intermède est suivi du Thème C énoncé par le hautbois, prolongé par la flûte suivi du piano. Ce Thème a la particularité d'être énoncé en mineur par les bois et en Majeur lorsqu'il est repris par le piano.
Thème C
Reste à suivre le parcours...
Bernadette Beyne