Compositrices du XIXe siècle : Louise Héritte-Viardot, fille aînée de Pauline Viardot

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Suite des portraits de compositrices du XIXe siècle avec Louise Héritte-Viardot, fille aînée de Pauline Viardot.

A l’époque de Louise Héritte-Viardot, l’art, et en particulier la composition, sont des bastions masculins. La citation suivante est éclairante à ce sujet.

Dans un transport d’admiration, Camille Saint-Saëns se serait un jour exclamé, : Quelle bévue a commise le bon Dieu lorsqu’il a fait de Louise une femme ! Elle possède les dons naturels, l’intelligence éclairée, la largeur de vues, l’érudition et la force de caractère d’un homme vraiment supérieur. Et comme artiste ! Et comme compositeur ! (…) Quelle inspiration, quel talent, quelle puissance, quelle technique, quel profond savoir, quelle originalité (parfois subversive) se dégagent de chacune de ses œuvres ! Réellement, le bon Dieu s’est étrangement trompé, car si Louise était un homme, son génie produirait, dans la musique, une véritable révolution.

Comment a résisté cette femme portant aussi le poids d’un héritage familial hors normes ?

L’enfance

Louise Pauline Marie Viardot (Paris 14 décembre 1841 – Heidelberg 17 janvier 1918) est la fille aînée de Pauline et Louis Viardot. Son enfance l’a bouleversée et a marqué toute sa vie. Pauline, sa maman qui vient de se marier, doit se faire connaître aussi bien en France, où la concurrence est rude, qu’à l’étranger. Il est difficile pour une cantatrice de se faire un nom, surtout si elle doit se différencier d’une sœur décédée au sommet de son talent. Au début, la comparaison avec sa sœur Maria Malibran est oppressante. Elle a 20 ans quand naît Louise. Dans ses lettres, elle écrit qu’elle se désole de ne pas voir Louisette, de ne pas être présente pour lui faire des câlins ou l’embrasser le soir. Elle n’a pas le choix. A ce moment, pour elle et son mari, la vie est une perpétuelle course à travers l’Europe. La carrière prime et les parents ne renoncent à rien pour Louise. Elle le leur reprochera toute sa vie, persuadée, de plus, que si ses parents la délaissent, c’est parce qu’elle n’est qu’une fille  !

Elle passe donc sa petite enfance ballottée entre la demeure de sa « Mamita », Joaquina Garcia Sitchez, et celle des sœurs de son père. Elle passe aussi de nombreux mois à Nohant chez George Sand. Cette dernière, qui reproche à Pauline (qu’elle appelle sa « chère fille ») de s’éloigner trop souvent de la France et de faire passer la carrière avant l’amitié, se révèle être une remarquable grand-mère de substitution. Voici ce qu’elle écrit : Chère Pauline, votre fillette a mis au monde 4 belles dents cette semaine … . Elle danse, rit, jabote, parle polonais avec Chopin, berrichon avec Françoise (la servante) et sanscrit avec Pistolet (le chien de la maison), pisse partout, mange, dort, enfin fait notre bonheur … . Tout va bien et on adore votre fille presqu’autant que vous. Louisette, qui émerveille par sa gaieté et son caractère facile, est la mascotte du petit monde de Nohant. Elle est gaie comme un pinson, fraîche comme une rose, babillarde comme une linotte et douce comme un mouton. Jamais je n’ai vu de mioche si bon et si intelligent. Vous êtes nés coiffés, Louis et vous, mais j’ai bien envie de vous la voler quand vous viendrez pour que vous ne me la repreniez pas. 

Pauline et son mari vivent mal cet éloignement. Aussi, quand Louise a 4 ans, ils l’emmènent avec eux pour leur troisième voyage en Russie. J’ai hâte de revenir à Saint-Pétersbourg… J’emmènerai ce que j’ai de plus cher au monde, ma petite Louisette, écrit Pauline. C’est l’hiver. Le trajet est pénible. Sur place, l’enthousiasme des deux premiers séjours n’est pas au rendez-vous, même si demeure un certain succès. La mode de l’opéra italien s’essouffle. Puis vient la catastrophe. Le choléra cloue Louis au lit pendant trois mois. Louise attrape la coqueluche qu’elle transmet à sa mère. Il faut interrompre la saison russe. Le retour, lors d’une période de dégel, est épouvantable. Aucun des trois n’est guéri lorsqu’ils arrivent à Berlin et Pauline doit déclarer forfait alors que toutes les places pour ses spectacles sont vendues. En avril, Louise est toujours malade. 

Quand c’est possible, l’enfant assiste aux spectacles de sa mère et devient « folle de musique » dès son plus jeune âge. Comme Pauline avant elle, elle pousse des hurlements en assistant à la mort tragique de sa mère, si bien que sa bonne la reconduit systématiquement chez elle vers le milieu de la dernière scène des opéras menant au trépas.

De passage à Berlin, la famille est parfois invitée par la Princesse Augusta, mère du futur Roi de Prusse Frédéric III (1831-1888). Debout sur une table, elle doit parfois chanter des duos en espagnol avec sa mère qui l’a initiée très tôt au chant. Elle joue avec des enfants de la noblesse, se promène avec des compositeurs de renom comme Meyerbeer, s’intègre à la haute société.

Chez sa grand-mère, elle ne fréquente que des adultes qui lui font travailler la musique, l’écriture, le dessin, les langues,… ce qui lui plaît. Toute jeune, elle connaît le français et l’allemand et Paolo Sitches, le frère de sa grand-mère, lui apprend l’espagnol.

De 6 à 12 ans, Louise est placée en pension à Paris où elle est malheureuse. Contrairement à la plupart des enfants, elle n’en sort pas les dimanches et jours fériés, sauf environ tous les trois mois quand une sœur de son père, vieille fille excentrique, l’accueille au milieu des oiseaux et autres animaux qui errent à l’intérieur de l’habitation. Ses rares retours chez ses parents ne l’apaisent pas. Cette enfant extrêmement intelligente devient horriblement têtue dans ses opinions et peu gérable. Personne n’est assez sévère envers elle, il n’y a pas d’unité de conduite à son égard, écrit Pauline quand sa fille a 8 ans. Pour cette petite fille qui a besoin d’une vie de famille où elle ne compterait pas pour rien, le pire arrive quand, vers cette époque, Tourgueniev fait venir chez eux la petite Pélagie qu’il a eue avec une lingère, en Russie. Cette enfant, qu’il appelle maintenant Paulinette, a 7 ans et ne parviendra jamais à s’entendre avec Louise. Ensuite naissent ses sœurs, Claudie en 1852, Maria-Anne (Marianne) en 1854 et son frère Paul en 1857. Toute l’attention est tournée vers les plus jeunes. Louise se sent rejetée et incomprise. Ses sœurs seront peintres et musiciennes, et son frère, violoniste virtuose.

Dès ses 13 ans, elle rejoint définitivement ses parents qui l’élèvent selon des principes rigoureux. Selon l’un d’entre eux, elle doit chanter tous les soirs à 20 heures précises, accompagnée par sa mère, un air de Wilhelm Taubert :

Un fusil scintillant ; Un coursier caparaçonné ; 

Un sabre de bois. Que faut-il davantage ?

Tradum, tradum, tradum, didum, didum,

Tradum, au lit mon camarade !

Elle doit alors faire rapidement demi-tour et partir du pied gauche, raide comme un piquet.

Adolescence et influences

Passionnée de littérature, elle dévore les ouvrages en français et en allemand et a hâte de connaître le latin et le grec. Elle s’imprègne de philosophie et découvre l’histoire. 

Un Espagnol, ami de sa grand-mère, lui enseigne le solfège d’une manière active qui lui convient : après trois cours, elle doit retranscrire les airs qu’elle entend ainsi que les accompagnements. Quelques cours lui suffisent pour atteindre une maîtrise certaine.

Indépendante comme elle est, elle ne supporte pas, au piano, l’exécution servile des morceaux qu’elle travaille. Louis Lacombe lui fait étudier les sonates de Beethoven. Jouant après son maître, elle le fâche : Mais vous ne m’avez pas écouté ! J’ai joué différemment. C’est vrai, répond la jeune fille de 13 ans, mais je n’ai pas aimé votre interprétation. Dès lors, sa mère la laisse libre d’apprendre par elle-même. Ses progrès sont étonnants. Elle compose.

Au début, elle se met au chant en profitant des leçons que donne sa mère à des chanteuses. Plus tard, à son désespoir, elle est formée durement, tout comme sa tante Maria Malibran l’avait été. 

Auguste Barbereau (1799-1879), auteur d’ouvrages dont un Traité théorique et pratique de composition musicale et un autre d’harmonie, a grande réputation. Il est choisi pour enseigner la théorie à Louise. Ses compositions ont l’aval du maître.

En gravure, elle observe un artiste et, 3 mois plus tard, collabore à une grande Revue illustrée.

Pour l’orchestration, elle est autodidacte et se base sur le Grand Traité d’Instrumentation et d’Orchestration modernes qu’Hector Berlioz a publié en 1844.

Sa mère, que certains appelaient « la fourmi », tant elle était intellectuellement active, l’a surnommée un jour « l’abeille », pour son grand bonheur.

Les discussions qu’elle entretient très tôt avec des adultes développent ses capacités intellectuelles. Le peintre franco-hollandais Ary Scheffer (1795-1858) est de ceux-là. Sa maison est le rendez-vous de l’élite soucieuse d’art, de sciences, de littérature. Louise y a ses entrées. Elle peut aussi y profiter de petits concerts le dimanche. Elle est très proche de son oncle Manuel Garcia qui, en guise de jeu, la fait composer à la manière de Mozart. 

A la rue de Douai (Paris), leur hôtel particulier, et à Courtavenel, (un château du XIIIe siècle, leur « campagne »), ses parents tiennent salon et la mettent en rapport avec des intellectuels dont Hermann Müller-Strübing (1812-1893) qui l’initie aux grands auteurs grecs, et l’historien Henri Martin (1810-1883) qui deviendra membre de l’Académie française… . Elle se lie d’amitié avec Charles Gounod (1818-1893), hébergé un temps par ses parents. Lors des soirées musicales du jeudi, elle côtoie énormément d’écrivains et d’artistes, dont les musiciens Hector Berlioz, Henri Vieuxtemps, Charles de Bériot, Jules Massenet, Edouard Lalo, César Franck, Gioachino Rossini, les écrivains Charles Dickens, Ivan Tourgueniev, George Sand, les graveurs, peintres et sculpteurs Gustave Doré, Frederic Leighton, et aussi Daniele Manin, dernier doge de Venise, le prince Orloff, Ambassadeur de Russie… . Pour elle, ces soirées sont parfois vécues comme des tortures quand sa mère lui fait jouer au piano des trios ou quatuors avec des artistes chevronnés sans qu’elle puisse déchiffrer les partitions au préalable. Elle joue déjà très bien.

Ses parents se sont fait construire une villa à Baden-Baden. Ils y tiennent aussi salon. Elle côtoie notamment le célèbre musicien russe Anton Rubinstein (1829-1894). 

A Courtavenel, la salle des gardes a été transformée en théâtre moderne. Pas besoin de payer pour assister aux représentations : il faut amener une pomme de terre ramassée dans le potager ! On y joue du Beaumarchais, Molière, Racine… . Toute la famille fait l’acteur, même parfois la grand-mère. A 15 ans, Louise y cueille ses premiers lauriers en tenant le rôle d’Athalie dans la pièce de Racine. Les espiègleries, charades et jeux de mots rendent l’ambiance joyeuse.

A 17 ans, après une grave maladie, ses parents l’emmènent en Angleterre et en Irlande. Elle se frotte alors aux côtés techniques des opéras. Lors d’une représentation de l’Orphée de Glück à Dublin, elle preste comme habilleuse, souffleuse, maîtresse de ballet et joueuse d’harmonium.

Mariage 

Le 17 mars 1863, elle épouse à Paris un diplomate, Ernest Héritte de la Tour, d’une vingtaine d’années plus âgé qu’elle, « selon le désir de ses parents », écrit-elle plus tard . Elle ne l’avait rencontré que quelques fois. N’étant pas baptisée, elle demande à l’être, Ernest souhaitant un mariage religieux. Son parrain est Ivan Tourgueniev. Rossini, témoin du mariage, trace sur le registre d’état civil, à côté de sa signature, le souhait Parfait accord qui, malheureusement dissonera rapidement. De Paris, ils vont à Berne, en Suisse, où son époux est nommé Consul Honoraire, Chancelier de l’Ambassade de France, en passant par Bruxelles saluer la grand-mère Joaquina Sitches et l’oncle Charles-Auguste de Bériot . Le 17 avril 1864, Louise vient accoucher d’un petit Louis à Baden-Baden où réside alors sa mère . La famille s’installe ensuite au Cap de Bonne Espérance (Afrique du Sud), où Ernest est nommé Consul Général. Elle y reste deux ans et rompt avec son mari auquel elle laisse l’enfant qu’elle ne reverra que plus tard. Celui-ci, Louis Héritte de la Tour, recueille en 1920, les mémoires que sa mère distille dans son entourage en allemand, anglais, français

Compositrice

Louise commence, toute jeune, à écrire des fugues, des quatuors, de la musique de chambre, des concertos, des cantates. Elle dirige parfois elle-même ses œuvres. Mais, femme, elle subit l’opposition de ceux qui craignent la concurrence avec des « êtres inférieurs ». L’art est un bastion masculin. 

Les années perturbées de son enfance ont rendu Louise anxieuse, jalouse, mal dans sa peau. Elle est d’allure masculine et porte parfois des pantalons. Ses compositions ont du succès mais, elle n’est… qu’une femme. 

Un évènement la heurte tout spécialement. La Ville de Paris a organisé, en 1878, un prix destiné à récompenser la meilleure œuvre musicale. Elle compose et envoie une cantate anonyme pour soli, chœurs et orchestre pour le Grand Prix de la Ville de Paris. Des 35 ou 36 œuvres reçues, le jury en retient finalement deux, Le Tasse de Benjamin Godard (1849-1895) et son œuvre, La Fête de Bacchus. Un des membres déclare : Il est impossible que nous décernions un prix à cet ouvrage (La Fête de Bacchus). J’en reconnais l’écriture qui est celle d’une femme, et ce serait une honte pour nous de donner une palme à une femme. Ceci lui a été rapporté quelques années plus tard par le Directeur de l’Opéra. Avant d’être relégué, son ouvrage avait reçu des notes élogieuses. Louise considère que cet échec a eu une longue et fâcheuse répercussion sur sa carrière de compositeur.

Pourtant, de grands musiciens la soutiennent. Liszt la qualifie de Cher Poète-compositeur, de Chère admirable, Hubert Léonard (1819-1890) lui écrit, quand elle a 22 ans, : Les quatuors que tu m’as fait entendre sont bien à toi. Ce sont tes propres idées… . Puis une fraicheur (malgré le travail classique) qui m’ont de suite charmé. Tes mélodies … sont des œuvres de Maître… . Charles Gounod s’intéresse constamment à ses progrès et à ses œuvres,… mais la blessure est indélébile. 

La plus grande partie de ses œuvres semble perdue. Louise avait horreur des critiques et aussi de ce qu’on appelle maintenant le « star system ». Ses compositions les plus récentes sont restées enfermées dans des cartons d’où elles ne devaient surgir qu’après son décès. 

Parmi ses œuvres conservées, on trouve surtout de la musique de chambre, des œuvres pour orchestre, des symphonies, un opéra. Certaines ont été enregistrées et on peut en trouver sur CD tels , :

Arme kleine Liebe (in drei Lieder) (Text : Anna Ritter, écrivaine allemande (1865-1921))

Der Schmied, op. 8 no. 5 (Text: Johann Ludwig Uhland)

Erlösung (Text: Anna Ritter)

Saphiren sind die Augen dein (in 6 Lieder) (Text: Heinrich Heine)

Sehnsucht (Text: Anna Ritter)

Sérénade (Text : J. Bertrand)

Tag und Nacht (in Drei Lieder) (Text: Gustav Renner)

Unter'm Machendelbaum (in drei Lieder) (Text : Ernst von Wildenbruch)

Sonata for cello and piano opus 40, (1909)

Die Bajadere, cantata for chorus and orchestra

Wonne des Himmels, cantata for soloists, chorus and orchestra

Das Bacchusfest, cantata for chorus and orchestra, 1880

Lindoro, comic opera in one act, 1879

Quartet for piano and strings, No. 1 in A Major, Opus 9, Im Sommer, 1883

Quartet for piano and strings, No. 2 in D major, Op 11, Spanish Quartet, 1883

Quartet for piano and strings, No. 3, 1879

Les mélodies et la musique de chambre de Louise sont fort appréciées par Franz Liszt et d’autres personnalités du monde musical. Ainsi, Marie Tayau, violoniste française, qui valorise les travaux de « compositeurs femmes » a interprété, en 1877, à la salle Erard de Paris, un trio de Louise, avec Pauline Viardot au piano et Charles Lebouc au violoncelle. Avec sa « Société de l’Art moderne », fondée en 1878, elle a proposé d’autres œuvres de Louise. 

Carrière

A 17 ans, on l’a dit, Louise relève d’une grave maladie et accompagne ses parents en Angleterre. 

Elle souhaite suivre les traces de sa mère et travailler comme cantatrice, pianiste, et compositrice, mais elle n’a pas acquis la même aisance vocale que sa grand-mère, sa mère et sa tante qui ont compté parmi les principales cantatrices en Europe et même au-delà. Dans ce domaine, l’héritage familial est trop lourd à porter. De plus, sa santé est fragile : encore enfant, elle a souffert de graves problèmes pulmonaires. Sa carrière de cantatrice d’opéra est courte. 

Elle s’achève en 1871, suite à ces problèmes récurrents aggravés de problèmes d’estomac. Elle a 30 ans. S’ensuivent des périodes de cures dans des villes d’eau dont Spa, en Belgique.

Comme compositrice, pianiste et professeur, Louise se défend fort bien. Les liens avec sa mère trouvée trop écrasante, et le désir de ne pas marcher sur ses plates-bandes, provoquent son départ à l’étranger, ce à quoi elle est habituée depuis l’enfance. Elle est aidée par Clara Schumann, amie de sa mère, qui lui procure une place de professeur de chant au Conservatoire du Dr. Hoch a Francfort-sur-le-Main, où elle-même enseigne aussi.

Dès 1867, elle enseigne différentes facettes de la musique vocale au Conservatoire de Saint-Pétersbourg sur la recommandation d’Anton Rubinstein, un des fondateurs de ce conservatoire qu’il dirigea plusieurs années (1862-1867) et (1887-1894) 

Ivan Tourgueniev la rencontre à Saint-Pétersbourg en 1870 et écrit à un ami Louise est une femme malheureuse, dont la tête est pleine de lubies, qui a fait beaucoup de mal à ses parents et finira par se perdre elle-même… . Une nihiliste de la plus belle eau. L’année suivante, après une rencontre à Moscou, il écrit à ses parents : Quant à la société, elle l’a prise en haine farouche… . Il ne faut pas oublier qu’elle est véritablement malade. C’est un être fatalement marqué et pour lequel, à travers une répulsion involontaire, on ne peut s’empêcher de sentir une profonde et triste pitié,. Il prend toujours son parti et essaie de l’aider. C’est elle qui lui inspire le personnage de Marianne Vikientievna Sinietski, l’héroïne populiste et rebelle de son roman Terres vierges paru en 187716
Elle parcourt ensuite l’Europe et trouve des opportunités de travail.

A Genève, elle réussit à s’inscrire, pour un an, comme étudiante à l’Académie, avec une amie russe. Jusqu’alors, les femmes n’y étaient pas admises. La formation envisagée comporte la zoologie, la physiologie et l’anatomie, dont celle du larynx, ce qui lui sera utile pour donner des cours de chant. La réaction déplaisante des autres étudiants et d’un professeur extrêmement misogyne ne les empêchent pas de poursuivre avec succès. 

De là, elle se rend à Dresde afin d’y trouver des renseignements sur des biographies d’artistes, s’étant engagée à écrire des articles à ce propos dans un journal russe. 

Puis elle est à Paris où la maladie l’accable. Après une cure à Carlsbad, elle est invitée à passer l’été en Finlande. Des amis l’emmènent ensuite en Suède, à Stockholm. Chanter, elle ne le peut plus, mais elle ne perd pas son temps. Elle organise des concerts de musique de chambre, donne des conseils à des chanteurs et surtout, loue l’opéra, car elle a décidé de diriger un grand orchestre. L’œuvre qu’elle propose est La Fête de Bacchus, la cantate présentée au Grand Prix de Paris. Devant le sourire ironique des musiciens quand elle paraît au pupitre, elle les prie de ne pas chercher à savoir si elle était Monsieur ou Madame une telle et de ne voir simplement en elle que le compositeur. Ils sont conquis. Le concert est un succès et elle en est très fière. 

Après 3 ans en Suède, elle retourne à Paris où Eduard Lassen (1830-1904), chef d’orchestre belgo-danois réputé trouve si bien un de mes petits opéras Lindoro  qu’il se prépare à le faire jouer à Weimar

Elle voyage aussi en Italie où elle est déçue par la piètre qualité des chorales d’église.

S’ensuivent des voyages vers Bruxelles puis Paris. En 1876, le wagon réservé aux femmes du train belge où elle se trouve, déraille et elle ne se remettra jamais complètement de ses blessures qui lui feront abandonner le piano. A Bougival, dans la villa Les Frênes de ses parents, elle compose des trios, quatuors, mélodies, pantomimes… dont une partie est publiée sur l’insistance de sa mère. 

Au printemps 1879, Louise a 37 ans et sa mère se rapproche d’elle. A sa grande joie, son opéra Lindoro est joué au théâtre de Weimar, devant sa mère. 

Sa cantate Das Bacchusfest a été produite à Stockholm en 1880, à côté de nombreuses chansons et d’un quatuor à cordes.

Sa santé lui laissant un peu de répit, elle retourne à Francfort-sur-le Main pour diriger les classes de chant, d’opéra et de chœurs au Conservatoire Supérieur (1883). Cette triple tâche l’épuise et elle s’établit à Berlin en 1886 où elle fonde sa propre Ecole d’Opéra qui aura beaucoup de succès. 

Sa santé s’effondre de nouveau et les médecins l’envoient en Algérie. Elle va ensuite à Londres où elle dirige la classe d’opéra de l’Académie de Musique (1891-1894). De là, elle se rend à Hambourg où sa santé laisse encore à désirer, puis à Aix-la-Chapelle où elle forme de nombreux artistes.

En 1904, elle se retire à Heidelberg, centre intellectuel et artistique qui comble ses aspirations.

C’est là qu’elle s’éteint, le 17 janvier 1918. 

Cette artiste étonnante, douée et courageuse mérite de rester dans l’histoire.

Crédits photographiques : Gallica / Bibliothèque nationale de France

Anne-Marie Polome

 

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