Les Festtage de Berlin

par

Staatsoper Berlin
TANNHÄUSER
Musikalische Leitung: Daniel Barenboim
Inszenierung: Sasha Waltz
Bühnenbild: Pia Maier Schriever, Sasha Waltz
Kostüme: Bernd Skodzig
Licht: David Finn © Bernd Uhlig

Un Tannhäuser dansant.
En 1996, le Staatsoper Unter den Linden de Berlin organisait son premier festival de Pâques autour des opéras de Wagner. Daniel Barenboim en était l’inspirateur et il a, depuis, apposé sa griffe sur les « Festtage » comme chef d’orchestre (opéras et concerts) et comme pianiste et il est considéré comme le « Spiritus rector » du festival. L’édition 2014 (du 11 au 20 avril) présentait au Schiller Theater (lieu alternatif pendant la renovation du théâtre Unter den Linden) une nouvelle production de Tannhäuser (Wagner) et une représentation de Simon Boccanegra, célébrant le 200e anniversaire de Verdi. Daniel Barenboim y dirigeait aussi des concerts avec le Wiener Philharmoniker et la Staatskapelle Berlin et jouait en duo avec Martha Argerich .
Pour Tannhäuser, Barenboim a confié la mise en scène à la chorégraphe allemande Sasha Waltz bien connue en Belgique grâce à Dido and Aeneas (Purcell) et Matsukaze (Toshio Hosokawa) à La Monnaie. Mais une œuvre monumentale comme le Tannhäuser est une autre paire de manches. Et il faut bien reconnaître que Sasha Waltz s’y est fourvoyée. Ce n’est pas en ajoutant quelques mouvements chorégraphiques et en intégrant les danseurs de sa compagnie dans l’action qu’elle peut créer une vraie mise en scène ni offrir à l'oeuvre une nouvelle interprétation intéressante. Au contraire. C’est souvent du théâtre de province vieux jeu (les pèlerins et le final) et un spectacle irritant avec les danseurs qui sautillent autour des chanteurs (la rencontre du Landgraf et de Tannhäuser) ou -pire!-les chanteurs qui doivent s'intégrer à la chorégraphie. Pour comble de malheur, celle-ci est banale, fait double emploi avec la musique et semble souvent parodier l’action théâtrale (les mouvements de mains de femmes pieuses). Seule la chorégraphie de la Bacchanale (l’opéra est donné dans la version de Dresde avec la première scène de la version parisienne) fait quelque effet mais se répète trop longtemps. Les danseurs à demi nus se débattent dans une sorte de coupole renversée (grand œil, vagin ?) où descendent aussi, non sans peine, Vénus et Tannhäuser. L’image est belle mais disparaît pour faire place à une scène vide et un gros nuage de vapeur pour le retour de Tannhäuser dans la vallée du Wartburg. La salle du château aux murs de bois ressemble un peu à celle du Schiller Theater (décors Pia Maier-Schriever - Sasha Waltz). Les costumes sont plutôt contemporains (Bernd Skodzig) avec des robes-bustiers de taffetas et amples jupons de tulle pour les dames du Wartburg. Et la scène finale, avec pèlerins et bonnes sœurs autour de la civière d’Elisabeth, pourrait figurer dans un spectacle d’Oberammergau !
Les chanteurs ne sont pas très à l’aise dans ce contexte, sans vraie direction d’acteurs. Peter Mattei (Wolfram) est le seul qui semble s’y retrouver, élégant et souple, couché par terre pour commencer sa romance à l’étoile qu’il chante de façon sobre et émouvante avec son beau baryton souple. Peter Seiffert n’a sûrement plus l’allure d’un jeune premier mais campe encore toujours un Tannhäuser vocalement plus que convaincant avec un ténor au beau métal, homogène et puissant, culminant dans une Romerzählung expressive. René Pape est un solide Landgraf plein d’autorité et il est bien entouré : Peter Sonn (Walther von der Vogelweide), Tobias Schabel, (Biterolf) Jürgen Sacher (Heinrich der Schreiber) et Jan Martinik (Reinmar von Zweter). Elisabeth trouve en Ann Petersen une interprète sensible à la voix de soprano lumineuse mais peut-être un peu distante. Marina Prudenskaya offre à Venus son mezzo-soprano puissant au timbre assez sombre mais elle manque d’érotisme. Le Hirt de Sonia Grané sonne particulièrement frais et juvénile, et les chœurs du Staatsoper sont superbes. Superbe aussi le son de la Staatskapelle Berlin, l’orchestre de Barenboim avec ses bois subtils, ses cuivres (cors) triomphants et ses cordes aux couleurs chaudes et transparentes. L’entente est parfaite et l’orchestre sait ce que veut son chef. Barenboim nous présente une lecture peut être plus esthétique que dramatique avec de beaux accents, une grande dynamique et un troisième acte plein de mélancolie.

Domingo, toujours impressinnant !
Verdi bénéficie aussi du son luxueux de la Staatskapelle que Barenboim dirige fermement et avec beaucoup de nuances dans Simon Boccanegra. Peut-être y manque-t-il le vrai souffle italien mais les ensembles sont bien construits et la Staatskapelle détaille la partition avec soin. L’opéra est présenté dans la production de 2009, avec la mise en scène classique de Federico Tiezzi, les décors plutôt minimalistes de Maurizio Balo et les costumes d’époque luxueux de Giovanna Buzzi. C’est dans cette production que Domingo chanta un de ses premiers Boccanegra et il est toujours impressionnant dans ce rôle de baryton, un des meilleurs de son nouveau répertoire. Il est très convaincant en homme mûr, doge et père qu’il interprète avec beaucoup d’autorité et humanité. La voix n'a pas avec la vraie couleur de baryton mais elle est toujours là avec une grande vigueur et un beau timbre. Domingo s’engage à fond et il émeut. Maria Agresta a pris la relève de Anja Harteros en Amelia/Maria, rôle qu’elle interprète avec simplicité, d’une voix bien conduite et expressive. Dmitry Belosselskiy, tête rasée et peu crédible en grand-père de Maria, donne au rôle de Fiesco une bonne interprétation vocale de sa voix de basse solide. Fabio Sartori -au physique peu avantageux- campe un Gabriele Adorno de haut niveau vocal. Angel Odena fait un Paolo mordant et Wilhelm Schwinghammer un Pietro assez pâle. Bonne prestation des chœurs.
Les Festtage s'étaient ouverts sur un concert du Wiener Philharmoniker à la Philharmonie de Berlin. Daniel Barenboim et l’orchestre viennois qu’il a dirigé pour la première fois en 1989 nous ont régalé d’une interprétation détaillée et bien équilibrée des trois dernières symphonies de Mozart. Dont une grandiose Jupiter.
Erna Metdepenninghen
Berlin, Stadtsoper, les 11,12,13 et 14 avril 2014

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