Les Musiciens et la Grande Guerre (4)

par

Volume X : Concertos pour la main gauche
Benjamin BRITTEN (1913-1976)
Diversions, pour piano main gauche et orchestre
Erich Wolfgang KORNGOLD (1897-1957)
Concerto pour piano main gauche et orchestre
Nicolas STAVY (piano) - Orchestre National de Lille dir.: Paul POLIVNICK
2014-DDD-57' 07''-Textes de présentation en français et en anglais-Hortus 710

Dixième volume, déjà, de cette collection de 30 parutions, qui se poursuivra jusqu'en juin 2018.  Centrale est cette fois la personnalité de Paul Wittgenstein (1887-1946), ce pianiste amputé de la main droite durant la première guerre, et qui créera un répertoire pour la main gauche devenu emblématique (incidemment, la notice de Nicolas Salvy examine la question du répertoire... pour la main droite). Parmi les quelques trente-six (!) partitions commandées (suivant recensement Wikipédia), dont la postérité a surtout retenu les concertos de Ravel et de Prokofiev, ce CD présente  l'une des premières (Korngold en 1924) et l'une des dernières (Britten en 1942). Aucune des deux ne prétend au chef-d'oeuvre, mais toutes deux sont intéressantes. Tout auréolé de la gloire que venait de lui apporter son opéra Die Tote stadt (1920), le jeune Korngold écrivit  un concerto d'un seul tenant, mi-variations, mi-symphonie concertante. Il ne possède sans doute pas la prodigieuse architecture intérieure du concerto de Ravel, ni l'énergie aventureuse de celui de Prokofiev, mais se distingue par des thèmes joliment profilés, une orchestration comme toujours rutilante, et une impressionnante cadence finale. Plus caractéristiques seront les Diversions du tout aussi jeune Britten de 1942. L'oeuvre est contemporaine du concerto pour piano (à deux mains), et de la Sinfonia da requiem. Si le concerto de Korngold flirtait avec le genre variations, celui de Britten s'affirme comme tel : thème, dix variations et finale. Elles ne sont "pas profondes, mais fort jolies" en disait le compositeur lui-même. Les variations ont toutes - comme souvent chez Britten - un titre français. Retenons la jolie romance, la marche évoquant Prokofiev, ou le scintillant nocturne. Mais le musicien peut se révéler aussi primesautier (Badinerie) ou virtuose en diable (les deux toccatas). Et tout se terminera par une tarentelle bien enlevée. Les deux concertos ont fait chacun l'objet de plusieurs enregistrements : celui que voici est l'un de meilleurs, par la finesse du jeu de Nicolas Stavy, et la brillance assumée d'un Orchestre National de Lille en toute grande forme, sous la direction attentive de Paul Polivnick. Voici donc un volume de la collection peut-être inattendu, mais original et très bienvenu.
Bruno Peeters

Son 10 - Livret 9 - Répertoire 8 - Interprétation 9

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