Les quatre saisons de l’amour dans le madrigal italien

par

Stagioni d’amore. Biagio Marini (1594-1663) : Le lagrime d’Erminia ; Balletti ; Augelino volante ; Ridon le piagge ; Donna, mi chiami infido ; Tu pur partisti ; Torna l’inverno, frigido ; Tirinto mio. Giovanni Rovetta (c1595-1668) : Venga dal ciel migliore ; Voi partite crudele ? ; Tutto lieto cantai. Giovanni Valentini (c1582-1649) : Ecco maggio seren ; Fra bianchi gigli. Hana Blažíková, soprano. Bernvocal, dir. Fritz Krämer. Juin-juillet 2019. Livret en anglais, français, allemand ; paroles en italien, traduction anglaise. TT 70’45. Passacaille 1110

Les Epistole amorose (1619) du poète Cesare Orsini (1571-1640) ont suggéré ce programme dans lequel le sentiment amoureux se métaphorise dans les quatre saisons, exprimé par la lyrique du premier baroque italien. Un terrain d’élection quand l’on sait que la seconda pratica vise l’expression des affects et leur transmission à l’auditeur. Le monde intérieur se projette et se cherche des correspondances dans la nature changeante au gré des mois. Précédée par Le lagrime d’Erminia et entrecoupée par une série de Balletti instrumentaux, une sélection de madrigaux concertants de trois compositeurs de l’école vénitienne alimente ce florilège conçu comme un cycle : depuis le vernal éveil du désir jusqu’à l’amertume des émois et l’engourdissement des passions. Les derniers vers de Tutto lieto cantai font figure d’épilogue et entrevoient l’espoir d’un renouveau : « je dois reprendre ma lyre, même si elle ne souhaite que pleurer, parce qu’un nouvel Apollon m’invite à chanter encore ». La Pretirata de Marini appose alors l’ultime couche de givre sur ce parcours poétique.

Il n’est que d’entendre Hana Blažíková exhaler les tourments de ses Larmes d’Herminie pour être aussitôt conquis par cette soprano suave et agile. La suite du récital ne trahira pas cette promesse. Le reste de l’équipe vocale (Barbora Kabátková, Jan Börner, Michael Feyfar, Raphaël Höhn, Markus Flaig) n’est que ravissement, tant pour la technique que l’empathie avec les textes. Les madrigaux à voix mixtes sont particulièrement bien appariés en termes de timbre, d’impulsion, de dynamique collective. Seul le Torna, l’inverno aurait mérité un surcroît de flamme, mais ses vocalises sont certes redoutables et après tout, c’est l’hiver qui arrive et transit les cœurs. Le soutien de l’ensemble Bernvocal (violons, alto, violes, théorbe, clavecin, orgue), sous la conduite vive et inspirée de Fritz Krämer, est impeccable à l’avenant. L’église réformée d’Arlsheim prodigue un superbe écrin audiophile, offrant une transparence, une aération et un relief rares. Ce disque enjôleur et constamment touchant, on ne voit guère ce qui mériterait de le priver d’un Joker Absolu. Dont acte !

Son : 9,5 – Livret : 9 – Répertoire : 9-10 – Interprétation : 10

Christophe Steyne

 

 

 

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