Dvorák transfiguré

par

Antonín Dvorák (1841-1904) : Op. 65 et N° 4 en mi mineur « Dumky », Op. 90. Christian Tetzlaff (violon),Tanja Tetzlaff (violoncelle), Lars Vogt (piano). Ondine ODE 1316-2 -DDD-2018- 72’56- Textes de présentation en anglais et allemand.

L’entraînant jaillissement mélodique et le côté naturellement solaire qu’on trouve en abondance dans la musique de Dvorak font que le musicien tchèque est souvent bien trop vite rangé au rayon des compositeurs optimistes, frais, mélodieux et sans histoires. Rien ne saurait mieux contredire cette vision réductrice et encore trop répandue que ce splendide enregistrement de ces sombres et puissants chefs-d’oeuvre que sont les Troisième et Quatrième Trios à clavier du maître tchèque.

Dès l’entame du puissant et ténébreux (et très brahmsien) Trio en fa mineur, on est vraiment saisi par la passion et la profondeur qu’y mettent les remarquables musiciens réunis ici et dont les qualités et tempéraments se complètent admirablement. L’intelligence acérée de Christian Tetzlaff et son refus de toute séduction extérieure fascinent de bout en bout, sa violoncelliste de soeur fait preuve d’une approche plus conventionnelle de chambriste accomplie mais d’une nature plus réservée, alors que le piano sérieux mais sans raideur de Vogt réussit à créer une superbe variété de climats tout en propulsant sans cesse le discours musical. Ainsi, dans le deuxième mouvement Allegretto grazioso, la façon qu’il a de marquer les temps forts avec franchise mais sans brutalité -comme un danseur qui taperait du talon- donne au discours une impulsion rythmique qui aide vraiment la musique à décoller. Le Poco adagio qui suit est marqué par une atmosphère de mystère et de nostalgie dans un romantisme à la fois sombre, fin et chantant. Dans le brillant Finale, Vogt fait preuve d’une délicatesse et d’un beau lyrisme qu’on qualifierait volontiers de chopiniens.

Cheval de bataille du répertoire des Trios à clavier, le Trio Dumky est joué avec beaucoup de finesse et une volonté extrêmement impressionnante de ramener la musique à l’essentiel en faisant fi de toute tentative de séduction extérieure ou folklorisante. On retiendra plus que tout cet art de la rigueur sans froideur ni sécheresse mis en évidence dans le deuxième mouvement (où le Poco adagio prend des airs de petite marche funèbre), ou encore le quatrième où les musiciens pratiquent véritablement l’art de l’épure (avec un piano comme désincarné) mais aussi dans le cinquième, marqué -après par une belle introduction au violoncelle- par une extraordinaire sensibilité des interprètes aux rapides changements d’humeur de la musique, avant que l’oeuvre ne s’achève dans un Finale où d’énergiques moments de danse alternent avec de belles phrases rêveuses. A connaître absolument .

Son: 10 - Livret: 9  - Répertoire: 10 - Interprétation: 10

 

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