Les secrètes Leçons de Ténèbres de Michel Lambert
Michel LAMBERT (1610-1696) : Leçons de Ténèbres. Etienne RICHARD (1621-1669) : Allemande en sol mineur. Louis COUPERIN (c. 1626-1661) : Deux Psaumes en fa majeur ; Simphonie en sol mineur. Monique Zanetti, soprano ; Ensemble Les Temps Présents. 2020. Livret en français, en anglais et en allemand. Textes des Leçons en latin, avec traductions anglaise et française. 58.30. Aeolus AE-10113.
En 1662, Jean-Baptiste Lully épouse la fille de Michel Lambert qui est maître de musique de la chambre du Roi depuis l’année précédente, mais aussi un maître de chant apprécié et recherché. Né en 1610 entre Touraine et Poitou, Lambert reçoit une formation dans l’entourage du frère de Louis XIII, Gaston d’Orléans, et participe comme chanteur ou danseur aux ballets de la cour avant d’être nommé directeur des violons de Mademoiselle de Montpensier, appelée « la Grande Mademoiselle, qui est la fille de Gaston d’Orléans mais aussi la petite-fille de Henri IV et la cousine germaine de Louis XIV. Ce chanteur qui joue aussi du théorbe devient un organisateur incontournable des fêtes ; jusqu’à son décès en 1696, il sera maître de musique du Roi Soleil. Renommé pour sa capacité dans « l’art subtil qui consistait à agrémenter les airs d’une ornementation foisonnante mais toujours élégante et raffinée, constamment soumise aux exigences sémantiques et prosodiques du texte » (extrait de l’intéressante notice de Thomas Leconte, du Centre de Musique Baroque de Versailles), Michel Lambert est en même temps l’ami de poètes galants dont il met les airs en musique dans un style déclamatoire qui inspirera son beau-fils quand il écrira des tragédies lyriques. Le présent CD Aeolus propose un autre aspect de Michel Lambert, à savoir sa musique sacrée, et plus particulièrement ses trois Leçons de Ténèbres pour le Mercredi Saint, qui datent de 1662-1663 et font partie du cycle complet de cérémonies religieuses laissé par le compositeur pour ces années-là.
C’est à l’impeccable soprano Monique Zanetti, née en 1961, que le chant est confié. Cette soprano a débuté avec Les Arts Florissants de William Christie et avec la Chapelle Royale d’Herreweghe, avant d’effectuer de nombreuses tournées dans le monde entier et de se produire avec divers ensembles. Sa discographie, riche de plus de cinquante disques, est centrée sur la musique baroque, mais Monique Zanetti s’est aussi intéressée à Mozart, Berlioz, Debussy, Massenet ou Menotti. Elle est accompagnée ici par le remarquable Ensemble Les Temps Présents (Sylvie Moquet, dessus de viole et basse de viole ; Sylvia Abramowicz, basse de viole ; Claire Antonini, théorbe, Dominique Serve, orgue), dans un enregistrement effectué au Conservatoire Darius Milhaud d’Aix-en-Provence en avril 2018. La présente production se singularise par un climat très limpide dans lequel les Leçons de Michel Lambert, qui se situent historiquement parmi les premières du genre, font encore penser au « beau chant » des salons, même si la part liturgique se manifeste dans l’ornementation et dans la virtuosité accordée à la voix soliste. Ce n’est pas sans engendrer ce que certains qualifieront d’une certaine « monotonie » dans une écoute en continu, mais on reconnaîtra que la ferveur crée une sorte de contexte hypnotique qui incite à la méditation, au recueillement et à la prière.
Avec ses Leçons, Michel Lambert ouvre la porte à celles qui vont suivre, de Marc-Antoine Charpentier, Michel-Richard de Lalande ou François Couperin ; ces compositeurs accentueront le côté douloureux et la spiritualité que l’on ne trouve pas ici de prime abord, le langage ornemental étant encore marqué du sceau de l’attention portée au texte et à la récitation. Dans l’enregistrement, chaque Leçon est suivie d’une très brève intervention instrumentale choisie parmi des pièces de deux contemporains de Michel Lambert, à savoir Etienne Richard et Louis Couperin. Ceci ne rompt pas le discours liturgique auquel il apporte une pause complémentaire de sérénité, mais l’utilité n’en est pas démontrée.
Son : 9 Livret : 10 Répertoire : 8 Interprétation : 9
Jean Lacroix