Livre : André Suarès, inédit et interpellant

par

Sur la Musique
André Suarès
Préface de Stéphane Barsacq
On connaît André Suarès par ses poèmes, ses récits de voyages, ses biographies, et ses participations à La Nouvelle Revue Française aux côtés d'André Gide, de Paul Claudel et  de Valéry. Le musiciens auxquels il a dédié sa plume aussi : Bach, Beethoven, Wagner et Debussy. Et cependant, de 1899 -année de la publication de l'ouvrage sur Wagner- à sa mort, Suarès n'a cessé d'écrire sur la musique en des propos provocateurs souvent, sans craindre la contradiction, en des propos visionnaires aussi. L'ouvrage réunit ici, pour la première fois, l'ensemble de ses « pensées sur la musique » parues dans « La Revue Musicale », ainsi que des textes inédits. Jankélévitch écrivait à son propos : « Si nous faisions comparaître Suarès sur-le-champ en lui disant : 'vous écrivez des choses presque contradictoires sur Debussy à celles que vous avancez quand vous parlez de l'improvisation', il récuserait avec raison cette logique qui le somme d'être entièrement cohérent. La musique est un domaine où on n'a pas à être cohérent. Et après tout, moi aussi si je me comparais, tel un nain, à un géant comme Suarès, je dirais : nous n'avons pas à nous justifier. La musique, c'est comme ça. »
Il faut dire que Suarès fait fort tout de suite en minimisant l'apport de Beethoven pour mieux glorifier Mozart ; il comparera Schubert à César Franck, tous deux sentimentaux ; le premier toujours ému, toujours vrai, le second gâtant ses oeuvres par le 'sirop angélique', 'l'onction pieuse'. Il s'avancera à parler de Bach et de Wagner comme du 'père et du fils', recherchera les 'tics' des compositeurs, ceux des chefs d'orchestre, l'impureté du virtuose, parlera du 'plus admirable violon de la femme' : sa voix, s'attaquera sans crainte à la renaissance italienne, passera de Wagner le grand à Charlot, le pitre -'Charlot, c'est Jésus-Christ moins la parole'... Bref, en 202 pages, nous voyageons dans la musique et le monde de ceux qui la font. Il y a aussi de la poésie dans les propos de Suarès : 'le monde des notes n'est pas la monde des sons : le monde des notes est l'herbier ; le monde des sons, les jardins et la forêt'. Lire tout à la suite est un peu lassant. Mais, à l'occasion, quelques pages, de quoi bousculer nos certitudes ou nous ramener à l'essence de la musique.
Bernadette Beyne
2013, Editions Actes Sud, 240 pages en comptant les annexes (oeuvres de Suarès et compléments bibliographiques, 21 €

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