Lorsque musique et politique font bon ménage
Georg Friederich HAENDEL
(1685 - 1759)
Occasional Oratorio
Julia DOYLE (soprano), Ben JOHNSON (ténor), Peter HARVEY (baryton), Choeur de la Radio Bavaroise, Akademie für Alter Musik Berlin, dir.: Howard ARMAN
2017-DDD-Live-75'38 et 62'49-Textes de présentation en allemand et anglais-BR Klassik 900520 (2 cd)
A notre connaissance, une seule version de l'Occasional Oratorio était parue avant celle-ci: celle de Robert King et son King's Consort chez Hyperion, réalisée dans les années 1990 et toujours disponible. Il s'agit d'une oeuvre de la grande maturité, réalisée en des temps particulièrement troublés, en l'occurrence la deuxième révolution jacobite, celle de 1745 menée par Charles Stuart, surnommé « Bonnie Prince Charlie », et destinée à renverser le roi d'Angleterre George II. Très loyaliste, Haendel écrivit d'abord une pièce de bravoure destinée à redonner courage aux populations paniquées par la descente rapide des troupes écossaises de Charles vers le sud de l'Angleterre. En décembre de l'année, les Jacobites sont à Derby, à 200 km à peine de Londres. C'est alors que le duc de Cumberland, revenu en catastrophe des Flandres où se disputaient les épisodes les plus sanglants de la guerre de Succession d'Autriche, joint ses forces à l'armée du général Wade et vient à la rencontre de Charles. Celui-ci, convaincu par son Conseil du danger que lui et ses hommes courent désormais, d'autant que le soutien promis par les Français se fait de plus en plus hypothétique, se décide à rebrousser chemin. Cette aventure prendra fin lors du tristement célèbre carnage de Culloden, le 16 avril 1746: les malheureuses troupes écossaises, dépenaillées, mal armées, sans artillerie, s'y feront massacrer par les canons d'un Cumberland sans pitié (il portera dorénavant le sobriquet de « boucher de Culloden ») avant de tenter une charge désespérée qui achèvera le désastre. Cette bataille mettra un terme définitif aux ambitions des Stuart à la couronne d'Angleterre et Charles n'évitera d'ailleurs la capture qu'en s'enfuyant en France déguisé en dame de compagnie, un épilogue bien piteux pour l'une des plus épopées les plus marquantes de l'histoire du Royaume-Uni. L'oeuvre de Haendel est entendue deux mois avant Culloden, à un moment où rien encore n'est joué. Le but de l'oratorio, à savoir célébrer la victoire, est donc loin d'être acquis et toute la partition relève davantage du voeu pieux que de la fête. Avec sa célérité habituelle, Haendel achève très rapidement sa partition grâce à de nombreux réemplois, tirés, en particulier, d'Israel en Egypte, des concerti grossi et des Coronation anthems. Malgré le chaos qui procède à la composition, le résultat est très homogène et, s'il ne peut figurer parmi les chefs-d'oeuvre incontestables du plus anglais des Saxons, l'ouvrage a belle apparence, avec tout ce qu'il faut de pompe, à grands renforts de choeurs opulents et très présents. Rien à dire ou redire sur l'interprétation, parfaite et solennelle à souhait. A découvrir.
Bernard Postiau
Son 10 - Livret 9 - Répertoire 10 - Interprétation 9