Macbeth de Pascal Dusapin : très beau et très laid, inventif et convenu

par

A peine deux ans après sa création remarquée à La Monnaie à Bruxelles, « Macbeth Underworld », le huitième opéra de Pascal Dusapin, nous revient dans une nouvelle co-production, celle du Staatstheater Saarbrücken et des Théâtres de la Ville de Luxembourg.

C’est à la fois très beau et très laid, inventif et convenu. 

La beauté et l’inventivité sont musicales ! Pascal Dusapin nous invite à retrouver le couple maudit dans « un monde souterrain », aux enfers, en enfer. Macbeth et Lady Macbeth sont condamnés à revivre leurs péripéties maudites : « Regardez ! Ils reviennent encore et encore. Ils vont chanter encore et encore les choses qu’ils ont faites. » Cette idée de « retrouver » les personnages d’une grande oeuvre, Pascal Dusapin l’a déjà exploitée dans son « Passion » : Eurydice refusait de suivre Orphée, préférant demeurer aux enfers.

La partition, bien servie par le Saarländisches Staatsorchester dirigé par Julius Thorau, est magnifique, convaincante et séduisante dans des exigences qui ne rebutent pas. Le compositeur multiplie les atmosphères, avec notamment de superbes séquences confiées à un archiluth solo, des interventions d’un orgue, une panoplie absolument significative de percussions, dont certaines, exotiques, viennent même de la collection personnelle de Pascal Dusapin. Vocalement, il donne à entendre aussi, avec une identique exigence, notamment dans l’amplitude des tessitures, les différents modes d’expression, du chuchotement au style récitatif, de la chanson populaire au sprechgesang. C’est convaincant parce que dramaturgiquement pertinent. Une partition qui justifie donc et justifiera encore des reprises.

Une réserve cependant, et d’importance, pour le livret. Il nous avait déjà gêné à la création. Pascal Dusapin l’a conçu comme « un texte inédit qui se voudrait comme une machine lyrique contemporaine de l’œuvre dont il est inspiré ». Pour Frédéric Boyer, le co-auteur du livret, il est une « libre réappropriation lyrique du couple maudit au cœur d’un poème contemporain, personnel, hanté par le texte shakespearien ». C’est peu dire que, poétique, il est régulièrement hermétique. Ses deux auteurs ont oublié que le texte d’un livret défile au rythme d’une partition, sans arrêt possible ni retour en arrière. Cette obscurité est agaçante, même si l’on se résigne à faire de ce texte une ligne de plus sur la partition.

A la création à Bruxelles, Thomas Jolly avait imaginé un système scénique et scénographique raffiné, nous plongeant dans un univers fantomatique décisif : le plateau tournait lentement et nous révélait, dans leurs architectures et leurs lumières, des lieux significatifs, arbre immense, muraille ou portail monumentaux, chambre de toutes les angoisses… 

Cette fois, c’est très laid. Réducteur et sans perspective. Un bric-à-brac « infernal » avec grands tissus pendants, corde de pendus, poupées que l’on va systématiquement démembrer, sorcières (celles que Dusapin qualifie de « sœurs bizarres ») et chœur en tutu ou casqué, rampant ou se dressant sur pointes. Expressionniste ? Grand guignol plutôt. Et convenu aussi : il faut dégenrer, n’est-ce pas. Comme Katie Mitchell le faisait dans son « Ariadne auf Naxos » d’Aix, revu à Luxembourg récemment, et bien d’autres encore, lieu commun : le portier sera évidemment un homme déguisé en femme caricaturale dans ses apparences plus que surlignées, et Macbeth apparaîtra en robe longue tandis que Lady Macbeth aura revêtu un smoking…

Ce sont donc bien nos oreilles qui se souviendront de ce « Macbeth Underworld ».

Luxembourg, Théatre de Luxembourg, mercredi 12 mai 2021

Crédits photographiques :  Kaufhold

Revivre, remourir, encore et encore

Pascal Dusapin, compositeur

 

 

 

 

 

Vos commentaires

Vous devriez utiliser le HTML:
<a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.