Mozart à Genève avec Leonardo García Alarcón 

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Pour le troisième concert de sa série d’octobre, l’Orchestre de la Suisse Romande avait fait appel à Ton Koopman pour un programme Mozart père et fils. Dans l’impossibilité de venir à Genève le 14 octobre, le chef néerlandais a été remplacé par Leonardo García Alarcón  qui réside en ces lieux et qui, au pied levé, respecte scrupuleusement le choix des œuvres annoncées en commençant par l’Ouverture pour Die Zauberflöte. Limitant le pupitre des cordes à une quinzaine de musiciens, c’est avec la précision du chef baroque qu’il attaque les accords initiaux pour laisser ensuite courir l’Allegro pris à tempo rapide. Puis avec une fluidité des lignes qui révèle néanmoins une sensibilité au moindre accent, il brosse la toile de fond enveloppant le Concerto pour hautbois en ut majeur K.314 où intervient Nora Cismondi, chef de pupitre de l’orchestre, qui enlève l’Allegro aperto en un phrasé pimpant où chaque trait virtuose est négocié avec adresse ;  l’Andantino médian est dominé par une ligne de chant magnifique qui rend expressive toute formule d’ornementation, alors que le Finale prend un caractère décidé, en glissant une note humoristique dans la cadenza où lui répond la flûte, comme si Papageno s’était faufilé dans les coulisses. Face au tonnerre d’applaudissements qui accueille sa performance, Nora Cismondi dialogue avec l’un des contrebassistes pour un bis jazzy de son cru poussant jusqu’à l’extrême ses ressources techniques, ce qui décuple les hourras.

Dans ce tour d’esprit caustique s’inscrit ensuite la Cassation en sol majeur dite Symphonie des Jouets, longtemps attribuée à Joseph puis à Michael Haydn et, de nos jours, restituée à Leopold Mozart. Dans ce charivari organisé s’en donnent à cœur joie les souffleurs manipulant crécelle, pipeau, coucou, sifflet, trompette, petit tambour et même machine à vent.

Et le programme s’achève par la Symphonie n°40 en sol mineur K.550 que Leonardo García Alarcón  aborde en respectant à la lettre l’indication Molto allegro qui insuffle aux cordes une dynamique haletante à laquelle répondra le dialogue des hautbois et clarinettes sur le soutien des bassons et cors. Par une accentuation appuyée progresse l’Andante à la tournure mélodique si surprenante qui affine le discours des six premiers violons se voilant de tristes demi-teintes. Mais pourquoi ce deuxième mouvement nous paraît-il interminable en s’affadissant progressivement ? Là il faut incriminer cette pratique d’aujourd’hui qui observe scrupuleusement les deux points de reprise greffés la plupart du temps par la main de l’éditeur (et non par celle du compositeur), nous amenant dans ces tunnels d’ennui de certains actes du dernier Wagner. Les chefs mozartiens d’une autre époque, les Bruno Walter, Beecham, Szell, Reiner, Giulini, l’avaient compris, eux qui passaient d’une séquence à l’autre sans da capo. Néanmoins, le Menuetto où la réitération du motif est de mise et l’Allegro assai conclusif nous tirent de la torpeur par la vigueur des contrastes et leur exubérante vitalité.                                                               

Paul-André Demierre

Genève, Victoria Hall, le 14 octobre 2020

Crédits photographiques : Jean-Baptiste Millot

 

 

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