A l’OSR, deuxième volet Britten-Chostakovitch 

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Dans la série de quatre concerts dédiés aux deux figures emblématiques que sont Benjamin Britten et Dimitri Chostakovitch,, à la tête de l’Orchestre de la Suisse Romande, avait mis en perspective, à la fin septembre dernier, les ‘Four Sea Interludes’ de Peter Grimes et deux pages majeures du musicien russe, le Premier Concerto pour violon et la Cinquième Symphonie. Et le même projet juxtapose maintenant deux œuvres peu prisées du grand public, le Concerto pour violon du premier et la Quatrième Symphonie du second. 

Qui sait pourquoi, l’opus 15 de Benjamin Britten n’a émoustillé l’intérêt que de deux ou trois virtuoses de renom, Ida Haendel ou Ruggiero Ricci autrefois, Maxim Vengerov aujourd’hui. Elaboré entre Québec et Long Island au cours de l’été de 1939, créé avec succès à Carnegie Hall le 27 mars 1940 par Antonio Brosa et le New York Philharmonic dirigé par Sir John Barbirolli, ce concerto est défendu ici magnifiquement par la jeune violoniste Karen Gomyo, native de Tokyo mais établie à Montréal avant de devenir élève de Dorothy DeLay à la Juilliard School. Le Moderato con moto initial s’imprègne de mystère par le pianissimo des timbales préludant à l’entrée du soliste qui impose d’emblée une ligne superbe se corsant d’impétueux accents, tandis que le tutti virera au tragique. Le cantabile du violon fait sourdre la veine lyrique, ponctuée d’énergiques détachés qui se dilueront en un diminuendo de doubles cordes. Le Vivace médian prend ici un tour échevelé grâce aux vertigineux traits affrontant un tutti massif, alors que la ‘cadenza’ sera irradiée par un jeu d’une finesse extrême qui dominera le finale en forme de passacaille concluant sur une note sereine.

En seconde partie est proposée la Quatrième Symphonie en ut mineur op.43 que Chostakovitch entreprit en 1934, laissa de côté puis reprit à l’automne de 1935 pour l’achever en mai 1936. Mais le torrent de haine suscité par la création de Lady Macbeth de Mzensk provoquera l’annulation de la première exécution qui n’aura lieu que vingt-cinq ans plus tard à Moscou, en date du 30 décembre 1961, avec Kirill Kondrashin et l’Orchestre Philharmonique de la capitale soviétique. 

Si on la compare aux deux symphonies ultérieures (la Cinquième op.47, la Sixième op.54), ô combien cette Quatrième en ut mineur op.43 semble constituée d’éléments disparates qui en ruinent la cohérence ! Jonathan Nott s’ingénie néanmoins à en valoriser l’originalité, quitte à laisser éclater la stridence des tutti que finit par atténuer la phalange des violons et des bois ; tandis que harpes et cordes graves élaborent un pianissimo réconfortant, piccolo, flûtes et clarinettes instillent de sardoniques inflexions provoquant un fugato d’une rare sauvagerie dont la péroraison désabusée sera livrée par le basson, le cor anglais puis le violon solo. Par contraste, le Moderato médian est apparemment détendu jusqu’à l’émergence d’un ostinato des bois sur un motif de cors que scanderont étrangement castagnettes, tambour et tambour de bois. Le vaste Finale se déroule comme une marche funèbre dont la noblesse tourne vite à la dérision, lorsque flûte et harpe esquissent une valse que le trombone rendra vulgaire. Le ronflement des timbales suscite un choral des cuivres, grotesque par ses dissonances, qui s’éloignera en laissant place à une coda éthérée où harpe, célesta et percussion dialoguent avec une trompette en sourdine sur fond de cordes s’éteignant peu à peu…                      

Paul-André Demierre
Genève, Victoria Hall, le 8 janvier 2020

Crédits photographiques :  Pierre Abensur

 

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