Mozart pas trop bien servi à Salzbourg

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Apparemment pour la dernière fois les trois opéras Mozart-da Ponte dans une mise en scène de Sven-Eric Bechtolf, le directeur artistique par interim du festival, sont à l’affiche. Ce sont des reprises, plus ou moins adaptées des productions présentées les dernières années. « Cosi fan tutte » a déménagé de la scène assez intime de la Haus für Mozart à la grande espace de la Felsenreitschule. Pour apporter le spectacle quand même assez près du public il y a une rampe autour de l’orchestre que les chanteurs emploient régulièrement. L’action se joue principalement entre des panneaux de toile dressés au milieu de la scène représentant un paysage de jour au premier et de nuit au second acte. Un grand fauteuil, des chaises et quelques coussins meublent l’espace (Sven-Eric Bechtolf). Les costumes (Mark Bouman) sont d’époque. Puisqu'il s’agit d’une expérience et d’une gageure Don Alfonso a invité quelques têtes grises à en être témoin. Les hommes regardent l’action d’une des galeries supérieures du manège des rochers mais ne sont plus là au deuxième acte. Etrange. Les chanteurs se promènent aussi de temps en temps dans les galeries à une distance qui n’aide pas l’impact du spectacle. Bechtolf se limite à présenter « Cosi fan tutte » comme une farce qui malheureusement ne fait même pas rire. Et puisque Ottavio Dantone dirige le Mozarteumorchester Salzburg avec peu d’entrain ou d’imagination la soirée paraît bien longue. Les chanteurs s’appliquent pourtant et les voix sont assez belles. Le spectacle est dominé par le Don Alfonso plein d’autorité et d’humour de Michael Volle à la voix ronde et expressive, souple dans les récitatifs comme dans les airs. Julia Kleiter est une Fiordiligi vocalement assez fragile (Per pietà), Angela Brower une Dorabella vivace à la voix corsée et Martina Jankova une Despina pleine d’esprit au soprano clair. Mauro Peter (Ferrando) aime apparemment jouer le pantin et son ténor agréable manque une peu de souplesse. Alessio Arduini campe une Guglielmo vocalement correct mais un peu trop modeste.
« Don Giovanni » n’a pas quitté la Haus für Mozart ni le décor représentant une grand hall d’hôtel conçu par Rolf Glittenberg. Dans ce lieu assez improbable se joue toute l’action de ce dramma giocoso. Don Giovanni s’y promène en portant une masque diabolique, Donna Elvira en robe de mariée déchirée et pied nus l’y retrouve. Donna Anna sort d’une chambre un couteau en main avec lequel Don Giovanni parvient à la faire tuer son père, le Commandeur. Celui (ainsi que Don Ottavio), appartient apparemment à une organisation fasciste qui semble contrôler l’hôtel (tout cela n’est pas très clair) . Zerlina et Masetto sont des employés de l’hôtel mais les collègues quittent leur fête de mariage. La scène du cimetière se passe, bien sûr toujours dans le hall de l’hôtel, devant un buste de Commendatore. Donna Anna chante son air « Crudele. Non mi dir » non à l’intention de Don Ottavio mais en serrant amoureusement la tête de marbre de son père. Finalement Don Giovanni remet son masque diabolique et repart à la poursuite d’une belle demoiselle pendant que les autres personnages chantent « Questo è il fin di chi fa mal » (Cela est la fin de quelqu’un qui fait du mal). Heureusement Alain Altinoglu, le directeur musical de la Monnaie de Bruxelles, a dirigé le Wiener Philharmoniker dans une exécution musicale vibrante et dramatique de la partition de Mozart, ainsi quand même respectant l’œuvre. Ildebrando D’Arcangelo est un Don Giovanni viril et convaincant à la voix sombre et sonore mais sans beaucoup de nuances. Très belle prestation de Luca Pisaroni en Leporello, comique sans exagération et bien chanté de sa voix souple et bien timbrée. Don Ottavio trouvait un interprète vocalement séduisant dans Paolo Fanale, chantant avec beaucoup de style et de nuances. Carmela Remigio donnait du tempérament mais aussi une voix assez étroite et pincée à Donna Anna, qui peinait dans les coloratures. Layla Claire exprimait bien la passion de Donna Elvira mais était vocalement un peu éprouvée. La Zerlina de Valentina Nafornita était charmante et vocalement délicate, le Masetto de Jurii Samoilov sonore et décidé, le Commandeur de Alain Coulombe vocalement trop faible.
Erna Metdepenninghen
Salzburger Festpiele, les 10 et 13 août 2016

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