Peter Donohoe revisite Albéniz et  Granados

par

Isaac  Albéniz (1860-1909) : Iberia (Livres I et II), Enrique Granados (1867-1916) : Goyescas o los majos (Livre 1). Peter Donohoe, piano. 2023. LIvret en : anglais, allemand et français. 73’50’’. Chandos. CHAN 20293. 

Bien que peu médiatisé, le pianiste Peter Donohoe est l’un des artistes majeurs de notre temps. Consacré en 1982 par un 2e prix au Concours Tchaïkovski de Moscou, il a développé une carrière de haut vol dans le monde anglophone mais il reste trop peu connu de ce côté de la mer de Nord. Sa discographie est qualitative tant en nombre qu’en termes d’apport interprétatif et nous avons souvent salué dans ces colonnes la haute valeur de ses parutions. 

Il nous propose en ce printemps pluvieux, un album consacré à des piliers du piano espagnol avec une approche qui fait date pas sa justesse de propos à rebours d’une tradition pittoresque. Quand on pense à Iberia d’Albéniz, on a souvent à l’esprit une joliesse hispanisante de bonne humeur et bigarrée derrière ce festival musical de rythmes. Sous les doigts de Peter Donohoe, il n’en est rien et les livres I et II de ce cycle magistral se dévoilent tragiques. Albéniz était déjà malade quand il a composé ce cycle et cette évocation de l’andalousie est teintée d’une nostalgie de souvenirs qui à ce moment de sa vie prennent une tournure presque sombre et douloureuse d’un passé révolu. Pianistiquement, Peter Donohoe convoque plus la grandeur de l’écriture d’un Beethoven, d’un Chopin, d’un Liszt qu’une référence à Debussy ou Ravel. Sa technique lui permet de ciseler les dynamiques qui cernent l’esprit des danses mais avec toujours cette grandeur de vue magnifiée par des tempi assez retenus qui vont au fond de ces pièces. 

Le Livre 1 des Goyescas de Granados poursuit sur ces cimes avec une évidence narrative puissante mais jamais pittoresque ou populeuse de cet art contrôlé, réfléchi mais qui s’écoute avec un bonheur créant des histoires inattendues de ces partitions tellement connues. 

La prise de son assez magistrale, comme souvent avec Chandos, nous place au cœur de cette démarche artistique. 

Un disque très personnel mais foncièrement réjouissant ! 

Son : 10  Notice : 10  Répertoire : 10  Interprétation : 10

Pierre-Jean Tribot

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