Philharmonia Orchestra : 75 ans en légendes 

Philharmonia Orchestra-Birth of a Legend. Karajan-Furtwängler-Cantelli-Toscanini-Klemperer-Giulini-Markevitch-Kletzki-Cluytens-Walton-Mackerras-Ackermann-Krips-Malko-Irving-Rodzinski-Weldon-Sawallisch-Mengers-Kurtz. 1 coffret de 24 CD Warner. Référence 0190295349516.

 Warner classics célèbre les 75 ans du Philharmonia Orchestra de Londres. Fondée en 1945 par le producteur Walter Legge de EMI pour les besoins du disque, la phalange britannique s’est imposée comme l’un des grands orchestres européens. En 1945, Walter Legge avait réuni les meilleurs des musiciens pour faire de cet orchestre le plus bel écrin sonore car il considérait que le niveau des orchestres londoniens avait baissé dans l’immédiat après-guerre. 

Le présent coffret se concentre sur la période 1945-1964, qui vit défiler au pupitre du Philharmonia les plus grands noms de la direction et les jeunes talents émergents.

Ainsi le coffret reprend des enregistrements déjà bien connus et régulièrement réédités, mais qu’il est plaisant de retrouver dans les meilleurs remasterings possibles. Au sommet de ce coffret, il faut placer les témoignages légendaires de Furtwängler et Toscanini, ce dernier pour une intégrale des symphonies de Brahms tellurique et conquérante qui galvanise un orchestre chauffé à blanc. Du côté des directeurs musicaux de l’orchestre, on retrouve Karajan et Klemperer dans leur coeur de répertoire : le démiurge autrichien ouvrant des nouvelles perspectives interprétatives alors que le colosse allemand dirige à la pointe acide Mahler, Mozart, Beethoven ou Kurt Weill. Le Philharmonia fut aussi une rampe de lancement pour des jeunes chefs promis à un bel avenir ! Deux Italiens se dégagent du lot : Guido Cantelli, que Toscanini considérait comme son héritier mais qui décéda prématurément dans un accident d’avion à Orly et Carlo Maria Giulini dont la baguette racée servait au mieux le répertoire français (Bizet, Ravel) et italien (Rossini, Verdi). Le Philharmonia ce sont aussi des raretés et un répertoire léger qui met en avant la flexibilité stylistique de l’orchestre. Walter Legge pouvait s’enorgueillir d’avoir réuni un orchestre d’exception. 

Les solistes de l’orchestre furent mis à contribution par les micros des studios et on retrouve ainsi : Manoug Parikian au violon, le légendaire Dennis Brain au cor, Gareth Morris à la flûte ou Harold Jackson à la clarinette. En 24 disques, le coffret comporte assez peu d’inédits, on pointe une Marche et trois Danses orientales de Glinka dirigées par Nikolai Malko ou une rare Suite d’Ernő Dohnányi. 

Contrepoint contemporain à ces monuments de l’art interprétatif, le coffret propose une lecture de concert de la Nuit transfigurée de Schöenberg dirigée par Esa-Pekka Salonen, actuel chef de l’orchestre londonien. Les commentateurs noteront que ce dernier a en partie construit sa notoriété sur l’enregistrement des grandes oeuvres du XXe siècle (mais pour CBS/Sony). De plus, cet enregistrement est une captation de concerts de la BBC...Témoin des temps contemporains, le Philharmonia n’enregistre plus de studios et seuls quelques enregistrements de concerts sont publiés sous le modeste label Signum. Pourtant à la pointe de la technologie dans les années 1950-1960, la phalange s’est fait distancer sur le terrain de l’innovation par ses compatriotes du London Symphony Orchestra. 

Cela étant, il ne faut pas bouder son plaisir car ce coffret est une merveille et une pierre angulaire de l’histoire de la musique au disque. La grande qualité des reports en fait un bonheur constant pour le mélomane. Notons qu’un album bonus propose des témoignages des musiciens se souvenant de : Karajan, Cantelli, Klemperer, Giulini. 

Son : 10 (pour la qualité des remasterings) Livret : 8  Répertoire : 10 Interprétation : 10

Pierre-Jean Tribot