Pierre et Théo Fouchenneret offrent une soirée de sonates de haute volée 

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Le festival du haut Limousin offre pour son concert de clôture une soirée de sonates pour violon et piano de très haute volée, avec Pierre et Théo Fouchenneret. Le programme, d’une grande diversité mais finement équilibré, nous a transportés à travers les époques et les styles de trois grands compositeurs : Johannes Brahms, Maurice Ravel et Béla Bartók.

La soirée a débuté avec la Sonate pour violon et piano n° 2 op. 100 de Johannes Brahms. Dès les premières notes, les deux frères se distinguent par une technique remarquable et une sensibilité artistique qui témoigne de leur affection pour la musique de Brahms. L’interprétation, bien cadrée, n’empêche pas une grande liberté, notamment dans la ligne mélodique. Leurs phrasés sont toujours articulés avec clarté, adaptée au caractère de chaque mouvement. Après le mouvement initial doux mais rempli d’« accidents » variés, l’« Andante tranquillo » offre une méditation poétique et introspective, avec des détails soignés et des nuances subtiles. Une oscillation entre vivacité alerte et tendre élégance marque le « Vivace di qui andante » dans une légèreté dansante. Dans le final, le contraste avec le mouvement précédent est magnifiquement mené dans cette passion qui évoque parfois son côté irrationnel. Leur interprétation, jonchée de contrastes, s’écoute comme un conte et l’audience retient leur souffle jusqu’à la dernière note.

La Sonate pour violon et piano en sol majeur de Ravel a apporté un changement total d’atmosphère et de ton. Dès les premières mesures de l’Allegretto, le jeu du piano est fluide et limpide, semblable à de l’eau coulant doucement. Sur cette fluidité, le violon fait son entrée avec une légèreté infiniment aérienne. L’interaction entre les deux instruments, semblable à deux fils d’eau se mêlant et se séparant, crée une arabesque délicate, particulièrement marquante lors de l’Allegretto. Le « Blues », à la fois nonchalant et tonique, maintient un fond rythmique régulier mais subtilement mouvant. Le piano puis le violon imitant le banjo, ainsi que ses accords, ses arpèges, ses glissandos et ses inflexions à l’inspiration du jazz, ajoutent une touche de mélancolie, tandis que le final en mode d’un véritable Perpetuum mobile a culminé dans une montée énergique et émotionnelle extraordinairement maîtrisée. Le violon et le piano se lancent dans une course effrénée, l’un et l’autre se répondant avec une précision incroyable. Quelle frénésie, quelle exubérance ! 

La soirée se termine de manière magistrale avec la Sonate pour violon et piano n° 1 Sz.75 de Béla Bartók. Dès les premières mesures, chaque note, d’une grande intensité, est rendue « visuelle » par le mouvement harmonieux de leurs corps, qui épousait parfaitement les courbes musicales — ce qui était également le cas dans les deux autres sonates. Ce ballet visuel et auditif invite la salle à une immersion dans l’univers du compositeur qui exige un autre type d’écoute que Brahms et Ravel. L’Adagio, bien que plus pensif, ce mouvement laisse percevoir une énergie latente, prête à se libérer pour le final. L’Allegro conclusif brille par une virtuosité et une puissance époustouflantes, c’est une véritable course infernale. Toutefois, ce n’est pas vers l’abîme que cette frénésie nous mène, mais à une catharsis qui célèbre les chants et la danse des gens ordinaires. Sublimées par l’écriture savante de Bartók, ces musiques trouvaient ici une résonance particulière. Si la musique est un art de transmission par l’air, par les ondes, l’assistance a ressenti ces ondes, vibrant avec la vigueur et l’authenticité des gens simples. 

En bis, une Berceuse de Fauré. La fièvre de Bartók est toujours présente dans un rythme balançant à un tempo assez allant. C’était une berceuse pleine de vie qui, au lieu d’endormir un enfant, aurait réveillé sa curiosité musicale. 

Auparavant, un spectacle « ¡ Bien Parado ! » par Ensemble Faenza a ravi le public. Marco Horvat, directeur artistique de l’Ensemble, porte sur scène l’histoire du maître de danse espagnol Francisco Bolero qui a donné son nom à un type de séguedille de son invention, dans un Paris artistique du début du XIXe siècle. Le spectacle, qui peut être facilement vu en famille, mêle chant, danse, musique et lecture. Le scénario, quelque peu fantaisiste car il introduit des séquences radio, puise cependant dans des articles de l’époque des faits historiques et est surtout illustré par des musiques de l’époque : de Fernando Sor et de Manuel Garcia, mais aussi de compositeurs moins connus comme Narciso Paz, Ferdinando Carucci, Antonio Albanese… Autour de Théophile Gautier (Marco Horvat) comme narrateur, le salon de Mme Dolores Serral, danseuse espagnole (Olga Patarch) connaît une effervescence artistique avec Borelo (Jaime Puente), Sor (Francisco Mañalich), Hélène, fille de Dolores (Clélia Horvat) et Matteo Carcassi, guitariste italien (Massimo Moscardo). Les musiciens sont tous polyvalents, mais nous étions agréablement surpris par Francisco Mañalich et Clélia Horvat qui mènent le chant et leurs instruments (viole et violoncelle) avec précision et assurance. Clélia Horvat, notamment, serait une excellente mozartienne (et interprète d’autres compositeurs) ; nous sommes hâtes de la réentendre sur des scènes d’opéra et d’autres salles de concert plus conséquentes. 

La veille au soir, le groupe de musique traditionnelle poitevine Ciac Boum propose des chants de paysans arrangés au goût du jour, transformant la scène (ouverte sur la cour) en piste de danse pour certains numéros de chant. Une ambiance festive qui a égayé les spectateurs et la soirée continuait autour de la buvette-guinguette. 

Festival du Haut Limousin, les 1er et 2 août 2024.

Crédits photographiques : Victoria Okada et Daniel Liburski

Victoria Okada

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