Portrait de compositrice : Mélanie-Hélène Bonis dite Mel Bonis (III)

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Pour ce dernier épisode de notre dossier sur Mel Bonis, par la plume d'Anne-Marie Polomé, Crescendo-Magazine parle de la redécouverte de cette musicienne

Voici ce que Mélanie écrit dans son testament à propos de son œuvre :

Peu après la seconde guerre mondiale, Pierre Domange, fils aîné de Mélanie, a obtenu la rétrocession des droits sur sa musique de la part de presque tous ses éditeurs. Il leur a racheté les stocks de partitions invendues, a établi un catalogue et a fait inscrire tous les inédits à la SACEM (Société des Auteurs, Compositeurs et Éditeurs de Musique, gérant les droits d’auteurs). 

Comme l’écrit une des arrière-petites-filles de Mélanie, la pianiste Christine Géliot « dans ma jeunesse, j’ai juste entendu dire que mon arrière-grand-mère était compositeur, que sa musique n’intéressait plus personne, qu’elle était démodée ».

Quelles sont les circonstances qui ont permis la résurrection de l’œuvre prodigieuse de Mel-Bonis, la création, au XXe siècle, d’Ensembles Mel Bonis, en Allemagne et en France et l’apparition de sites Internet proposant partitions et enregistrements ?

Rappelons qu’essayant de faire interpréter certaines œuvres de sa mère, Jeanne reçut, en 1967, la réponse suivante de l’organiste et critique musical Bernard Gavoty (1908-1981) : 

« …J’ai eu tout le temps de lire soigneusement la musique que vous m’avez confiée. Je la trouve en vérité excellente. Mais puisque vous m’avez demandé d’être tout à fait sincère, je suis obligé de vous dire que je vois mal, compte tenu du désastreux “progrès’’ intervenu dans les arts en général et dans la musique en particulier, le moyen dont vous pourriez disposer pour remettre en lumière cette musique fort agréable, souvent émouvante, mais que nos jeunes Turcs trouveront assurément “dépassée’’ !... ».

En fait, tout semble démarrer d’Allemagne. Un médecin, musicologue et violoncelliste allemand, Eberhard Mayer (1935-2005) découvre, dans les années 90, dans un manuel de 1937 Handbuch für Klavierquartettspieler écrit par Wilhelm Haltmann, directeur du département de musique de la Bibliothèque nationale de Prusse, que « Mel-Bonis compte parmi les dames qui composent et qui ont quelque chose à dire, et même quelque chose de remarquable. C’est ce que montre, entre autres, son quatuor pour piano publié en 1905 : il est bien construit et on peut le recommander aussi bien aux concertistes qu’aux musiciens amateurs… A l’écoute du dernier mouvement, il ne viendrait jamais à l’idée qu’il a été composé par une femme - un compliment qu’il faut toutefois adresser aux mouvements précédents aussi ».

Soutenu par son épouse Ingrid, professeur de français, Eberhard Mayer, tenace et passionné, met tout en œuvre pour trouver des partitions et faire connaître Mel-Bonis et sa musique. Son enthousiasme se décuple quand il trouve la Sonate pour flûte traversière dédiée à Louis Fleury, la Sonate pour violoncelle et le Quatuor avec piano n°1. Il intègre les deux sonates dans les programmes de concerts du quatuor qu’il a fondé. Les œuvres présentées enchantèrent aussi bien le public que la critique. Par la suite, il fonde, en Allemagne, l’ "Ensemble Mel Bonis".

Sa recherche continue et il entre en contact avec Yvette Domange, fille d’Edouard, le plus jeune fils de Mélanie, dépositaire responsable de tous les documents relatifs à sa grand-mère dont un catalogue manuscrit de ses œuvres et un grand nombre de partitions manuscrites ou imprimées.

Par la suite, il engage des relations très fructueuses avec Christine Géliot qui se lance dans l’aventure, conquise par la musique de son aïeule, lors d’un concert privé organisé à Paris le 31 mai 1997 par l’ensemble allemand « Gandeo-Ensemble de Leverkusen » dont Eberhard Mayer faisait partie. Le programme avait pour titre « Mel Bonis (Madame Albert Domange) Compositeur de musique 1858-1937 ». Dans l’introduction du concert, Madame Ingrid Mayer déclare : Nous nous sommes décidés à faire revivre cette musique merveilleuse pour deux raisons : le plaisir sans mélange que nous prenons à la jouer et à la faire entendre – et le désir de réparer ce que nous ressentons comme une injustice incroyable de l’histoire de la musique envers cette compositrice exceptionnelle.

Famille et amis sont restés stupéfaits en entendant cette musique superbe.

D’autres concerts seront programmés dont un en Allemagne au Château de Morsbroich à Leverkusen, le 7 juin 1998, qui rassembla des musiciens allemands et français. Yvette Domange et Christine Géliot y interprétèrent Les Gitanos au piano. 

En 2000 est créée l’Association Mel Bonis qui assure la promotion et la gestion de l’œuvre de Mélanie, et aide au financement d’éditions et d’enregistrement de sa musique.

Depuis 2004, la maison d’édition allemande Furore réédite de nombreuses œuvres de Mel Bonis en les regroupant par thème. ( https://www.mel-bonis.com/FR/Catalogue/ )

Des ouvrages nous révèlent cette grande artiste dont : 

- MEL BONIS Femme et « compositeur » (1858-1937) par Christine Géliot (2e édition), Editeur : L’Harmattan Univers musical Paris 2009. 

- Mel Bonis (1858-1937) Parcours d’une compositrice de la Belle époque, ouvrage collectif sous la direction d’Etienne Jardin, ACTES SUD/PALAZZETTO BRU ZANE, 2020. 

Y ont collaboré : Guillaume Avocat, Hélène Cao, Sylvie Douche, Mylène Dubiau, Marie Duchêne-Thégarid, Jean-Emmanuel Filet, Christine Géliot, Florence Launay, Ingrid Mayer, François de Médicis, Xavier-Romaric Saumon. Le catalogue détaillé des partitions de Mel Bonis y est présenté par Christine Géliot. 

- Un ouvrage allemand de Dorothea Schenck, au titre franco-allemand : « Très douée, bonne musicienne ». Die französische Komponistin Mel Bonis (1858-1937) » est publié par Freia Hoffmann en 2005 (Sophie Drinker Institut). 

On la trouve dans « The New Grove Dictionary of Women Composers » éditeur Macmillan,  1994 et dans « International Encyclopedia of Women Composers » d’Aaron I. Cohen, édité à New York par Books & Music (USA) en 1987.

Des articles récents sur Internet prouvent que Mel Bonis commence à être connue en Belgique par Sophie de Tillesse), aux Pays-Bas (par Charlotte Hansson),   en Italie…

Sarcelles, commune du Val d’Oise où vécut longtemps Mel Bonis, l’honore de multiples façons. 

- Depuis le 30 juin 2008, l’Espace Musique de la Bibliothèque intercommunale Anna Langfus de Sarcelles porte officiellement le nom de Mel Bonis. 

- Pierre Deville, directeur du conservatoire et chef de L’Orchestre Symphonique de la ville, est habité par ses missions, l'une d'elles étant de faire connaître Mel Bonis : « C'est une compositrice de talent qui a vécu à Sarcelles, c'est un pan de l'histoire de la ville et de la femme. Le fait qu'elle soit méconnue donne un intérêt à jouer ses œuvres ».

- En 2011, au théâtre de verdure qui porte le nom Mel Bonis, son buste en bronze a été dévoilé par ses descendants.

En 2016, à Villecresnes, commune du Val-de-Marne, les élèves ont choisi, parmi d’autres propositions, le nom de leur école devenu le groupe scolaire « Mélanie Bonis ». Il a été inauguré en présence d’Huguette Domange, sa petite-fille, et de la fille d’Huguette, Christine Géliot, Fondatrice et Présidente de l’Association Mel Bonis, créée en 2000.

Anne-Marie Polomé

https://www.crescendo-magazine.be/portrait-de-compositrice-melanie-helene-bonis-dite-mel-bonis-i/

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