Premières gravures mondiales de partition orchestrales de Paul Wranitzky

par

Paul Wranitzky (1756-1808). Œuvres orchestrales, volume I : Dir Poststation : Ouverture. Symphonie en do majeur op. 19 « à l’occasion de l’accession de Franz II au trône d’Empereur germanique ». Symphonie en si bémol majeur op. 33 n° 1. Das Fest der Lazzaroni : Ouverture et Sérénade. Orchestre de chambre de la Philharmonie de Pardubice, direction Marek Štilec. 2019. Notice en anglais. 68.51. Naxos 8.574227.

Nés en Bohême, les frères Paul et Anton Wranitzky ont tous deux été les élèves de Haydn à Vienne. Le cadet, Anton, né cinq ans après Paul, sera violoniste, pédagogue et compositeur prolixe ; il deviendra directeur de l’orchestre du Théâtre de la Cour et de celui du Theater an der Wien. Au disque, il a moins de chance que son frère Paul qui nous occupe ici, dont des partitions ont été gravées par plusieurs labels, notamment par Chandos. Naxos entame ici une série, dont l’inaugurale est réservée à des premières discographiques mondiales. Paul Wranitzky, né dans un village, y reçoit des rudiments musicaux avant de poursuivre ses études à Jihlava et à Olomouc, puis à Vienne dès 1776, où il étudie à l’université et prend la direction de l’orchestre du séminaire de théologie. Il prend des cours auprès de Joseph Martin Kraus et de Haydn. Devenu membre d’une Loge maçonnique, il écrit pour elle des mélodies et des symphonies. La notice précise qu’un concert des frères de la Loge a réuni des compositions de Mozart aux siennes en 1785. Wranitzky, que son frère Anton a rejoint, devient directeur musical de plusieurs orchestres dont celui des théâtres de la Cour. Il obtient un beau succès avec son opéra Obéron, roi des Elfes en 1789. Il composera d’autres œuvres pour la scène, des ballets, de la musique instrumentale et de chambre, des pages vocales, des concertos pour divers instruments et plus de cinquante symphonies. Cette production, contemporaine de celle de Mozart -né la même année- n’a toutefois pris son envol qu’au début des années 1780. Le présent CD se fait l’écho de pages écrites dans la décennie 1790. 

Nous adoptons dans cette présentation l’ordre chronologique de composition des œuvres, qui n’est pas celui du disque. En 1792, l’Empereur Léopold II décède subitement après un bref règne de dix-sept mois. Son successeur au trône, Franz II, n’a que 24 ans (portrait en pied sur la pochette). Pour célébrer l’évènement, Wranitzky écrit une « grande symphonie » d’hommage qui fait un large usage des trompettes et des timbales. La symphonie s’ouvre par un Andante maestoso à la solennité mesurée qui ouvre la porte à une série de figures festives que l’orchestre développe dans la fraîcheur d’un Allegro vivace. Un thème lyrique donné par les cordes puis animé par les bois traverse l’Andante con moto avant que le Menuetto : Allegretto n’accentue les contrastes, avec un beau solo de hautbois. Le Presto final conclut cette célébration par des échanges thématiques colorés entre les divers instruments et par des fanfares en l’honneur du nouveau souverain. L’esprit de Haydn règne sur cette partition plus ciselée qu’originale et à la relative inspiration. En 1794, la première de l’opéra de Wranitzky Das Fest der Lazzaroni, histoire d’amours contrariées napolitaines, est donnée à Vienne le 4 février. L’ouverture dépeint un orage dans la baie et la lutte d’un bateau contre la fureur des vagues. Des piccolos décrivent les effets du vent et un tambour ceux du tonnerre. Wranitzky introduit des dissonances et des alternances de tension expressive de bon aloi. Du même opéra, on entend encore la Sérénade de l’acte II, au cours de laquelle on découvre un solo de violon introduisant l’intervention des vents et l’utilisation d’un air populaire. 

Cette même année 1794, le 17 juin, l’opéra Die Poststation, dont l’action se déroule dans une auberge où plusieurs couples vont passer une nuit d’intrigues et de complications sentimentales, est créé à Francfort-sur-le-Main.  L’ouverture enjouée est un ensemble de jolis moments contrastés. La Symphonie op. 33 n° 1 complète le programme. Datée de 1798, elle est la première d’une trilogie et marque la maturité du style de Wranitzky, alors très apprécié pour ses qualités de chef d’orchestre. Le compositeur y traite les vents à la manière d’une harmonie. Contrairement à son habitude, l’Allegro molto initial ne débute pas sur un thème lent, Wranitzky se lançant tout de suite dans un unisson orchestral dont les rythmes vont s’accentuer, assurant un bel élan vital à tout le mouvement. Le dialogue entre cordes et bois s’installe dans l’Adagio, avec un effet d’écho produit par les cors ; le même climat pastoral traverse l’Allegretto. Quant au Final Allegro vivace, il évoque lui aussi l’atmosphère haydnienne, avec un très convaincant climat dramatiquement nuancé qui se conclut par une coda des plus joyeuses. C’est assurément la partition la plus attrayante de ce CD.

L’Orchestre de Chambre de Pardubice, un habitué du catalogue Naxos, joue tout cela avec un métier certain et une conviction respectable, mais il dynamise insuffisamment certaines pages qui demanderaient un geste plus ambitieux, en particulier dans la Symphonie du Couronnement de Franz II, ici peu festive. Le chef Marek Štilek dirige tout cela avec une empathie relative, à l’exception de la Symphonie Op. 33 n° 1 qui lui va comme un gant et dont il souligne les subtilités avec beaucoup d’à-propos. Ce qui nous vaut en fin de compte un disque inégal… en attendant le deuxième numéro de la série annoncée.

Son : 9    Notice : 9    Répertoire : 8    Interprétation : 7,5

Jean Lacroix

 

Vos commentaires

Vous devriez utiliser le HTML:
<a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.