Wranitzky et Meyerbeer, rare musique de scène avec l’Orchestre de Chambre de Pardubice

par

Paul Wranitzky (1756-1808) : Das Waldmädchen. Pastorale et Allemande. Orchestre philharmonique de chambre de Pardubice, Marek Štilec. Juillet 2020. Livret en anglais. TT 72’53. Naxos 8.574290

Giacomo Meyerbeer (1791-1864) : Der Fisher und das Milchmädchen, oder Viel Lärm um einen Kuss. Der Admiral, oder Der verlorene Prozess –Ouverture [coll. avec Abbé Georg Joseph Vogler]. Das Brandenburger Tor –introduction. Wirt und Gast, oder Aus Scherz Ernst (extraits). Romilda e Costanza –Ouverture. Orchestre philharmonique de chambre de Pardubice, Dario Salvi. Août 2021. Livret en anglais. TT 75’33. Naxos 8.574316

Déjà le quatrième volume que cette série consacre à l’œuvre orchestral de Paul Wranitzky. Dans nos colonnes d’avril 2021, Jean Lacroix avait commenté la parution inaugurale : nous vous renvoyons à ses lignes pour une présentation du compositeur morave, qui s’installa à Vienne en 1776. Beethoven l’exigea pour diriger sa première symphonie, et lui dédia un panel de Variations pour piano (WoO71) sur La Fille des bois, ballet-pantomime créé au Théâtre de Carinthie en 1796 et qui connut alors son heure de gloire, affichant plus de cent-trente représentations. D’autres suivirent dans les décennies consécutives, parfois en grande pompe avec parade équestre.

L’argument ? Une sauvageonne trouvée dans une grotte à l’occasion d’une partie de chasse à l’ours menée par deux aristocrates beaux-frères. La jeune fille, grandie dans la forêt, est amenée à la Cour qu’elle enchante et dont elle veut apprendre les manières. Lors d’un bal, un médaillon qu’elle porte depuis l’enfance nous révèle qu’elle n’est autre qu’une princesse tôt capturée et recluse dans la forêt. Rien ne s’oppose à son union avec le bien-nommé Prince Lovinsky.

Musicalement, l’Acte le plus intéressant est le troisième qui enchaine de ravissantes danses et tableaux de caractères (Cosacca, Groteschi, La Russe, Polonoise…) dont l’Orchestre Philharmonique de Chambre de Pardubice fait son miel. Couleurs nacrées, articulation subtile, direction sans lourdeur ni raideur. La délicatesse de l’interprétation marque davantage que l’élan dramatique, toutefois au fil des réécoutes, le charme agit. Pour qui butine le répertoire classique, la découverte (il s’agit du tout premier enregistrement de l’œuvre) justifie le réel intérêt de ce disque, complété par une plaisante et rustique Pastorale à l’intention de l’Impératrice Marie-Thérèse.

Entre autres activités liées à la musique dite légère, Dario Salvi s’emploie à la valorisation des ballets romantiques méconnus, de la musique orchestrale d’Auber (en nos colonnes, Jean Lacroix s’est fait écho de quatre volumes d’Ouvertures, dont les deux premiers avec l’orchestre de Pardubice que nous entendons ici), mais encore à la redécouverte de pages négligées de Meyerbeer. D’autant oubliées que trois des cinq œuvres apparaissant dans ce disque sont annoncées au bénéfice d’un tout premier enregistrement. Elles relèvent des premiers pas dans le répertoire scénique du compositeur du Prophète et des Huguenots, qui avait entre 18 et 25 ans quand il les rédigea. Certaines ne furent pas représentées de son vivant, ainsi la brève introduction pour Das Brandenburger Tor, opéra exhumé pour création à Berlin en septembre 1991.

La pièce principale constitue les débuts chorégraphiques de l’auteur. Titrée en allemand (nous traduisons) « Le Pêcheur et la Laitière, ou beaucoup de bruit pour un baiser » dans le manuscrit conservé à la Staatsbibliothek de Berlin, elle ressortit du divertissement pastoral, autour de la jalousie matrimoniale que suscite un bisou volé. Le scénario détaillé en est perdu, mais la notice de Robert Ignatius Letellier (spécialiste de Meyerbeer) retrace l’essentiel des vingt-et-un tableaux : plus de trois quarts d’heure pour une musique avenante, colorée par flûtes, hautbois, clarinettes et cors, dans une veine déjà expérimentée mais guère imaginative.

On trouve d’ailleurs un soin particulier accordé à la palette instrumentale dans l’Ouverture de Der Admiral, écrite en lien avec l’Abbé Vogler (1749-1814), dont l’emploi d’un strohfidel, un « violon de paille » qui est une sorte de xylophone constitué de lamelles de sapin. Autres accents de couleur locale dans la musique de janissaire pour Wirt und Gast, avec ses percussives turqueries. Le programme est complété par l’Ouverture de Romildo e Costanza, premier des six opéras d’inspiration italienne de Meyerbeer, dont la notice détaille les influences rossiniennes. Pour l’ensemble de l’album, le maestro italo-écossais s’acquitte avec probité mais la prestation soutire-t-elle à la troupe tchèque le brio ou la finesse qui éveilleraient un payant intérêt pour ces pages de jeunesse ?

Christophe Steyne

Wranitzky = Son : 8,5 – Livret : 8 – Répertoire : 7,5 – Interprétation : 8,5

Meyerbeer = Son : 8 – Livret : 9 – Répertoire : 6,5 – Interprétation : 6,5

 

 

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