Quelle grande artiste qu’Ewa Podles !

par

Ewa Podles & Garrick Ohlsson  
Live at the Fryderik Chopin University of Music in Warsaw
CD  Ewa Podles live with Poznan Philharmonic Orchestra

Serge Prokofiev : Quatre Pièces pour piano op.4 / Modeste Moussorgsky : Chants et Danses de la Mort / Les Enfantines / Serge Rachmaninov : Deux Préludes pour piano : op.3 n.2 en ut dièse mineur et op.23 n.5 en sol mineur + Deux mélodies : op.14 n.9 « Elle est aussi belle que le jour » et op.26 n.15 « Toutes choses passent » (enregistrement réalisé le 4 décembre 2011).
2014 – 1 DVD – 65’00 –DVD 5 – 16/9 – Stereo Dolby Digital 2.0 – version originale russe – sous-titres en polonais et en anglais – DVD DUX 9883

Podles CDChristoph Willibald von Gluck : Iphigénie en Aulide, ouverture / Orphée et Eurydice, récitatif « Malheureux, qu’ai-je fait » et air « J’ai perdu mon Eurydice »
Gioacchino Rossini : Aureliano in Palmira, ouverture /Ciro in Babilonia, aria « Ciro infelice ! » / L’Italiana in Algeri,  aria « Cruda sorte »
Gaetano Donizetti : Lucrezia Borgia, brindisi « Il segreto per esser felici »
Serge Prokofiev :  Alexandre Nevsky, Le champ des morts
Amilcare Ponchielli : La Gioconda, arioso de la Cieca « Voce di donna o d’angelo »
Pietro Mascagni : Cavalleria rusticana, Intermezzo
Giuseppe Verdi : Il Trovatore,  scena d’Azucena « Stride la vampa »
Jules Massenet : Cendrillon, tirade de Madame de la Haltière « Quand on a vingt quartiers de noblesse »
Ewa Podles /Orchestre Philharmonique de Poznan / Lukasz Borowicz (concert du 6 juin 2014)
2014 – 59’33 – Texte de présentation en polonais et en anglais-DUX 1134

Ewa Podles est assurément l’un des contralti les plus authentiques de notre époque. Même si elle n’apparaît que sporadiquement à l’affiche des premières scènes lyriques mondiales, elle poursuit infatigablement sa carrière sans se plier aux normes du ‘star system’. Et c’est sa patrie, la Pologne, et la firme nationale Dux qui lui rendent hommage par ces deux publications.
Le DVD propose le récital donné à l’Université de Varsovie le 4 décembre 2011 avec le concours du pianiste Garrick Ohlsson. Sont présentés les deux grands cycles mélodiques de Moussorgsky, les ‘Chants et Danses de la Mort’ et les ‘Enfantines’. Dans le premier, la chanteuse est l’expression même du tragique par l’intelligence du phrasé qui lui permet de changer radicalement de coloris lorsque la Mort formule ses sentences péremptoires : à cet égard, ‘Trepak’, frémissant comme une danse macabre, est saisissant sur l’accompagnement du clavier  qui épie la moindre de ses inflexions en se l’accaparant aussitôt. Dans les ‘Enfantines’, tout aussi impressionnante, la théâtralité caractérisant l’apparente sérénité de la naniouchka et la naïveté souvent feinte du garnement, notamment dans la « Prière du soir » et l’incroyable « Sur le dada ». Avant chaque volet, Garrick Ohlsson joue dans une sonorité magnifique les Quatre Pièces op.4 de Prokofiev et les deux préludes les plus célèbres de Rachmaninov, l’opus 3 n.2 en ut dièse mineur et l’op.23 n.5 en sol mineur. Et c’est au même Rachmaninov que tous deux souscrivent pour les bis, « Elle est aussi belle que le jour » op.14 n.9 et « Toutes choses passent » op.26 n.15.

Le CD est l’écho d’un concert donné à l’Auditorium Adam Mickiewicz de Poznan  le 6 juin 2014 avec l’Orchestre Philharmonique de Poznan dirigé par Lukas Borowicz. Entrecoupé de trois pages symphoniques (l’ouverture d’ ‘Iphigénie en Aulide’, celle d’ ‘Aureliano in Palmira’ et l’Intermezzo de ‘Cavalleria rusticana’), le programme, extrêmement lourd, confronte l’artiste  aux répertoires italien, français et russe. La page éblouissante en est la longue ‘scena ed aria’ « Ciro infelice ! » au premier acte de ‘Ciro in Babilonia’ ; car la voix négocie tant la tessiture large du contralto rossinien que la coloratura torrentielle qui lui avait valu d’interminables ovations aux festivals de Caramoor et de Pesaro durant l’été 2012. Par contre, le « Cruda sorte » de ‘L’Italiana’ ne cultive que l’affirmation intrépide d’Isabella sans parvenir à nous faire sourire, défaut que l’on peut imputer aussi au brindisi d’Orsini, trop matronalement pesant pour être brillant. Confondants, en revanche, le « Stride la vampa » d’Azucena et le « Voce di donna ou d’angelo » de la Cieca, nous rappelant sa stupéfiante incarnation d’octobre 2005 au Liceu de Barcelone. En français, elle présente le récitatif et le célèbre « J’ai perdu mon Eurydice » sans véritablement toucher la corde sensible, à l’inverse de la tirade de Madame de la Haltière, toute de vanité et de mépris, qui fut grandement applaudie à l’Opéra-Comique et à Covent Garden. Et quels accents de désespoir insoutenable imprègnent un Champ des morts d’ ‘Alexandre Nevsky’ à vous glacer le sang !
Paul-André Demierre

Son  8   Livret  2  Répertoire  9  Interprétation  8

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