Récital de mélodies de Saint-Saëns

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Au salon de la Troisième République
Ecrin dans un écrin, l’hôtel Dosne-Thiers orne la jolie petite place Saint-Georges, dans le neuvième arrondissement de Paris. Ravissante bâtisse, résidence de la belle-famille d’Adolphe Thiers, premier président de la 3e république, il a été démoli en 1871, puis reconstruit deux ans plus tard et donné à l’Institut de France en 1905. Les divers fonds conservés attirent de nombreux chercheurs tandis que ses cinq superbes salons de réception aux décors lambrissés accueillent conférences, séminaires ou concerts. C’est à l’un de ceux-ci que j’ai eu le plaisir d’assister. La soprano Françoise Masset, accompagnée par la pianiste Françoise Tillard, donnait un récital entièrement consacré à des mélodies de Saint-Saëns dont certaines fort connues comme La Danse macabreRêverie ou Guitares et mandolines. Toutes étaient entrelacées de poésies, d’extraits de correspondances ou d’articles de critique (même Monsieur Croche anti-dilettante fut appelé à la barre), de sorte qu’une atmosphère d’époque se trouvait comme recréée : les quelque soixante auditeurs se voyaient transportés dans un 19e siècle rêvé, dans un de ces salons mondains fantasmés par tous les passionnés de ce temps faste de la musique française. La première partie incluait entre autres quelques une des “mélodies persanes”, cycle admirable du Maître, et se terminait par l’impressionnante Fiancée du Timbalier sur texte de Victor Hugo. La voix charnue et pulpeuse de Françoise Masset, tout autant que son sens dramatique ont su rendre les variations d’intensité de ce véritable petit drame rehaussé par les accents impérieux du piano Erard 1843 de Françoise Tillard. La seconde partie, très variée, alliait une mélodie de Wagner (anniversaire oblige) à des pièces pour piano, des fragments d’opéra Henry VIII, Ascanio, un motet et même deux scènes du film L’Assassinat du duc de Guise projeté sur écran. Le concert se termina sur une mélodie peu connue, La Sérénité, ourlée de splendides arpèges, puis par la charmante fable de La Fontaine La Cigale et la Fourmi. Très applaudies, les deux interprètes donnèrent en bis un petit extrait parlé de La Crampe de l’écrivain, oeuvre littéraire de Saint-Saëns. La musique inspirée d’un maître de la mélodie française, le cadre ravissant et l’écoute passionnée d’un public très attentif ont donné à cette soirée un éclat unique et rare.
Bruno Peeters
Fondation Dosne-Thiers, le mercredi 22 mai 2013

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