Recréations versaillaises

par

COUPERIN-LE ROUX — Suites. DUO PODEUR-BASS — Clavecins.  2017-Livret en français. 74'05''.  Maguelone MAG 358.426.

Après leurs trois CD consacrés respectivement à Rameau, Haendel, puis Piazzola et Ginastera, passés maîtres dans l’art de la transcription pour deux clavecins, Mireille Podeur et son complice Orlando Bass, nous offrent une nouvelle pépite. Retour au baroque versaillais avec des pièces opportunément choisies chez François Couperin et Gaspard Le Roux.

Commençons par ce dernier, musicien énigmatique et magistral, dont l’œuvre a fait l’objet de nombre d’enregistrements depuis Huguette Grémy-Chauliac et Aimée van de Wiele à l’ère du microsillon. C’est à lui que l’on doit la première pièce écrite sur le continent pour deux clavecins, sans doute à vocation pédagogique.  La plupart des œuvres de son recueil de 1705 sont présentées sur une même page en deux versions : pour clavecin seul, en haut, et en trio -deux dessus et basse continue- au-dessous.  Quant à François Couperin, il avait expressément souligné, dans sa préface à l’Apothéose de Lully, l’usage possible de deux clavecins pour exécuter l’ensemble de ses pièces. Aussi, après avoir sélectionné les œuvres qui se prêtaient le mieux à cet exercice, nos interprètes les ont-ils assemblées en trois suites, au sein desquelles quelques pièces de Gaspard Le Roux s’intègrent à celles de François Couperin.

La pertinence de la construction de suites, selon les usages consacrés, est indéniable : du cousu main. Cette réécriture et son architecture traduisent l’intimité des deux interprètes avec cette musique. Ainsi, à la faveur de cette approche, croit-on redécouvrir ces pages dans une nouvelle et bienvenue organisation, ayant troqué leurs habits habituels pour des nouveaux. Trois suites (respectivement en Sol, la et ré) nous sont proposées, originales dans la mesure où elles sont recomposées à partir des Nations (suites 1 & 3), des Concerts royaux (suites 1 & 2), des pièces de Gaspard Le Roux, auxquelles il faut ajouter la magnifique allemande en la qui ouvre le 9e livre de Couperin (composée expressément pour deux clavecins). Cela s’écoute fort agréablement, non sans questionnements. On peine à recenser les anthologies et intégrales de l’œuvre pour clavecin de Couperin, depuis Wanda Landowska jusqu’à nos plus jeunes pousses. S’il est pleinement légitime de transcrire et de jouer ces oeuvres pour deux clavecins, on doit s’interroger sur l’intérêt musical qu’il y a lieu d’en tirer. L’effet de curiosité passé, les pièces de Gaspard Le Roux trouvaient sous les doigts de Christophe Rousset une poésie, une liberté et une légèreté incomparables (sur un Hemsch de 1751). Leur insertion ici ne se justifie que par leur association à celles, réellement transcrites, des Nations et des Concerts royaux de François Couperin.

Les Nations, connues essentiellement à travers les enregistrements des « grands » baroqueux, prennent ici un nouveau visage puisque les deux clavecins ajoutent à leurs parties celles des deux dessus, de la basse d’archet et de la basse chiffrée. Même si les pièces lentes y prennent une dimension singulière (la chaconne finale, tout particulièrement), leur réalisation à deux clavecins atténue le sourire, la grâce, l’insouciance, épaissit le trait, alourdit parfois les phrasés. D’autant que la prise de son surprend -qui restitue remarquablement les timbres, avec juste ce qu’il convient de conserver de la mécanique- très proche de chacune des tables, ample, puissante, parfois trop. A signaler une (petite) faute d’impression : le CD comporte 28 plages mais décale les dernières, en attribuant la plage 18 à chacune de deux pièces successives.

A écouter comme une oeuvre originale, en oubliant les modèles.

Son : 8 - Livret : 9 -  Répertoire : 5 - Interprétation : 7

Yvan Beuvard

 

 

Vos commentaires

Vous devriez utiliser le HTML:
<a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.