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Dimitri CHOSTAKOVITCH
(1906 - 1975)
Élégie, Quatuor no. 11 op. 122 en fa mineur (1966), Quatuor no. 8 op. 110 en do mineur (1960), Quatuor no. 5 op. 92 en Si bémol majeur (1952)
Quatuor Debussy
2016-DDD-70’-Textes de présentation en français et anglais – Evidence EVCD018
Beethoven fit de son cycle de quatuors un des monuments artistiques du 19ème siècle. Chostakovitch, lui, fit de ses 15 quatuors un des chefs-d’œuvre du 20ème siècle. Perçu par certains comme l’autobiographie confessionnelle du compositeur soviétique, ce magnifique cycle de quatuors à cordes a également été interprété comme un regard de cet artiste tourmenté sur des sujets philosophiques et éthiques tels que la mort, l’amour, la guerre… Après une première intégrale des quatuors de Chostakovitch en 6 volumes (Arion), le Quatuor Debussy revisite chacune des trois périodes créatrices de l’œuvre du maitre soviétique.
La première œuvre du disque, l’Élégie (1931), un des premiers essais du compositeur dans l’écriture pour quatuor à cordes, est une transcription de l’Air de Katerina du premier acte de Lady Macbeth, opéra terminé en 1932 qui lui vaudra les foudres des autorités soviétiques pour sa moralité dépravée et son érotisme choquant. Après cette courte pièce profondément mélancolique, mais sans grande envergure, nous retrouvons Chostakovitch, 35 ans plus âgé, dans son 11ème Quatuor, écrit à la mémoire de son ami Vasili Pyotrovich Shirinsky, second violoniste du Quatuor Beethoven. L’œuvre est composée de sept miniatures cryptiques jouées attaca, thématiquement interconnectées. Le Quatuor Debussy excelle dans la traduction du deuil de Chostakovitch : rage (quel poigne dans le 3ème mouvement Recitativo !), incompréhension, déni, et finalement acceptation.
Le légendaire 8ème Quatuor en do mineur, écrit en 1960, était publiquement dédicacé « aux victimes de la guerre et du fascisme », mais les commentaires des proches du compositeur expliquaient qu’il l’aurait véritablement dédié à lui-même. L’interprétation est captivante, mais semble un peu trop engagée, étouffant la musique sous les bonnes intentions du quatuor. Les 2ème et 3ème mouvements, extrêmement féroces, sont ultra-rapides et menés le pied au plancher, provoquant quelques dérapages de précision et de justesse qui ne surprennent guère. Le disque se clôt en beauté avec le 5ème Quatuor op. 92 (1952), œuvre contrastée, à la fois morne et lumineuse, plate et dansante… Chacune des atmosphères est pleinement assumée, résultant en une fabuleuse lecture de cette œuvre.
Pierre Fontenelle, Reporter de l’IMEP