Deux maîtres du trio
Antonin DVORAK
(1841-1904)
Trio pour piano n° 3 en fa mineur op. 65–Trio pour piano n° 4 en mi mineur op. 90
Trio Busch
DDD–2016–76’ 15’’–Texte de présentation en français, anglais et allemand–Alpha Classics 238
Dimitri CHOSTAKOVITCH
(1906-1975)
Trio n° 1 en ut mineur op. 8–Trio n° 2 en min mineur op. 67–Sonate pour piano et alto en ut majeur op. 147
Vladimir ASHKENAZY (piano), Zsolt-Tihamer VISONTAY (violon), Mats LIDSTRÖM (violoncelle), Ada MEINICH (alto)
DDD–2016–71’ 47’’–Texte de présentation en anglais, français et allemand–Decca 478 9382
C’est Joseph Haydn qui a popularisé la forme du trio comprenant un piano, un violon et un violoncelle. Après lui, la plupart des grands compositeurs du XIXe s’y sont attachés, de Beethoven à César Franck en passant, on a trop tendance à l’oublier, par Frédéric Chopin. Pour sa part, Antonin Dvorak en a écrit six, mais seuls quatre d’entre eux nous sont parvenus. Les deux qui sont enregistrés ici sont assez dissemblables. Divisé en quatre mouvements, le Trio n° 3 en fa mineur, de 1883, emprunte beaucoup au langage musical germanique, dont le meilleur représentant, à l’époque, est sans conteste Johannes Brahms. Mais, en même temps, avec ses lignes amples, ses débordements lyriques, sa profonde alacrité et ses inflexions harmonieuses, il illustre à merveille l’art si singulier du compositeur tchèque, qu’on reconnaît dès les premières mesures et dans lequel on recherchait en vain une faille, une faute de goût, un laisser-aller malencontreux. Le Trio n° 4 en mineur, de 1892, se développe, lui, sur six mouvements, qui sont autant de dumkas, c’est-à-dire des danses populaires de l’Europe centrale et de l’Europe de l’Est – danses qu’Antonin Dvorak a transformées, selon ses propres, « en style de musique de chambre ».
L’exécution de ces deux œuvres par le Trio Busch (du nom du violoniste allemand Adolf Busch, un des mentors de Yehudi Menuhin) est à la fois des plus enthousiasmantes et des plus justes. Elle montre en tout cas que la musique d’Antonin Dvorak constitue toujours, ou presque, un chant suave.
Son 8 – Livret 8 – Répertoire 10 – Interprétation 9
Les deux trios pour piano, violon et violoncelle de Dimitri Chostakovitch sont pareillement dissemblables. Écrit en 1923, le Trio n° 1 en ut mineur, en un seul mouvement, baigne dans un climat postromantique, mais un postromantisme qu’on qualifierait volontiers d’enjoué et même de badin, le compositeur pétersbourgeois en étant encore à chercher ses marques musicales. On sait qu’il les trouvera à peine deux ans plus tard avec sa Symphonie n° 1 et qu’à partir de la création de cet opus, en 1926, il ne cessera plus de multiplier des chefs-d’œuvre. Le Trio n° 2 un ut mineur, qui date de 1943, l’année de l’extraordinaire Symphonie n° 8, en fait assurément partie, surtout grâce à son poignant largo, le troisième de ses quatre mouvements, et à son allegretto final plein de sarcasmes et de saillies acerbes. Le programme de ce disque s’achève sur la Sonate pour piano et alto en ut majeur que Dimitri Chostakovitch a composée durant les ultimes semaines de sa vie et que Vladimir Ashkenazy joue avec un doigté déconcertant de naturel, lui qui l’a enregistrée à Suffolk à l’aube de ses quatre-vingts ans, accompagné par la jeune altiste norvégienne Ada Meinich (elle est née à Oslo en 1980). Une belle réussite.
Jean-Baptiste Baronian
Son 8 – Livret 8 – Répertoire 9 – Interprétation 9