Sonates pour piano et violon de Haydn par le duo Papadopoulos

Joseph Haydn (1732-1809) : Intégrale des sonates pour piano et violon. Marie-Claudine et Dimitri Papadopoulos. 2012-2017. Pas de notice. 145.46. Un album de 2 CD Les Belles Écouteuses LBE 20.

Né aux Etats-Unis, à Princeton, en 1985, Dimitri Papadopoulos joue du piano dès l’âge de sept ans et se forme au Conservatoire de Lyon avec le Brésilien Edson Elias et l’Allemand Arnulf von Arnim, élève de Claudio Arrau et de Wilhelm Kempff. Passionné par la science, il obtient, en plus de son diplôme musical, une licence en mathématiques. Lauréat de plusieurs concours internationaux en France, en Italie et en Allemagne, il suit des masterclasses de Dominique Merlet, Alicia de Larrocha, Charles Rosen ou Krystian Zimerman. Professeur au Conservatoire de Genève, il se produit en soliste ou avec orchestre, mais aussi en musique de chambre avec sa sœur Marie-Claudine, née en 1987. Cette dernière a étudié le violon à Strasbourg auprès d’Alexis Galpérine, à Karlsruhe dans la classe d’Ulf Hoelscher, puis à Mannheim chez Roman Nodel, et enfin au Conservatoire National Supérieur de Paris. Titulaire elle aussi de récompenses internationales, elle a fondé l’Académie d’Eté de Trouville-sur-Mer, où elle enseigne. Si son répertoire avec orchestre est impressionnant, elle s’adonne fréquemment à la musique de chambre. Avec son frère Dimitri, elle a enregistré un CD consacré à des pages de Schubert, Dinescu et Gershwin chez Oehms Classics, ainsi qu’un CD de courte durée consacré à des sonates de Haydn, dont on retrouve le contenu ici. Le premier CD comprenait les sonates Hob. XVI 24 à 26 et 43 enregistrées à la Chapelle Madeleine du Conservatoire de Château-Thierry en avril 2012. Cinq ans plus tard, dans le même lieu, Marie-Claudine et Dimitri Papadopoulos ont complété ce panorama haydnien sous forme d’intégrale, en ajoutant les autres sonates pour piano et violon, à savoir les Hob. III 81 et 82, Hob. XV 17, 31, 32 et 38 et Hob. XVI 10.

Les œuvres ici présentées sont des adaptations par Haydn de sonates pour piano seul, de trios et de quatuors à cordes. Ces derniers sont les deux de l’opus 77 (Hob. III 81 et 82), prévu initialement en 1799 pour une série de six et dédiés au Prince Lobkowicz. Mais le travail de Haydn est interrompu par l’écriture des Saisons. Ces partitions célèbres sont d’une belle essence mélodique, avec un élan initial de marche pour le 81, suivi d’un Adagio enchanteur puis d’un Presto enlevé. Le 82 est teinté d’une plus grande expressivité, notamment dans l’Andante central au cours duquel la sensibilité haydnienne se déploie comme un chant mélancolique. Les interprètes ont choisi de débuter chaque CD par l’un de ces arrangements ; l’idée est judicieuse, car la complicité entre le frère et la sœur s’installe d’emblée, le violon Amati de Marie-Claudine Papadopoulos se révélant d’une couleur chaleureuse.

Quatre arrangements de trios suivent. Le Hob. XV 31 en mi bémol mineur semble dater de 1795 mais a été publié à Vienne en 1803. Deux mouvements, lent et vif, le composent. L’Allegro est une partie très virtuose pour le violon, avec des variations séduisantes. Le Hob. XV 32, lui aussi en deux mouvements, a été considéré pendant longtemps comme une sonate authentique pour piano et violon, mais des discussions musicologiques ont surgi à ce sujet, lui attribuant en définitive le statut de trio. Nous renvoyons le mélomane désireux d’approfondir la question à la remarquable biographie de Marc Vignal consacrée à Haydn (Fayard, 1988). L’œuvre est brillante, avec un caractère décontracté que la mélodie pastorale de l’Andante initial souligne avec beaucoup de finesse. Quant au troisième trio, Hob. XV 38, en trois mouvements, œuvre de jeunesse d’une belle énergie qui semble dater d’avant 1760, il comporte un Menuet des plus divertissants. Un dernier trio Hob. XV 17, destiné à la flûte, au violoncelle et au piano, est une composition en deux mouvements qui baignent dans une atmosphère de quiétude. Le duo Papadopoulos se coule avec aisance dans chaque moment de cette intégrale, on sent le frère et la sœur à l’écoute permanente l’un de l’autre. Le piano est souvent mis en évidence, mais Dimitri Papadopoulos veille toujours à laisser le chant violonistique investir son propre langage, tissant ainsi un univers dont la délicatesse et la subtilité sont au premier rang des préoccupations.

Sur le second CD figurent encore cinq arrangements de sonates pour piano, dont l’enregistrement de quatre d’entre eux a été effectué, nous l’avons dit, en 2012 et publié déjà aux Belles Ecouteuses dans un livre-disque au format oblong (LBE 03). A l’époque, une notice signée par le musicologue Hartmut Becker était jointe. Une telle documentation manque dans le présent album qui ne bénéficie d’aucune présentation des œuvres. Becker rappelait que les sonates Hob. XVI 24 à 26 font partie d’un ensemble de six œuvres que l’éditeur viennois Joseph Kurzbock publia en 1771 et qu’elles sont dédicacées au prince Esterhazy, le protecteur de Haydn. Becker souligne la construction, l’art de la mélodie et du contrepoint qui les caractérisent. On y ajoutera le lyrisme intense de l’Adagio de la 24, le caractère improvisé de la 25 et le transfert de la Symphonie n° 47 vers le second mouvement de la 26, un curieux Menuet al rovescio. En 2012, on trouvait aussi l’Hob. XVI 43 qui date de la même période d’écriture et dont les élans dans le Menuet et le Rondo ont des accents préromantiques. Pour l’intégrale, une charmante sonate en forme de divertissement Hob. XVI 15 a été ajoutée.  

Voilà une intégrale plaisante, qui intéressera les amateurs de musique de chambre intimiste et distinguée. Le duo Papadopoulos soigne la forme, la qualité du phrasé, la clarté du discours et aussi l’élégance, avec une qualité de réciprocité que l’on qualifiera en toute logique de « familiale », le propos étant toujours à la mesure de la connivence.

Son : 8  Livret : inexistant  Répertoire : 8  Interprétation : 8

Jean Lacroix