Sublimes chromatismes !

par

0126_JOKERJohann Caspar KERLL (1627 - 1693)
Heinrich Ignaz Franz BIBER (1644 - 1704)
Missa in fletu solatium obsidienis Viennensis (1689)
Vespro della beata vergine
Psalmi de B.M. Virgine (Vesperae longiores ac breviores, 1693)
Delectus sacrarum cantionum op.1 (1669)
CANTUS CÖLLN, CONCERTO PALATINO, dir.: Konrad JUNGHÄNEL
2013- DDD-73'38-Présentation en anglais, français, allemand-Textes en latin, anglais et allemand-Chanté en latin-ACCENT ACC 24286
Quel personnage, ce Johann Kaspar Kerll ( avec un seul «l» Kerl se traduit par «joyeux drille»!). Né (1627) saxon et protestant, instruit par son père organiste (à Adorf) qu'il dépasse très vite, on le retrouve bientôt organiste de la Cour de Vienne, puis catholique à Rome, à Bruxelles, puis de nouveau en Bavière comme Kapellmeister, séjournant à Francfort (pour le couronnement de l'empereur Léopold Ier) et revenant à Munich en 1673. Se brouillant avec tout le monde pour une peccadille, il repart pour Vienne, probablement organiste de la cathédrale Saint-Etienne, revient à Munich, puis Vienne pour revenir mourir en 1693 à Munich. Oui, un sacré phénomène, vif argent et doué comme dix. Si le disque l'a célébré chichement et essentiellement en Allemagne (enregistrements dirigés par Johann Rosenmuller ou Gerd Guglhor notamment), il apparaît dans ce disque, excellemment dirigé par Konrad Junghänel, dans toute son inventivité. Car c'est une musique étonnamment belle et vivante ; pleine d'espoir, de componction et de créativité. On lui rend là un émouvant hommage qui met en valeur son écriture bondissante. Superbe Laudamus te du « Gloria » dans la joie de croire en Dieu; mélismes des voix hommes-femmes qui se répondent ; contrepoints fluides ; superbes chromatismes ascensionnels ou descendants. A genoux dans l'Incarnatus est, il fait exploser le Resurrexit. Et dans l'Hosanna on dirait que les quatre voix s'élancent aux quatre points cardinaux proclamer la joie. Car ce croyant, luthérien devenu catholique, n'a de cesse de rendre grâce à son Sauveur (Superba 1674; Cujus toni, 1687; A tre cori ou encore son Requiem de 1667). Heureuse conversion qui nous vaut des hymnes à la Vierge de toute beauté (Salve Regina, Ave Regina et la Grâce absolue dans l'Exulta corda devota). On enrage de penser que sa dizaine d'opéras serait perdue ! Un disque indispensable d'autant que les Vespres de Biber proposées ici également s'avèrent, elles aussi, remarquables. Mieux servi jusqu'ici -à travers maintes «Sonates» (« du Rosaire » de « Pâques », « de Saint Polycarpe ») et des « Messes », Heinrich Ignaz Franz Biber (né en 1644 à Wartenberg en Bohême et mort à Salzbourg en 1704) considéré comme l'un des précurseur de l' « Ecole viennoise », n'a sans doute pas le « panache », les folles trouvailles de Kerll. Mais ce remarquable musicien, exact contemporain de Marc-Antoine Charpentier, a de quoi nous réjouir et nous éblouir par tout ce qu'il écrit. Dans ses « Vêpres » « della Beata Vergine » il se révèle aussi savant que divers. Comme on a raison de placer, comme cela se faisait au XVIIe siècle, de courtes sonates, de brefs motets à l'intérieur même de la grande prière: ici des pages de Kerll. Magnifiquement interprétée par le Cantus Cölln et présentée par Peter Wollny, une découverte émouvante, régénératrice, enthousiasmante !
Bénédicte Palaux Simonnet

Son 10- Livret 10- Répertoire 10- Interprétation 10

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