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À Bayreuth, des Meistersinger figuratifs et bicéphales

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Ni huées ni vrai triomphe pour la nouvelle production des Maîtres Chanteurs signée par Matthias Davids, alors que Daniele Gatti retrouve la fosse du Festpielhaus.

Une question frémissait sur les lèvres de moult habitués du Festival en ce soir de première, comment succéder au bijou de relecture qu’avait offert Barrie Kosky en 2017 ? La réponse que beaucoup pressentaient fut donc bien d’en prendre le contrepied. Si Matthias Davids compte à son pedigree plusieurs mises en scènes lyriques, le cœur de son expertise demeure toutefois la comédie musicale, genre jusqu’ici peu réputé pour ses multiples niveaux de lectures et son goût de la revisite. Ainsi que le dira l’intéressé lui-même, fournir une analyse de la vie et/ou de l’idéologie wagnérienne ne l’intéresse pas. Seul compte donc pour lui le livret comique écrit par Wagner. Avec un accent mis sur les ambivalences des personnages. Ainsi, guère de folie ici, si ce n’est une entorse notable au livret à la toute fin de l’ultime aria d’Hans Sachs, durant lequel Walther refuse finalement le titre de Meistersinger à l’initiative d’Eva avant de s’enfuir avec elle.

Quelle place donc pour la querelle entre traditionalisme et créativité individuelle ? Le premier tableau en aura certainement effrayé plus d’un avec un Walther von Stolzing en tenue moderne face à une procession intégralement vêtue à la mode calviniste sauce 19ème siècle, tout en nuances de gris. Fort heureusement le manichéisme sera par la suite moins crasse. Ce qui surprendra surtout dans la proposition visuelle de Davids est l’alternance entre des décors à mi-chemin entre l’expressionnisme allemand et les cartoons américains des années 50 -escalier menant à l’église tout en perspective forcée pour la première scène du premier acte, ville de Nuremberg avec ces maisons sens dessus dessous dans le second acte- et les tableau nettement plus figuratifs -intérieurs de l’église dans le reste du premier acte aux allures d’amphithéâtre bavarois, échoppe d’Hans Sachs durant les 4 premières scènes du troisième acte . C’est finalement le kitsch qui l’emporte in fine dans des célébrations de la Saint-Jean au raffinement bien bavarois, avec un double supplément feria basquaise et midsommar suédois ; durant lesquelles une vache gonflable géante, supposée souligner l’absurdité du concept de devoir épouser le vainqueur d’un concours de chant- trône au-dessus du plateau. Notons également une fort bonne utilisation des passages instrumentaux aux fins comiques, notamment lors de l’arrivée de Beckmesser dans l’échoppe d’Hans Sachs.

Mahler à domicile à Amsterdam

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Gustav Mahler (1860-1911) : The Complete Symphonies. The Chief Conductor Edition. Royal Concertgebouw Orchestra, direction : Willem Mengelberg, Eduard van Beinum, Bernard Haitink, Riccardo Chailly, Daniele Gatti. 1939-2016. Livret en anglais, allemand et néerlandais. 15 CD RCO 25003

A Genève, le Beethoven de Daniele Gatti

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Pour une série de trois concerts à Genève et Lugano, l’Orchestre de la Suisse Romande invite à nouveau Daniele Gatti à diriger un programme entièrement consacré à Beethoven. Tout abonné a gardé en mémoire son interprétation de la Symphonie Pastorale d’il y a trois ans. En cette fin mai, son programme comporte en premier lieu le Concerto pour violon et orchestre en ré majeur op.61 qui a pour soliste le violoniste hambourgeois Christian Tetzlaff qui en donne une lecture si particulière.

Dès les premières mesures de l’Introduction fort développée, le chef impose aux bois un ample legato sous lequel il édifie de puissants tutti qu’il contrebalance par un phrasé nuancé dont il irise les conclusions. Par une sonorité quelque peu fibreuse, le violon y répond en privilégiant les demi-teintes qu’il étire jusqu’à l’imperceptible dans un discours qu’il nous force à écouter bouche bée avant de parvenir à une cadenza qu’il veut singulière. Il y sollicite le concours des timbales pour y insuffler une fougue virtuose où les traits à l’arraché contrastent avec les pianissimi les plus délicats qui irradieront la réexposition du deuxième thème. Le Larghetto apparemment serein se voile ici d’une poésie triste dont le violon souligne le caractère désabusé que le Rondò Allegro pulvérisera en une exubérance pimentée par de granitiques doubles cordes.  Devant l’enthousiasme du public, Christian Tetzlaff fait appel à ces mêmes doubles expressives dans l’Andante de la Deuxième Sonate en la mineur BWV 1003 de Bach.

Radio France : Gatti Ma Non Troppo

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Ce soir, c’est « carte blanche » pour Daniele Gatti, la deuxième d’un cycle viennois de trois concerts. Et dans son jeu, le chef a quatre atouts : Mozart, Haydn, Beethoven, et un public prêt à valser.

On attaque avec l’ouverture de Don Giovanni. Force tranquille, presque détaché, le maestro conduit un Orchestre National de France qui s’exécute sans emphase ni débauche. Cela dit, ce Mozart n’eut rien de mollasson : la vélocité des cordes était grisante, la pesanteur comme l’espièglerie de la partition transcrites avec virtuosité. Bref, le ton de la soirée était donné, on pouvait enchaîner.

Haydn, Symphonie n°82 en ut majeur, dite « L’Ours ». Une exécution forte d’une savante nonchalance. Pour donner la réplique à ce chef tout en élégance sobre, un orchestre allègre, armé d’une riche palette de nuances et d’un grand nuancier de phrasés. Les pages défilent : celles, toutes pimpantes et pompeuses, du premier mouvement, les ritournelles fluettes de l’allegretto, la badinerie d’un menuet tout en pointillé, et le vivace, qui eut le mérite de réveiller ceux qui commençaient à s’ennuyer. Les tuilages, les jeux de question-réponse, les homorythmies : tout était soigné.

A Genève, le Beethoven de Daniele Gatti

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Dans son programme de saison, le Service Culturel Migros avait annoncé la venue de Daniele Gatti et l’Orchestra del Maggio Musicale Fiorentino interprétant la Neuvième Symphonie de Bruckner. Mais qui sait pourquoi, pour la série de quatre concerts donnés à Zurich, Berne, Genève et Lucerne, Daniele Gatti est bien présent mais à la tête d’une autre formation, l’Orchestra Mozart de Bologne fondé en 2004 par Claudio Abbado, repris en 2016 par Bernard Haitink puis en 2019 par son chef actuel qui a décidé d’en élargir le répertoire en intégrant des oeuvres méconnues du XIXe siècle et des ouvrages phares du XXe. Néanmoins pour cette tournée, le choix s’est porté sur deux des symphonies de Beethoven.

Dès les premières mesures de la Quatrième en si bémol majeur op.60, Daniele Gatti s’emploie à produire un coloris opaque en sollicitant le pianissimo des cordes graves d’où se dégagent progressivement les bois amenant un Allegro vivace d’une énergie farouche ponctuée par les timbales mais cultivant les contrastes d’éclairage dans un phrasé policé. L’Adagio a ici la fluidité d’un andantino dominé par un ample legato qui laisse affleurer d’infimes nuances des bois afin d’édulcorer les tutti. Le Menuetto tient du scherzo nerveux que tempère le trio par ses brusques ruptures de ton, alors que le Final développe une dynamique rapide grâce à la précision des cordes aboutissant à une coda désarticulant la phrase finale en guise de pirouette. 

Oedipe roi selon Pizzetti et Stravinsky

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Ildebrando Pizzetti (1880-1968) : 3 préludes orchestraux pour le Oedipus Rex de Sophocle ; Igor Stravinsky (1882-1971) : Oedipus Rex, Opéra oratorio en 2 actes. Aj Glueckert, Oedipe ; Ekaterina Semenchuck, Jocaste ;   Alex Esposito, Créon ; Adolfo Corrado, Tirésias ; Luca Bernard, Un pasteur; Sebastian Geyer, le messager ; Massimo Popolizio : narrateur.  Orchestra e Coro del Maggio Musicale Fiorentino, Daniele Gatti. 2022. Livret en anglais. Texte chanté en latin. Traduction en anglais. 75’22. Dynamic CDS 7981. 

A Genève, le succès mérité de Daniele Gatti  

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 En ce début de saison 2022-2023, l’Orchestre de la Suisse Romande invite un chef que l’on entend rarement dans nos contrées, actuellement affiché régulièrement à l’Opéra de Rome et au Mai Musical Florentin. A partir de la saison 2024-2025, il deviendra le directeur musical de la Sächsische Staatskapelle de Dresde. Pour l’avoir entendu diriger Rossini au Festival de Pesaro et Verdi à la Scala de Milan, j’ai eu l’étrange impression que la musique italienne n’était pas son point fort. Mais lors du concert du 5 octobre consacré à Wagner et à Richard Strauss, j’ai découvert un tout autre chef dans son répertoire d’élection. 

Son programme commence par diverses pages symphoniques extraites de Götterdämmerung. Pour suggérer le ‘Lever du jour’, il soutire des graves un brouillard imprécis d’où émerge une phrase ascendante des violoncelles. La clarinette imprègne le discours des cordes d’un flux passionné qui s’enfle jusqu’à la boursouflure, alors que les cuivres dessinent le profil du Siegfried conquérant. Le cor sonne dans le lointain, au moment où il s’embarque pour descendre le Rhin, tandis que s’imbriquent les motifs rappelant les trois naïades privées de l’or maudit, l’anneau du Nibelung et le cercle de feu provoqué par Loge en une fluidité des lignes qui allège le canevas. Par des accords à l’arraché entrecoupés de brèves pauses, est dépeinte la ‘Mort de Siegfried’ qu’enveloppe le murmure presque imperceptible des violons dans l’aigu. La ‘Marche funèbre’ prend ici une dimension abyssale sur ces ponctuations de timbales abasourdies soutenant le choral des cuivres qui proclame les thèmes caractérisant l’intrépide héros. Le chef prend le temps de les détailler, avant que l’évocation ne s’achève sur de longues tenues interrogatives.

Salomé, symphonie avec voix 

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Richard Strauss (1864-1949) : Salomé, Op.54. Lance Ryan, Herodes ; Doris Soffel, Herodias ; Malin Byström, Salomé ; Evgeny Nikitin, Jochanaan ; Peter Sonn, Narraboth. Royal Concertgebouw Orchestra Amsterdam, Daniele Gatti. 2017-livret en allemand, anglais et français/ texte chanté en allemand, traduction en anglais et allemand- 101’15’’. 2 SACD RCO 18001.