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Radieuse Cleopatra à l’Opéra de Paris

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Pour sa mise en scène de Giulio Cesare (2011), Laurent Pelly a placé l’action ... dans les réserves du Musée du Caire. Les caisses, tapis, morceaux de statues, palettes valsent ainsi à côté d’une grille de monte-charge tandis que Jules César triomphe de Pompée et se laisse séduire par Cléopâtre.

Si les éclairages comme les mouvements bien réglés ont conservé leur efficacité et parfois leur poésie, en revanche, l’humour « potache », la dispersion (intrusion de tableaux XIXe et de jeunes marquises) et l’esthétique de bande dessinée amusent sans convaincre. Le morcellement visuel et la profusion de petits éléments pénalisent par ailleurs les spectateurs les plus éloignés. Enfin, ces procédés divertissants mais réducteurs privent le chef-d’œuvre de Haendel de ses proportions tragiques et, par ricochet, de sa vérité humaine.

La « revival director » Laurie Feldman n’a malheureusement remédié à aucun de ces inconvénients.

Pourtant Haendel reste présent et on se laisse surprendre par ces pages, célèbres dès la création en 1724, où la beauté prend littéralement à la gorge -duo de la fin du premier acte (Cornelia et Sesto) Son nata a lagrimar, déploration de Cléopâtre Se pieta di me non senti, ou désarroi de Cesare sortant du naufrage Dall’ondoso periglio en symétrie avec le célèbre Piangero la sorte mia ( III) de Cleopatra qui le précède, pour ne citer qu’eux.

L’intérêt de cette reprise réside, comme souvent, dans le renouvellement de la distribution. Avec une limite de taille : le compositeur adaptait sur mesure la vocalité de l’écriture aux profils de chaque interprète. Il arrive ainsi que l’adéquation du chanteur actuel avec le rôle suscite quelques contorsions peu confortables. Il arrive également de belles découvertes.

Au Covent Garden, une contestable Theodora de Handel

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George Frideric Handel (1685-1759) : Theodora, oratorio en trois actes. Julia Bullock (Theodora), Joyce DiDonato (Irene), Jakub Józef Orliński (Didymus), Ed Lyon (Septimius), Gyula Orendt (Valens), Thando Mjandana (Marcus) ; Chœurs et Orchestre du Royal Opera House, direction Harry Bicket. 2022. Pas de notice ; bref synopsis en anglais. Sous-titres en anglais, en français, en allemand, en japonais et en coréen. 189’00’’. Un DVD Opus Arte OA1368D. Aussi disponible en Blu Ray.

Le miracle d’Ariodante à l’Opéra de Paris

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Les miracles se produisent où on ne les attend pas. L’un survint sur la scène du Théâtre de Poissy, en version concert, le 16 janvier 1997, sous la direction de Marc Minkowski avec Ann Sofie von Otter, dans le rôle-titre (enregistré par le label Archiv). L’autre eut lieu ce soir du 20 avril 2023, au Palais Garnier, à l’occasion d’une première « sans » mise en scène (Robert Carsen) ou, plus exactement, « avec » une mise en scène toute d’instinct et de sensibilité.

Le préavis de grève ayant été annoncé à 17 heures, musiciens et interprètes ne disposent que de quelques heures pour relever le défi. Mieux qu’une réussite : un moment de grâce.

Devant un immense rideau vert, sur le proscenium, les épisodes heureux et désespérés vont ainsi se succéder au fil de la soirée en une rare proximité dramatique et musicale.

Le caractère d’improvisation (très relative) dégage d’emblée quelque chose de vivifiant où le public est partie prenante. D’imperceptibles hésitations donnent du « jeu » aux articulations gestuelles et musicales contribuant à une inhabituelle sensation de liberté.

Le chef Harry Bicket, admirable connaisseur du compositeur, à la tête de l’ English Concert, permet à chacun de trouver tranquillement ses marques. Il dose, avec autant de prudence que de discernement, les enchantements de la partition. Même les Chœurs, un peu intimidés, participent de l’écoute mutuelle.

Si les effectifs de l’orchestre (en nombre et en pupitres) restent en deçà de ceux qu’exige Haendel, le tissus orchestral tout en transparence, à fleur d’émotion, enveloppe, avec autant de tact que de volupté, chaque « conversation en musique ».

Ainsi de l’aria de Polinesso « Spero per voi, si, si, » (I, 9) ou encore de l’échange violon et soprano (Dalinda) « Il primo ardor » (I, 11).

Avec les Sinfonia et les Ballets, l’éloquence atteint des sommets. Ballet des Nymphes, Bergers et Bergères (I) ponctué de Musettes où le babillage des flûtes s’émancipe des nuées de cordes. Le mouvement bondissant, jamais sec, enveloppe la joie des amants qui -comme le livret l’indique dans les didascalies - se « donnent la main ». Union ravissante d’un paysage sonore idyllique et du couple Ariodante, héros « Ninja » d’une beauté androgyne (Emily d’Angelo) et Ginevra fille de roi à la grâce ingénue (Olga Kulchynska).

Harry Bicket, excellence à l’anglaise 

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Le chef d’orchestre anglais Harry Bicket fait l'événement avec la parution d’un nouvel enregistrement de Rodelinda de Haendel. Au pupitre du The English Concert, l’un des plus importants ensembles britanniques, il livre une interprétation magistrale de ce chef d’oeuvre de Haendel. Rencontre avec un artiste qui va toujours de l’avant. 

 Votre nouvel enregistrement avec The English Concert est consacré à Rodelinda de Haendel. Comment situez-vous cet opéra dans l'œuvre complète du compositeur ?

Il fait partie d'une remarquable trilogie d'opéras que Haendel a écrits au cours d'une saison et, surtout, avec des distributions qui se chevauchent. Cela signifie qu'ils jouaient un opéra tout en répétant un autre, ce qui donnait à Haendel le luxe de pouvoir expérimenter et explorer en détail les forces des chanteurs. Rodelinda possède un arc psychologique et émotionnel inhabituel dans les opéras de cette période, et contient des arias ravissantes avec une orchestration extraordinaire, comme Haendel en a rarement retrouvé.

Quels sont les défis interprétatifs et stylistiques à relever pour diriger les opéras de Haendel ?

L'Opera Seria, avec son flot d'arias solo Da Capo, peut sembler peu théâtral aux oreilles modernes, et l'action se déroule à un rythme plus lent que, par exemple, un opéra de Puccini. Cependant, il s'agit de pièces qui explorent les émotions humaines en temps réel plutôt que de les faire avancer rapidement de peur de perdre l'attention du public. Le défi consiste à attirer l'oreille de l'auditeur dans ce monde, à permettre à son imagination d'être stimulée et à reconnaître ses propres sentiments dans les émotions des personnages dépeints. Une grande partie du succès de ces pièces vient aussi de la contribution de l'orchestre, qui doit être un autre membre de la distribution, commentant, propulsant et augmentant la tension du drame.

Ovation pour le Hercules de Haendel

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Harry Bicket

Dans un théâtre des Champs Elysées archi-comble, The English Choir and Concert ont offert au public parisien une représentation admirable en tous points du puissant Oratorio Hercules de Haendel (que le programme s'obstine à écrire «Hercule »...). Oui admirable, et à la dimension même de l’œuvre, trop peu jouée mais qui mérite infiniment mieux que ce demi-sommeil. Car c'est une des plus formidables partitions que nous ait laissé le musicien, après sa grave maladie de 1737.