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La Favorite de Donizetti à Bergame, entre grand spectacle et féminisme

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Gaetano Donizetti : La Favorite, opéra en quatre actes. Annalisa Stroppa (Leonor de Guzman), Javier Camarena (Fernand), Florian Sempey (Alphonse XI), Evgeny Stavinsky (Balthazar), Edoardo Milletti (Don Gaspar), Caterina Di Tonno (Inès), Alessandro Barbaglia (Un seigneur) ; Coro Donizetti Opera et Coro dell’Accademia Teatro alla Scala ; Orchestra Donizetti Opera, direction Riccardo Frizza. 2022. Notice et synopsis en italien et en anglais. Sous-titres italiens, anglais, français, allemands, japonais et coréens. 190’ 00’’. 2 DVD Dynamic 37992. Aussi disponible en un DVD Blu Ray.

Javier Camarena retrouve la « Belle Époque » au Palau de la Mùsica

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Pour un chanteur d’opéra aussi réputé que Javier Camarena, affronter un récital monographique consacré uniquement à un artiste aussi singulier que Tosti, était un pari assez risqué. Connaissant l’engagement émotionnel et la recherche interprétative qu’il accorde habituellement à ses personnages opératiques, on pouvait cependant s’attendre à un résultat plus que satisfaisant. Sous le titre « Sogno », celui d’une des mélodies enregistrées, le ténor mexicain résidant en Espagne vient de consacrer son dernier CD à un compositeur qui a connu autant le succès populaire qu’il n’a été vilipendé par une certaine critique. Car, si pendant plus d’un siècle, la plupart de grands chanteurs ont servi sa musique et exhibé son indiscutable sens de la « vocalità » italienne, on peut néanmoins y constater un penchant marqué pour la sentimentalité. Et une interprétation vulgaire pourrait trop facilement la faire tomber dans un puits gluant d’eau de rose, sucre et miel… Reynaldo Hahn ou même Fauré (qui dédia à Tosti « Le parfum impérissable ») pourraient aussi subir ce sort fatal si l’interprète ne trouve pas la justesse de ton en étirant, d’un côté, la corde de la sentimentalité décadente « fin de siècle » tout en gardant, de l’autre, le sang-froid, le raffinement et l’élégance d’un grand interprète. Le parcours de ce compositeur est singulier : d’origine extrêmement modeste, il naquit à Ortona, dans les Abruzzes (il en recueillera le folklore en suivant la voie des Inzenga ou Pedrell en Espagne, Kodaly et Bartok en Hongrie ou Canteloube en France), étudia à Naples avec ce précurseur du mélodrame italien qui fut Saverio Mercadante, dont le jeune Rossini s’inspira largement, et devint professeur de chant de la princesse Marguerite de Savoie, laquelle, devenue reine, la recommanda à une pléiade de têtes couronnées de Russie, Espagne ou le Royaume Uni (Elisabeth I et Edouard VII) qui visitaient son atelier lyrique londonien pour y former leur voix. Verdi ou Puccini encourageaient aussi à suivre son enseignement du chant. Il devint enfin britannique et fut nommé sir par le roi.

Sans kilts, ruines ou bruyères, Lucia di Lammermoor subjugue toujours Paris

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Cette reprise de la mise en scène d’Andrei Serban pour le chef d’œuvre de Donizetti date de presque trente ans. Elle n’a pas vieilli puisqu’elle n’a pas d’âge. Seuls, costumes, accessoires et articulations des passerelles accusent la fatigue. Les allusions aux séances du Professeur Charcot à la Salpêtrière sur l’hystérie, les chœurs coiffés de hauts-de-forme alignés en rangs d’oignons autour de l’amphithéâtre-citerne restent incongrus mais discrets. Dans l’arène, gymnastes aux agrès, conscrits, échelles croisées, jeux de scènes périlleux sont supposés mettre en évidence la solitude d’une héroïne broyée par l’univers masculin.

C’est oublier un peu vite les motifs de la haine qui oppose les Ashton et les Ravenswood et, surtout, que c’est Lucia qui tient le poignard et qui tue. Déraciner la Fiancée de Lammermoor de son terreau écossais, du contexte de son élaboration (1835), en faire une abstraction hors sol, c’est aussi l’appauvrir et même la gauchir.

Heureusement, la dynamique dramatique voulue par Donizetti opère à plein régime servie par d’excellents interprètes qui font oublier ce morne parti-pris.

Les premières mesures laissent présager un sens dramatique haletant de la part du jeune chef (né en 1988) de l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg, Aziz Shokhakimov. Les interventions des pupitres solistes (cuivres en particulier), l’inertie des masses chorales, l’exigence de mise en place (fameux sextuor, A.II) rendent la suite moins cohérente. Toujours à l’écoute des chanteurs, le chef ousbek leur offre un espace propice au bel canto. S’il n’en est pas tout à fait familier, nul doute que ce surdoué sensible ne s’enrichisse très vite au contact d’artistes tels Javier Camarena et Mattia Olivieri.

 A tout seigneur, tout honneur, le baryton italien fait une entrée fracassante sur la scène parisienne. Beau, fringuant, il habite l’espace scénique et sonore d’un irrésistible magnétisme.

Son art du chant coloré, riche, libre, apporte au personnage d’Enrico, frère de l’héroïne, habituellement brutal, borné et antipathique, une stature inhabituelle. La violence se fait plus humaine et la séduction du couple qu’il forme avec sa sœur Lucia le rend beaucoup plus intéressant.

Phénomène rare, la qualité de l’interprétation jette une lumière nouvelle sur l’œuvre. Ici, elle met en évidence le versant manifestement incestueux de la relation fraternelle.

Face à lui, l’amant maudit, Edgardo, trouve en Javier Camarena  un interprète qui met son art des nuances et la texture chatoyante de sa voix au service du personnage. Son aria di tomba du dernier acte « Tombe degli avi miei » aussi belle que désespérée reçoit une ovation méritée.

Le Requiem de Berlioz par Antonio Pappano 

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Hector Berlioz (1803-1869) : Grande messe des morts, Op.5. Javier Camarena, ténor ; Chœurs de l’Accademia Nazionale di Santa Cecilia, chef des chœurs : Ciro Visco. Orchestre royal du Concertgebouw d’Amsterdam, Antonio Pappano. 2019. Livret en néerlandais, anglais, allemand et français. Texte chanté en latin et traduction : anglais, français et allemand. 83’41’’. RCO 19006. 

Festival de Peralada : un anniversaire au programme resserré

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Le Festival “Castel de Peralada” fondé en 1987 près de Figueras, dans le nord de la Catalogne, a proposé cette année une programmation resserrée et élaborée en tenant compte des contraintes imposées par le Corona. Le programme était étalé sur trois semaines, du 16 juillet au 1 août , principalement sur trois week ends, et le nombre des spectateurs réduit : 700 places à l’Auditorium, un espace de plein air, et 160 personnes à l’Eglesia del Carme au lieu de 300.

Comme chaque année, le programme proposait des spectacles de ballet -cette année le Béjart Ballet Lausanne-, des récitals lyriques avec, entre autres, le ténor Benjamin Bernheim, et des opéras en versions concertantes ou scéniques tel l’Orlando de Hândel avec le contre-ténor Xavier Sabata et Tosca de Puccini avec Sondra Radvanovsky, Jonas Kaufmann et Carlos Alvarez dirigés par Nicola Luisotti, une soirée venue en droite ligne du Teatro Real de Madrid.

J’avais choisi le dernier week end : un récital lyrique par l’éblouissante jeune soprano norvégienne Lise Davidsen, et Aminta et Fillide, une cantate de jeunesse de Händel présentée en théâtre vivant par William Christie et les voix fraîches des Arts Florissants. Pour couronner le Festival, le “Gala lyrique” en célébrait le 35e anniversaire.

Hélas, les circonstances en ont décidé autrement. Lise Davidsen, engagée cet été à Bayreuth pour Tannhäuser et Die Walküre, devait faire un aller-retour Allemagne-Espagne mais en décida finalement autrement : pas de récital à Peralada cet année ! Pas de Händel par les Arts Florissants non plus, du moins pour moi, car l’Eglesia del Carme ne pouvait contenir qu’un public restreint et je n’en fus pas. Dommage.

Des Puritains entre fer et chair

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Tout respire la grâce chez Bellini. Des orbes pures, un legato qui chavire, des modulations moirées…une seule dynamique : celle de la courbe. Pourtant, c’est à travers une carcasse anguleuse pivotant sur tournette que l’on assistera à l’affrontement entre partisans de Cromwell et royalistes Stuarts d’un côté et aux déchirements amoureux entre Elvira et Arturo de l’autre. Ce procédé informatique appelé « rendu fil de fer » en trois dimensions date des années soixante. Il consiste à ne représenter que les seuls vecteurs d’une structure. On pense à des arêtes de poisson ou des squelettes. Or cette modélisation (reprise d’une précédente production) entre en conflit avec le galbe, le charnu, l’émotion de la substance musicale ; pire, elle ne présente -par définition- pas de surface et n’implique donc aucune dimension intérieure. C’est doublement fâcheux : l’expression des sentiments constitue en effet le socle même du belcanto ; le contraste entre le fracas des armes et le chant des déchirements intimes recèle par ailleurs l’un des plus puissants ressort d’I Puritani.  

Festival de Salzbourg, Monteverdi et Bizet, avec et sans mise en scène

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Pour la nouvelle production de LIncoronazione di Poppea (Monteverdi), l’intendant du festival de Salzbourg, Markus Hinterhäuser, a pensé à l’artiste flamand Jan Lauwers qui avait déjà été invité au festival avec sa « Needcompany » et avait été «artiste en résidence » au Burgtheater de Vienne pendant plusieurs années. Jan Lauwers n’avait jamais fait de mise en scène d’opéra et la seule œuvre qui l’intéressait, c’était L’incoronazione di Poppea.

Rossinissimo à Salzbourg

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Rossinissimo, thème du Festival de Pentecôte 2014, le troisième sous la direction artistique de Cecilia Bartoli qui a déjà accepté de renouveler son mandat pour trois ans. Le programme bien garni proposait pendant cinq jours trois représentations d’opéra (deux Cenerentola et Otello), deux récitals de chant (Franco Fagioli et Joyce DiDonato), un récital de piano (David Fray), trois concerts (Stabat Mater, Petite Messe Solennelle, Gala-Rossini), trois représentations de marionnettes (Il Barbiere di Siviglia par le Salzburger Marionettentheater) et un diner de gala «à la Rossini», le tout accompagné d’une exposition (Rossini-mania Wien 1822) et la projection de films d’opéras de Rossini.