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Maurice Ravel lyrique et symphonique chez Breitkopf & Härtel

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Maurice Ravel (1875-1937) : L’Heure espagnole, comédie musicale en un acte, Breitkopf & Härtel, PB 5716.  ISMN: 979-0-004-21653-8

Maurice Ravel (1875-1937) : Daphnis et Chloé, fragments symphoniques 1ère Suite, Breitkopf & Härtel, PB 5651. ISMN: 979-0-004-21548-7 

Maurice Ravel (1875-1937) : Daphnis et Chloé, fragments symphoniques 2e Suite, Breitkopf & Härtel, PB 5651. ISMN: 979-0-004-21549-4  

Nouveautés en Urtext  chez Breitkopf & Härtel 

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La célèbre collection de partitions de l’éditeur Breitkopf & Härtel s’enrichit de quelques belles nouveautés qui méritent l’attention des mélomanes. Comme toujours, il faut saluer le travail éditorial de cette collection déclinée en grand format de concert ou en partition d’études avec des préfaces et des précieux commentaires critiques.  

Maurice Ravel, Daphnis et Chloé (ballet complet), PO Grand format. Breitkopf &  Härtel PB 5660 / ISMN : 979-004-21547-0

Maurice Ravel,  Daphnis et Chloé (ballet complet),  (réduction pour chant et piano),  Breitkopf &  Härtel, EB 9422 / ISMN : 979-0-004-188899-6  

En premier lieu, il faut saluer la nouvelle édition de Daphnis et Chloé de Maurice Ravel par Jean-François Monnard, dans la version intégrale du ballet. Il est peu dire que cette nouvelle édition était attendue tant les fautes dans l’édition originale étaient proverbiales et que les chefs d’orchestres s’échangaient des listes de corrections. Ce travail s’impose donc comme une nouvelle référence pour les ravéliens. La présente partition, au format de concert, est enrichie d’une reproduction d’une page du manuscrit conservé à l’Université du Texas à Austin ainsi que de deux extraits des décors de Léon Bakst pour les représentations du ballet. Notons que Jean-François Monnard propose également une édition de la réduction pour chant et piano, source également des plus intéressantes car cette réduction pour piano et chant est de la main même du compositeur. Pour en savoir plus sur cette édition, nous renvoyons à l'interview que Jean-François Monnard nous a accordée. 

Gustav Mahler, Das Lied von der Erde, Breitkopf & Hartel, PB 5641 / ISMN 979-0-004-21538-8/ 

La collection consacrée aux œuvres de Gustav Mahler, sous la direction de Christian Rudolf Riedel, se complète d’une nouvelle édition révisée du Lied von der Erde. Venant après les symphonies n°1, n°3 et n°4, ce nouvel opus continue de placer la barre au plus haut. Comme toujours avec Mahler, le travail scientifique est impressionnant car même si la création du Lied von der Erde fut posthume, le compositeur, dans un état émotionnel intense, ne cessait de travailler sur la partition, modifiant des aspects instrumentaux sur le manuscrit et sur les modèles envoyés au graveur. Malheureusement, Mahler ne put superviser la gravure et de nombreuses questions sont restées sans réponses, et des choix unilatéraux furent effectués. Dès lors, cette édition se revendique comme la "première édition critique de l'œuvre sur une base scientifique solide des sources"

Toutes les décisions éditoriales sont expliquées dans les indispensables annexes critiques.  Une immense réussite et une superbe partition complétée de quelques reproductions de pages du manuscrit conservé à New York dans les fonds de la prestigieuse Morgan Library & Museum. 

Jean-François Monnard, à propos de Ravel 

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Chef d’orchestre et musicologue, Jean-François Monnard se consacre à l'œuvre de Maurice Ravel. Il est Rédacteur en chef des excellents Cahiers Maurice Ravel, parution annuelle guettée des amoureux du compositeur, mais il a également réalisé des éditions révisées des grandes partitions symphoniques du compositeur pour la prestigieuse maison d'édition Breitkopf & Härtel. Il fait paraître la première édition révisée du ballet Daphnis et Chloé, une travail de fond exceptionnel qui sera une pierre angulaire des bibliothèques des chefs et des orchestres.  

Vous avez consacré plusieurs éditions révisées d'œuvres de Maurice Ravel pour Breitkopf & Härtel. Qu’est-ce qui vous a attiré en particulier chez ce compositeur ? 

L’œuvre avant tout, toujours au même niveau, l’homme aussi avec son indépendance d’esprit et le côté prestidigitateur et illusionniste du compositeur. Cette modernité qui le fait précurseur de notre temps, tout en le laissant contemporain du sien.

Daphnis et Chloé est une œuvre assez unique par ses caractéristiques instrumentales et chorales. Qu’est-ce qui fait la particularité de cette partition dans l’art orchestral de Ravel ? 

Le style narratif de la musique. La partition est un programme à elle seule ; elle accompagne les événements chorégraphiques, les commente, les suggère. Elle abonde en gestes, elle a une charge descriptive.

Stravinsky a écrit son admiration pour Daphnis et Chloé. Des grandes œuvres de Ravel (Rapsodie Espagnole, Daphnis et Chloé) sont contemporaines de celles de Stravinsky (L'oiseau de Feu, Petrouchka et Le Sacre du printemps). Est-ce qu’il y a une influence entre les deux compositeurs au-delà de l’admiration entre eux ? 

Il est clair qu’il se sont influencés mutuellement alors qu’ils séjournaient à Clarens et se voyaient quotidiennement. Ravel s’est inspiré des Trois Poésies de la lyrique japonaise pour son instrumentation des Trois Poèmes de Mallarmé. La question est légitime : le ballet Daphnis aurait-il été ce qu’il est sans L’Oiseau de feu et Petrouchka ? En sens inverse, peut-on imaginer L’Oiseau de feu et Petrouchka sans la Rapsodie espagnole ?

 Vous faîtes paraître cette édition révisée de Daphnis et Chloé, ballet complet. Il s’agit de la première édition révisée de ce chef-d'œuvre. Il est de notoriété que l’édition originale comportait un grand nombre de fautes qui énervent les chefs d’orchestre. Il se dit que Pierre Boulez avait  même une longue liste d' erreurs à corriger. Comment avez-vous travaillé pour remédier à ces problèmes ? 

Le dépistage de fautes est un véritable sport et, comme j’ai été chef d’orchestre dans ma première vie, je l’ai pratiqué. En outre, j’ai eu la chance de profiter de l’expérience de Charles Dutoit qui est un fin connaisseur de Ravel. Les conclusions de Boulez sont parfois surprenantes ; les compositeurs ont tendance à soumettre le texte à leur propre ressenti. Ils ont trop d’individualité pour observer une certaine objectivité. De toute façon, c’est un domaine complexe : aux fausses notes, il faut ajouter les nuances négligemment laissées de côté, les phrasés incorrects, les modes de jeux imprécis (notamment concernant l’emploi de la sourdine). Il y a également des passages qui suscitent des doutes comme les timbales dans la première des Valses nobles et sentimentales, qui ne suivent pas toujours la ligne des contrebasses.