Mots-clé : Marie Lys

A Lausanne, un Così fan tutte en reality show

par

Pour quatre représentations, l’Opéra de Lausanne reprend la production de Così fan tutte que Jean Liermier, l’actuel directeur du Théâtre de Carouge, avait conçue durant l’automne de 2018 en faisant appel à Rudy Sabounghi pour les décors et costumes et à Jean-Philippe Roy pour les lumières. Elaboré comme un reality show de la firme Alfonso Produzione ayant pour titre La Scuola degli Amanti, ce spectacle n’a pas pris la moindre ride avec ce continuel chassé-croisé de cameramen, perchistes, régisseurs-son, script girls qui déplacent les parois coulissantes d’un loft dernier cri à grande baie vitrée donnant sur la Cathédrale La Major de Marseille et ses alentours. 

Follement éprises de leur soupirant, les deux sœurs, Fiordiligi et Dorabella, ne songent qu’à convoler en justes noces, l’une revêtant déjà la traditionnelle robe de mariée avec voile, quand l’autre opte pour un décolleté affriolant sous capeline de soie crème face à Ferrando et Guglielmo, engoncés dans leur uniforme d’officier de marine. En apartés moqueurs, Don Alfonso, le producteur-animateur, se gausse de cet exhibitionnisme tapageur en soudoyant une Despina délurée qui use du tuyau d’aspirateur à des fins grivoises ô combien suggestives. Travestis en loubards à mèches décolorées ou à crinière léonine à la Demis Roussos, les deux fiancés roulent les mécaniques pour tirer des selfies en provoquant l’hilarité du public. Et cet éclat de rire salue l’apparition du pseudo samu de service qui brandit un commutateur phosphorescent pour ranimer les deux éconduits ayant absorbé de l’arsenic à haute dose. Au deuxième acte, les masques tombent, alors que les rouages de la séduction mettent à nu la vanité des serments d’autrefois.

Ces quiproquos en cascades sont continuellement galvanisés par la direction de Diego Fasolis qui sert la partition géniale de Mozart avec une irrépressible énergie qu’il insuffle à un Orchestre de Chambre de Lausanne tout en nuances, tandis que le Chœur de l’Opéra de Lausanne en formation réduite n’intervient que depuis les loges de scène latérales.

Thésée de Lully par Christophe Rousset

par

Jean-Baptiste Lully (1632-1687) : Thésée, tragédie en un prologue et cinq actes. Mathias Vidal (Thésée), Karine Deshayes (Médée), Deborah Cachet (Églé), Philippe Estèphe (Égée), Marie Lys (Cléone, Cérès, une bergère), Bénédicte Tauran (Minerve, la Grande Prêtresse de Minerve, une divinité), Thaïs Raï-Westphal (Dorine, Vénus, une bergère, une divinité), Guilhem Worms (Arcas, Mars, un Plaisir, un Jeu) ; Chœur de chambre de Namur ; Les Talens Lyriques, direction Christophe Rousset. 2023. Notice en anglais et en français. Livret complet avec traduction anglaise. 201’00’’. Un coffret de 3CD Aparté AP325.

Une savoureuse Pastorelle en musique de Telemann par L’Ensemble 1700 

par

Georg Philipp Telemann (1681-1767) : Pastorelle en musique. Lydia Teuscher (Caliste), Marie Lys (Iris), Alois Mühlbacher (Amyntas), Florian Götz (Damon), Virgil Hartinger (Knirfix) ; Vocalconsort Berlin ; Ensemble 1700, direction Dorothee Oberlinger. 2021. Notice en anglais et en allemand. Texte du livret en allemand et en français, avec traduction anglaise. 110.34. Un coffret de deux CD Deutsche Harmonia Mundi 19658701132.

A Lausanne un triomphe pour Alcina ! 

par

En février 2012, l’Opéra de Lausanne avait présenté l’Alcina  de Haendel dans une mise en scène de Marco Santi qui n’avait guère marqué les esprits. Dix ans plus tard, Eric Vigié, son directeur, frappe un grand coup  en confiant une nouvelle production à Stefano Poda qui, à lui seul, assume régie, décors, costumes, lumières et chorégraphie. 

Et c’est justement par le jeu savant des éclairages qu’est créé un vaste jardin, encadré de cyprès effilés à la Fra Angelico, que découvrent les deux naufragés, Bradamante travestie en chevalier Ricciardo et son tuteur, Melisso. Immédiatement confrontés à Morgana, femme âgée portant une robe à panier noire démesurée, tous deux sollicitent une rencontre avec Alcina qui paraît dans une semblable crinoline blanche galonnée d’or. Tout habitant de l’ile, y compris Ruggiero, le fier chevalier, fiancé de Bradamante, revêt jaquette et culotte de cérémonie XVIIIe sur bas de soie. Lorsque descend des cintres une boule mastodonte qui s’entrouvre pour révéler le palais d’Alcina, une seconde jeunesse est donnée par enchantement à chacun de ceux qui y pénètre. Morgana ose s’afficher en body noir pailleté quand la reine, sa sœur, se pare d’un déshabillé vaporeux dans ses appartements de l’étage supérieur où règne la luxure, quitte à se donner du plaisir en usant des ‘loyaux services’ de la valetaille. Tandis que les abords de cet univers clos sont gardés par des panthères noires en céramique glazurée et que les serviteurs promènent des paons blancs empaillés, l’on finit par se rendre compte que ce monde enchanté a emprisonné les habitants en les métamorphosant en animaux et que tout dissident comme Oronte, Bradamante, Melisso et Ruggiero libéré du sortilège, est roulé dans une cage polyédrique. C’est donc lui qui brisera l’urne détentrice des pouvoirs magiques d’Alcina et de l’élixir de jeunesse. Et chacun retrouvera son aspect d’antan…