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Remarquable hommage à Gaston Litaize, par Olivier Vernet sur son orgue monégasque

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Gratitudes. Gaston Litaize (1909-1991) : Messe basse pour tous les temps. Trois Prières. Prière de Monsieur Olier. Lied ; Prière [Douze Pièces pour grand orgue]. Prélude et Danse fuguée. Épiphanie. Reges Tharsis. Sonate à deux. Isabelle Vernet, soprano. Olivier Vernet, Cédric Meckler, orgue de la cathédrale Notre-Dame-Immaculée de Monaco. Orgue de l’église Saint-Étienne-du-Mont de Paris. Avril 2000 & février 2023. Livret en français, anglais. TT 72’57. Ligia Lidi 0104370-23

Olivier Vernet se confie sur son récent enregistrement des « douze pièces » pour orgue de César Franck

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À l’occasion de l’anniversaire César Franck paraissent une série d’enregistrements consacrés à son œuvre d’orgue et dont nos colonnes se feront très prochainement l’écho : parallèlement à un album chez Musique en Wallonie (Joris Verdin, Cindy Castillo, Bart Verheyen), la discographie vient d’être abondée par Michel Bouvard (La Dolce Volta),  Jean-Luc Thellin (BY Classique), et Olivier Vernet (Ligia) sur le prestigieux Cavaillé-Coll de Caen. Après plus de trente ans à pratiquer et approfondir ces douze pièces emblématiques, le titulaire du Grand Orgue de la Cathédrale de Monaco a bien voulu répondre à nos questions.

Après le Cavaillé-Coll de Saint-François-de-Sales pour sa première intégrale des « Douze Pièces » chez Erato, Marie-Claire Alain retint pour sa seconde celui de l’Abbaye aux Hommes de Caen, quelques années avant la rénovation achevée en 1999. En 2002, Susan Landale sélectionna également ce site pour y enregistrer une partie de son intégrale chez Calliope (Grande Pièce Symphonique, Final, Trois Chorals). Le choix d’un orgue est affaire de compromis, selon son esthétique sonore, ses possibilités à la console, son état de conservation… Pour aborder Franck, quels sont les atouts et les contraintes de ce prestigieux Cavaillé-Coll normand ? Y-a-t-il des jeux ou combinaisons qui vous séduisent à cette tribune ? Au-delà de la cohérence, un seul instrument peut-il dominer tous les enjeux fixés par ces pièces ? Laquelle sonne le mieux à Caen ?

Lorsque l’on évoque l’œuvre d’orgue de César Franck, on pense bien sûr à l’orgue Cavaillé-Coll de Sainte-Clotilde à Paris. Un instrument qu’il aimait beaucoup et qui a incontestablement été le vecteur idéal de sa pensée musicale. Ses caractéristiques techniques le rendaient unique avec la composition des claviers de grand-orgue et de positif similaire, complétés d’un récit lointain, mystérieux et intensément expressif. Les témoignages d’époque que nous en avons sont unanimes à dire que c’était un chef-d’œuvre d’équilibre et de poésie. Cet orgue a été profondément remanié au XXe siècle sous l’influence de Charles Tournemire et de Jean Langlais puis par leurs successeurs. Si son esthétique sonore d’aujourd’hui est très modifiée, il n’en reste pas moins l’un des plus beaux instruments de la capitale. Il nous est donc impossible d’affirmer que l’orgue actuel de Sainte-Clotilde est l’orgue idoine pour Franck. Puisqu’il m’a fallu chercher une solution ailleurs, mon choix s’est porté sur le grand Cavaillé-Coll de l’Abbaye aux Hommes de Caen. Je connaissais l’instrument pour y avoir enregistré il y a quelques temps un disque Widor. Marcel Dupré, qui l’a souvent joué, le qualifiait "d’orgue à la Guillaume le Conquérant". L’intérieur de l’Abbatiale est un prodige de l’architecture romane normande et son chœur gothique abrite le tombeau de Guillaume depuis 1087. L’orgue construit en 1885 possède 50 jeux sur trois claviers et un pédalier. La palette sonore est d’une richesse inouïe ;  la profondeur, le raffinement et la poésie des différents registres font de cet orgue un chef-d’œuvre absolu. Tout y est renversant, du petit bourdon solo au tutti éclatant, en passant par les flûtes harmoniques, le grand fond d’orgue, les anches solistes… J’ai joué beaucoup de grands Cavaillé-Coll. Tous sont d’une grande beauté ; je pense en particulier à Saint-Sernin à Toulouse, mais aussi Rouen, Lyon, ou encore les Cavaillé-Coll du pays basque espagnol. Loin de moi l’idée d’un faire un classement, mais je vous assure que les sensations aux claviers de Caen sont inégalables et vous marquent à vie !

Alors, certes, nous sommes loin des particularités de l’orgue de Sainte-Clotilde. C’est un orgue « viril », puissant, avec un récit très présent et dont le maniement de la boite expressive est difficile. Mais la musique de Franck y sonne admirablement bien pour peu qu’on prenne soin de la registrer avec art. Les Trois Chorals sonnent incontestablement d’une manière noble et majestueuse dans toute leur dimension.

On connait la boutade « mieux vaut avoir l’âge de ses artères que l’âge de César Franck ». Les Chorals datent de l’année de sa mort, mais il n’avait pas quarante ans lorsqu’il écrivit la Fantaisie ou la Prière. À supposer que ces opus drainent la réputation d’une musique austère, dogmatique, sempiternelle, quels conseils d’écoute donneriez-vous aux mélomanes qui veulent la découvrir sans préjugé ? Un cheminement privilégié dans ces deux heures et demie, une disposition ou une préparation d’écoute particulières ? Comment sensibiliser l'auditeur à un tel parcours ?

La musique d’orgue de Franck n’a pas grand-chose à voir avec celle de ses contemporains. Mis à part certains aspects du Final qui affiche quelques accents du dédicataire de la pièce, Lefébure-Wély, vous ne trouverez pas d’expression de joie éclatante, d’effets faciles, ou d’expression de virtuosité pure. Autant dans les œuvres de la première période que dans les pièces tardives, Franck s’attache nourrir son langage d’harmonies riches, puissantes ; son discours musical est toujours d’une extrême fluidité, teinté de retenue. Pas de déferlement de notes ou de tutti intempestifs. Techniquement parlant, nous sommes loin des difficultés que l’on trouve dans ses œuvres de piano ou de musique de chambre. Si les mécaniques de Cavaillé-Coll permettent un jeu souple et virtuose que Vierne et Widor requerront dans leurs Symphonies par exemple, Franck ne lance pas de défis techniques aux organistes. Il n’en reste pas moins que bon nombre de ses œuvres demandent concentration, inspiration et endurance, comme la Grande Pièce Symphonique, la Prière ou les Trois Chorals.

Je ne pense pas qu’il faille se lancer dans l’écoute intégrale et d’affilée des 12 pièces pour orgue. Il faut plutôt se promener dans le corpus à son rythme et à sa convenance. Les Trois pièces du Trocadéro sont puissantes et faciles d’accès. Puis les Six pièces en commençant par Prélude, fugue et variation. Les Trois Chorals sont peut-être à écouter en dernier, comme la lecture d’un testament.

Quelle est la place de la maturité interprétative pour jouer cet ensemble ? Vous incluez ces pièces en concert depuis une trentaine d’années. Hormis la célébration du bicentenaire du compositeur, y-a-t-il d’autres facteurs qui vous ont décidé à lui faire enfin rejoindre votre discographie par la grande porte ?

Cette musique m’a demandé beaucoup de temps pour l’assimiler, musicalement parlant. Plus que pour certains répertoires, il faut aller bien au-delà des notes pour restituer la « substantifique moelle » de cette œuvre qui ne se livre pas facilement au premier abord. Je pense en particulier à la Prière que j’ai redoutée très longtemps. La conduite de la pensée musicale dans les Chorals est souvent mise à l’épreuve, et il faut avoir une grande hauteur de vue pour ne pas se perdre dans des détails qui pourraient briser le rythme et l’unité de l’œuvre.

L’âge aidant, je joue effectivement cette musique depuis très longtemps en concert. Bien entendu les Trois Chorals, les Trois pièces du Trocadéro, et plus épisodiquement les Six pièces. Je souhaitais depuis longtemps enregistrer tout ce répertoire que j’aime tant, mais je ne m’étais pas fixé d’échéance. Je me heurtais surtout au choix de l’instrument idéal et n’arrivais pas à me décider : Toulouse, Rouen, Bécon, Epernay, ou les Cavaillé-Coll du pays basque espagnol ?

Ensorcelantes pages symphoniques françaises transcrites à l’orgue par le duo Vernet/Meckler

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Apprentis Sorciers. Paul Dukas (1865-1935) : L’Apprenti Sorcier. Claude Debussy (1862-1918) : Symphonie en si mineur pour piano à quatre mains [Allegro ben marcato]. Charles-Marie Widor (1844-1937) : Symphonie no 1 en fa, opus 16 [Andante]. Louis Vierne (1870-1937) : Symphonie en la mineur, opus 84 [Scherzo]. Camille Saint-Saëns (1835-1921) : Symphonie no 3 en ut mineur, opus 75 [Poco Adagio] ; Danse Macabre, opus 40. Maurice Ravel (1875-1937) : Bolero. Olivier Vernet, Cédric Meckler, orgue Thomas de la Cathédrale de Monaco. Livret en français, anglais. 2021. TT 71’18. Ligia 0104360-21