Le Quatuor Tana se joue de Janáček, Ligeti et Boesmans
On a encore en tête la création, en janvier 2022, de King Lear, le 9e quatuor à cordes de Philip Glass par le Quatuor Tana (un hit pour l’ensemble, qui en joue la fin du 4e mouvement au rappel) et le programme de ce soir, puisé dans trois générations, est intrigant : il tient son titre du 1er quatuor à cordes de György Ligeti (1923-2006), qui en termine l’écriture en 1954 (il quitte clandestinement Budapest pour l’Autriche après la révolution de 1956), avec une oreille orientée vers la musique classique hongroise du 20e siècle -et Béla Bartók en particulier, dont les partitions les plus audacieuses sont bannies par le régime stalinien. Œuvre de la période hongroise du compositeur, Métamorphoses Nocturnes en est la conclusion, ambivalente, entre l’écriture savante et l’inspiration folklorique, entre le souhait de trouver un public et la nécessité de passer le cap de la censure (plusieurs partitions sont alors écrites « pour le tiroir ») ; ciselée, précise, la pièce se nourrit de rythmes et d’ambiances populaires, émergeant des souvenirs de jeunesse de Ligeti ; franc, adroit, le Quatuor Tana en traverse les variations -ou, plutôt, les métamorphoses (d’une idée musicale initiale qui revient ensuite sous de nouvelles formes)- avec l’élégance de celui qui maîtrise la difficulté sans rien en laisser paraître.