Telemann avec flûte à bec, hautbois et violon : le sage cabinet de la Compagnia Transalpina
Georg Philipp Telemann (1681-1767) : Sonates pour flûte à bec, hautbois et clavecin en mi mineur TWV 42:e6 ; en fa majeur TWV 42:F9. Sonate pour hautbois, flûte douce et clavecin en ut mineur TWV 42:c2. Concerto en la mineur TWV 43:a3. Trio pour flûte à bec, hautbois et basse continue en fa majeur TWV 42:F15. Sonate pour flûte douce, hautbois, violon et clavecin en sol majeur TWV 43:C6. Sonate pour hautbois, flûte douce et basse continue en ut mineur TWV 42:c7. Sonate pour flûte douce, hautbois et clavecin en la mineur TWV 42:a6. Compagnia Transalpina. Andreas Böhlen flûtes à bec. Andreas Helm, hautbois. Susanne Scholz, violon. Daniel Rosin, violoncelle. Tomasz Wesolowski, basson. Michael Hell, clavecin. Mars, avril 2022. Livret en anglais, allemand, français. TT 71’07. SACD Aeolus AE-10366
Cet album s’annonce comme une intégrale des Sonates en trio pour flûte à bec, hautbois et basse continue, et des Quatuors de même formation avec violon. Toutes les œuvres sont présentées et analysées dans la perspicace notice signée de Klaus Aringer, rappelant que la plupart des Sonates en trio suivent ici le modèle « da chiesa » en quatre sections, à l’exception de celle en fa majeur, et adoptent le procédé imitatif, souvent décliné sur une cellule monothématique. Le Concerto avec archet respecte aussi une coupe quadripartite, mais avec construction fuguée sur trois sujets en son Allegro. Tandis que le Quatuor en sol majeur, calqué sur le virtuose modèle italien, suit un plan en trois mouvements.
En août 2020, nous avions salué la réussite d’Andreas Böhlen dans les Sonates pour flûte de Giuseppe Sammartini (1695-1750), suivi par une seconde livraison tout aussi remarquable. L’effectif élargi autour du violon de Susanne Scholz, des anches d’Andreas Helm et du basson de Tomasz Wesolowski, nous vaut ici une saine réalisation, sur des instruments d’époque ou de judicieuses copies. Une interprétation délicatement texturée, où le hautbois imprègne la trame avec douceur et parfois suavité, sans que son timbre (plutôt chaste) ne domine la flûte, sans que sa voix ne s’élève, même dans les acrobaties des sections vives de la Sonate en fa majeur. Pour introduire le Largo du même opus, le clavecin de Michael Hell se distingue par la même sobriété que dans le moelleux tricot luthé qui imprègne l’Andante de la Sonate en ut mineur.
Grâce à ce fin clavier et aux diaphanes estompes du violoncelle de Daniel Rosin, c’est un continuo subtilement nuancé qui moire des dialogues parfaitement équilibrés, sans outrance de ton ni débauche de gouache. Estimera-ton la chromogénie un peu délavée, à l’instar de la photo de l’équipe qui figure sur le recto du livret ? Ce n’est certes pas le Telemann le plus déluré, ni le plus charnel qui s’invite dans cette prestation, si on confronte par exemple la Sonate en la mineur à l’enregistrement autour de Marc Hantaï (Astrée, 1994, avec le voluptueux hautbois d’Alfredo Bernardini).
Voilà plutôt un arbitre des élégances, cousu à la petite aiguille, aux rythmes souples et polis, aux contours méticuleusement ouvragés, et surtout aux teintes dégradées qui dissimulent le coup de pinceau. La forme semble naître des touches de couleur et de lumière, comme le bijou qui pend aux oreilles de La Jeune Fille à la perle (c1665) de Johannes Vermeer. Un résultat harmonieux, en dentelle, croustillant ce qu’il faut : soigné avec des transparences qui relèvent plutôt d’un cabinet du peintre néerlandais, que des scènes rococo d’un Fragonard ?
Christophe Steyne
Son : 9,5 – Livret : 9,5 – Répertoire : 9 – Interprétation : 9